— Une proposition ? répéta Étienne. Laquelle ? Et pendant qu'on y est, où suis-je exactement ?
Baissant la voix, il ajouta :
— Et qui est cette fillette qui semble penser que je suis son père ?
Le lion garda le silence pendant quelques secondes, son regard pénétrant fixé sur Étienne, comme s'il jaugeait la capacité de ce dernier à recevoir les réponses qu'il s'apprêtait à lui donner.
— Avant de répondre à tes questions, j'aimerais d'abord que tu écoutes ma proposition, dit le lion.
Étienne acquiesça. Le lion poursuivit.
— Sur cette ile se trouve quelque chose que tu désires ardemment depuis très longtemps. Voici donc ce que je te propose : t'indiquer le chemin qui te conduira vers cette chose. Si tu refuses, tu seras libre de t'en aller.
— Quelque chose que je désire ardemment ?
— C'est exact.
De quoi peut-il s'agir ? se demanda Étienne. Il n'eut cependant pas à réfléchir beaucoup, car dès que ses yeux croisèrent ceux du lion, ce fut comme si la réponse lui fut donnée instantanément. Il n'y avait qu'une chose qu'il désirait vraiment, une chose qui occupait son esprit au quotidien. Et c'était...
— Une histoire, murmura-t-il.
En guise de réponse, la gueule du lion se fendit en ce qui ressemblait à un sourire.
— Ainsi donc, continua Étienne, vous pouvez me montrer le chemin qui me conduirait à... En fait je ne comprends pas très bien où vous voulez en venir.
— Il y a certaines choses que l'on comprend par la connaissance et d'autres que l'on ne peut comprendre que par l'expérience, dit le lion. Si tu acceptes d'y aller, lorsque tu y seras, tu comprendras.
Étienne était perplexe. Sans vraiment comprendre ce qu'on lui proposait, son esprit était piqué au vif. Le lion lui avait confirmé que cette chose avait un rapport avec l'écriture et il ne pouvait l'ignorer. En effet, comme l'avait si bien dit son interlocuteur, cela faisait très longtemps qu'il était en quête d'une histoire à raconter. Bien sûr il en avait écrit quelques-unes, mais elles étaient toutes superficielles, sans intérêt, et surtout dénuées de cette flamme qui est censée embraser tout écrivain lorsqu'il se met à l'œuvre.
Le flot de ses pensées fut interrompu par un petit bruit derrière lui. Il se retourna. C'était la fillette qui s'amusait à secouer ses pieds dans l'eau.
La mer...
Ce fut seulement à cet instant que l'apprenti écrivain réalisa qu'ils se trouvaient bien sur une ile. Il se mit debout et jeta un regard circulaire sur les environs. Il se tenait sur du sable blanc, mais qui semblait terne comparé au pelage du lion. Le sable s'arrêtait sur une grande forêt qui à première vue ne semblait pas très accueillante.
Avant de donner une réponse définitive à la proposition qui venait de lui être faite, il y avait toujours une question qui taraudait Étienne, mais comme précédemment, bien avant qu'il n'ait pu la poser, le lion lui dit :
— Cette petite fille est l'enfant que tu as secouru juste après le crash de votre avion. Avec juste quelques années en plus.
— Alvina ? interrogea Etienne.
Le lion hocha la tête pour marquer son approbation.
— Mais... mais comment est-ce possible ? Quand j'ai perdu connaissance, elle était tout juste un bébé !
— Les lois de l'espace et du temps sur cette ile sont différentes de celles qui régissent le monde extérieur, dit le lion. Dès l'instant où vos pieds ont foulé ce lieu, vos apparences ont été légèrement altérées. Si tu veux en avoir la preuve formelle, je te suggère d'aller voir ton reflet dans l'eau.
Étienne ne se le fit pas dire deux fois. Trop impatient de voir à quoi il ressemblait, il rejoignit Alvina qui, de son côté, semblait n'avoir rien perdu de son enthousiasme et de sa joie de vivre.
La mer était d'un bleu aussi clair que du cristal, voire plus. C'était comme s'il s'était retrouvé en face d'un miroir. Il avait toujours le même accoutrement : chemise blanche remontée au niveau des manches, pantalon belge et des mocassins noirs. Par contre, il n'y avait plus de tâches de sang sur ses vêtements. Elles avaient disparu comme par enchantement. De plus, il semblait être plus âgé. Son visage, imberbe avant l'accident, était maintenant recouvert d'une légère barbe, ce qui ne lui déplut pas. Mis à part ce détail, rien d'autre ne paraissait avoir changé : il avait toujours ces yeux verts émeraude qu'il avait hérités de sa mère et ces mêmes cheveux noirs naturellement bouclés.
Ayant terminé son expédition, il s'en retourna auprès du lion, après avoir adressé un grand sourire à Alvina qui lui en rendit un encore plus grand. A peine fut-il sorti de l'eau que son étonnement augmenta. En effet, ses vêtements qui normalement devaient être trempés, ne semblaient avoir gardé aucune trace de leur passage dans l'eau. Il n'eut cependant pas le temps de s'extasier davantage, car le lion marchait tout doucement vers lui.
— As-tu pris une décision ? lui demanda-t-il.
Étienne répondit par l'affirmative. Il ajouta que bien que cette situation l'effrayait, il s'en voudrait toute sa vie s'il partait sans avoir eu l'occasion d'aller jusqu'au bout de cette affaire. De plus, maintenant qu'il s'était calmé, il commençait à s'acclimater peu à peu à ce lieu, et il réalisait qu'il s'y sentait plutôt à son aise. Le décor, le bruit des vagues en fond sonore. Oui, tout cela lui convenait à merveille. Et en y réfléchissant bien, la perspective d'aller affronter toute l'horreur qu'il venait de quitter n'était guère réjouissante.
— Bien, dit le lion. Dans ce cas, suis-moi.
— Et Alvina ?
— Ne t'en fais pas. Je veillerai sur elle.
Sur ce, le lion le conduisit vers l'entrée de la forêt. Elle n'avait rien perdu de son aspect menaçant et tout à coup Étienne n'était plus sûr d'avoir pris la bonne décision.
— C'est ici, dit le lion de sa voix profonde.
Étienne, qui s'en doutait déjà, se contenta d'hocher la tête avec gravité.
— Avant d'arriver à destination, tu devras affronter diverses épreuves, informa le lion. Trois pour être plus précis. Elles seront précédées par trois portes. Mais quoi qu'il arrive, ne cesse jamais d'avancer.
— Des épreuves ? dit Etienne, soudain effrayé. Pourquoi ?
— Parce-que rien dans la vie ne s'obtient gratuitement. Il y a toujours un prix à payer. Mais souviens-toi : ne cesse jamais d'avancer.
Étienne voulut encore protester, mais finalement il se ravisa. De toute façon, il avait déjà fait son choix. Il n'avait plus qu'à s'y tenir.
Il bomba le torse pour se donner un peu de courage, puis il s'engouffra dans la forêt.
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Une île pleine de mystères
Historia CortaÉtienne Francis, un apprenti écrivain, voit sa vie être chamboulée au-delà de tout ce qui est possible et imaginable lorsque son avion s'écrase subitement en pleine mer. Quelle est cette île mystérieuse sur laquelle il a échoué?