La vallée du decouragement

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Comme s'il avait soudain été téléporté, Étienne se retrouva dans un endroit très diffèrent de celui qu'il venait de quitter. Il fut tout d'abord accueilli par une chaleur intense, si intense qu'après quelques secondes, il transpirait déjà à grosses gouttes. Sans gêne, il retira sa chemise et la fixa au niveau de ses reins comme une ceinture, puis il balaya le lieu du regard. Il ne se trouvait plus dans une forêt ou au bord d'une rivière, mais dans une immense vallée qui ressemblait étrangement au grand Canyon. C'était un spectacle à la fois splendide et angoissant.

Cependant, le temps n'était pas à la contemplation mais à l'action. Il se mit donc en marche en jetant des regards inquiets à gauche et à droite. Il n'avait pas encore oublié l'expérience pénible qu'il venait de vivre. Qui savait quel genre d'épreuve il était sur le point d'affronter?

Étienne marcha, marcha et marcha encore. Mais il ne voyait toujours pas le bout du chemin. Il avait l'impression de faire du surplace, de tourner en rond. Apres ce qui lui sembla correspondre à une heure de marche, le jeune homme sentit monter en lui le découragement. Il ne pouvait s'en empêcher. N'importe qui à sa place aurait ressenti la même chose. Parcourir des kilomètres sous un soleil de plomb, sans ne fut-ce qu'apercevoir une fin à ce calvaire était insupportable. Sans compter le fait qu'il commençait à être sérieusement déshydraté. Il en était arrivé au point de regretter cette satanée rivière et son requin imaginaire. Au moins là-bas, il pouvait s'abreuver. Ici, la seule chose qu'il pouvait avaler était sa salive. Le lion lui avait conseillé de ne jamais cesser d'avancer, mais suivre ce conseil devenait de plus en plus ardu.

Juste au moment où il était sur le point de remettre en question le but même de son voyage, quelque chose se produisit. A l'horizon, il aperçut de petits points noirs se diriger vers lui. Au début, il crut qu'il s'agissait d'oiseaux, mais lorsque sa vue s'améliora, il découvrit avec horreur qu'il n'en était rien. Non, ce n'était pas des oiseaux qui venaient à sa rencontre, mais des sauterelles. Et quelles sauterelles !

Elles étaient énormes, comme des corbeaux. De plus, elles n'étaient pas vertes mais rouge bordeaux, et elles avaient des pinces semblables à celles des scorpions. Etienne demeura pantois devant ce spectacle, mais sa stupeur fut de courte durée. En un éclair, les insectes fondirent sur lui, et il se trouva pris d'assaut par une horde de sauterelles déchainées. Mais elles n'étaient pas juste différentes à cause de leur apparence et cela le jeune homme s'en rendit compte bien vite.

Lorsque qu'il reçut une de leur piqure, l'effet fut immédiat : ce fut comme si on le vidait de toutes ses forces, physiques et mentales. Tout à coup, il se sentit encore plus découragé qu'il ne l'était déjà. Il commença à entendre des voix qui disaient :

Abandonne...

Tu n'y arriveras jamais...

Pourquoi t'entêter ?

Penses-tu vraiment avoir pris la bonne décision ?

Pourquoi te donner tout ce mal ?

Renonce !

Étienne était à bout de force. Ces voix exerçaient sur lui une pression immense. Il avait l'impression qu'elles l'attiraient vers le bas. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, il se retrouva à genoux, les sauterelles géantes tournoyant toujours autour de lui comme après un festin. Il se protégeait le visage avec les mains, mais il ne pouvait couvrir les autres parties de son corps.

Il n'avait que deux options : faire demi-tour ou avancer. Mais comment continuer d'avancer dans une telle situation ? La réponse lui vint aussitôt comme si on l'avait soufflée dans son oreille : en rampant. Il se mit donc à ramper telle une larve. A chaque effort qu'il fournissait, il se répétait en murmurant : « juste encore un peu...J'y suis presque... ». Peu à peu, comme par miracle, le bruit assourdissant que faisaient ces insectes pendant qu'elles l'attaquaient s'évanouit.

Péniblement, comme s'il portait sur ses épaules le poids du monde entier, Étienne se releva. L'endroit était toujours le même, mais les sauterelles avaient disparu. Au prix d'un effort incommensurable, il était parvenu à vaincre le découragement qui s'était incrusté en lui tel un virus. Il était lessivé.

A quelques pas de lui, il vit la troisième porte qui était apparue comme par magie. Il soupira de soulagement. Il ne désirait pas rester une seconde de plus dans ce lieu.

Il avança, tourna la poignée et franchit la porte.

Une île pleine de mystèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant