1 - Le devoir d'une femme.

2K 138 17
                                    


Le lendemain elle toqua à la porte cinq minutes avant l'heure de rendez-vous. Nous nous rendîmes toutes les deux aux jardins où Elizabeth discutait avec son mari, Henri de la Tour d'Auvergne, vicomte de Taurenne. Ils étaient fiancés depuis maintenant trois mois. Henri avait vingt-quatre ans, c'est-à-dire huit ans de plus que nous. Il était le fils d'une famille réputée, c'est pourquoi les parents d'Elizabeth avaient consenti à leur union. De plus il était jeune et gentil, ce n'était certes pas le plus bel homme de la Cour mais il avait son charme.

- Regardez-la, elle rit comme une courtisane.

- Elle s'assure qu'il ne courra pas les jupons.

Isabelle rit à ma remarque. Il est vrai qu'on entendait souvent parler de lui comme un jeune homme aux mœurs libres mais il semblait s'être pris d'une certaine affection pour Elizabeth. Certainement pas de l'amour, elle n'en éprouvait pas non plus mais elle était plutôt satisfaite du choix de ses parents.

- Voilà vos amies qui arrivent, déclara-t-il en lui baisant la main. Je peux vous laisser sans crainte désormais.

Elle le salua en agitant sa main gantée ce qui nous fit toutes les trois éclater de rire.

- Qu'en est-il de Regnaudin ?, demanda-t-elle finalement en se tournant vers moi.

- Je lui ai demandé de s'éloigner de moi quelques temps.

- Seriez-vous demeurée ? Il vous a magnifiée, le roi vous désire, la cour vous admire, on parle de vous comme la dernière merveille du monde. Tout ce qu'il souhaitait était attirer votre attention et voilà comment vous le remerciez ?!

- Il aurait pu venir m'en parler...

- Vous repoussez tous les hommes comme de vulgaires mouchoirs. Il est normal qu'il tente quelque chose d'extravagant.

- Quelle enfant capricieuse... murmura Isabelle en ricanant.

Je m'offusquais et frappais son épaule. Elle me disait cela alors qu'elle suppliait chaque semaine ses parents de lui acheter le dernier accessoire à la mode de la Cour. Elle rit face à mon comportement et je croisais les bras sur ma poitrine en détournant le regard. Nous étions dans ma période préférée de l'année. Les bourgeons fleurissaient, le soleil n'était pas encore trop étouffant et semblait ruisseler sur l'eau rayonnante des fontaines.

C'était aussi la période où le plus d'événements avaient lieu à la Cour, et ma mère voulait que je participe à chacun d'entre eux. Elle voulait qu'on me remarque, hommes et femmes, mais ce n'était simplement pas moi.

- Avez-vous préparé vos tenues pour le bal ?

- Non, pas encore. Je pensais que nous pourrions nous assortir.

- J'aimerais beaucoup être une fleur cette année.

- Pourquoi pas. Isabelle serait notre rose rouge, Constance, blanche ou rose et moi, la jaune.

- J'aime beaucoup cette idée. Nous irons en ville demain chercher des étoffes et de la dentelle !, s'excita Isabelle.

- Vous aimez la dentelle parce qu'elle vous rend plus désirable pour un prochain mari ?, questionna Elizabeth en ricanant.

- Il est vrai que vous n'avez pas plus à vous en soucier madame, ironisa-t-elle.

Elles se chamaillèrent quelques instants encore à propos du mariage. A 15 ans à peine, je préfère ne pas penser au mariage. Cela me paraît si loin, et pourtant si proche à la fois. C'est une obligation pour une fille de mon rang. On considère une demoiselle 'vieille fille' à partir de ses 20 ans et les ragots s'en donnent à cœur joie.

Constance...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant