- Lo...Lo... j'ai perdu doudou...
Mon petit frère tire sur la manche de mon pull, la lèvre tremblante et les yeux brouillés de larmes.
- T'inquiète pas Ludo, on va le retrouver, doudou.
- Tu m'abandonneras jamais, Lo ? Dis-le que toi, tu me laisseras jamais. Dis-le Lo...
- Jamais, p'tit frère, lui promets-je avec toute la conviction de mes 7 ans.
- Dis-le encore.
Je lui ébouriffe les cheveux comme le faisait maman. Et je le lui répète. Encore et encore, jusqu'à ce que je sente sa petite main se relâcher sur ma manche. Lorsqu'il est rassuré, je cherche autour de nous, puis désigne du doigt une petite forme habillée d'un pull marin à l'orée du bosquet derrière nous.
-Tiens regarde, il est là-bas.
Ludo me lâche pour courir vers doudou, qu'il ramasse dans les feuillages. Un large sourire sur son visage, il enfouit le nez dans son ourson en peluche usé, respire son odeur. Peut-être qu'il arrive à y retrouver encore un peu l'odeur de maman. Puis il me rejoint pour se serrer contre moi, des traces de larmes séchées sur ses joues sales. Je passe un bras protecteur autour de ses épaules. Jamais je ne t'abandonnerai. Jamais.
L'image de mon petit frère et de moi enlacés s'estompe doucement puis s'efface. Frangin... Je voudrais retenir cette image. Je voudrais revenir en arrière, gommer mes peurs et mes erreurs, arracher ma douleur.
Il fait sombre, je suis assis sur le sol dur et froid, adossé au mur. J'ai l'impression d'étouffer tant le poids qui pèse sur ma poitrine est lourd. Lourd de regrets. De culpabilité. Lourd de cette solitude dont j'ai voulu m'entourer pour me protéger, et qui désormais me terrasse tant elle est pesante.
Une lumière vive m'éblouit brutalement. Je plisse les yeux, place une main devant mon visage pour protéger ma vue. Je ne comprends pas... Lila? Elle se tient à quelques mètres de moi et me sourit, dans un halo de lumière qui illumine la pièce. Elle me tend la main. Je me lève. Il n'y a que quelques pas à faire pour la rejoindre et la serrer contre moi. Elle posera ses lèvres sur les miennes, et j'oublierai tout. Je me perdrai en elle, passionnément. Et tout ira bien.
Mais elle s'éloigne, à reculons. Sur ses lèvres se dessinent des mots que je n'entends pas. La lumière qui l'entoure faiblit. Elle franchit une porte, puis une autre. Je la suis, mais ne la trouve dans aucune des pièces que je traverse.
Attends-moi, Lila...
J'ouvre toutes les portes. Je n'arrive pas à la trouver. Je suis en train de la perdre, elle aussi. Ça me rend fou.
Je l'aperçois enfin au bout du couloir. Je me précipite vers elle. Mais avant que je n'arrive à ses côtés, elle disparaît derrière une autre porte qui ne veut pas s'ouvrir malgré mes efforts désespérés. Une impression de vide abyssal me saisit, et je me laisse tomber à genoux. A quoi bon lutter si je dois tout perdre chaque fois?
Et de nouveau le noir. La solitude. J'étouffe. J'ai mal. Tu peux faire en sorte que tout s'arrête, murmure une voix, comme un souffle venu d'outre-tombe. Je relève la tête, le corps tendu. Cette voix, c'est...
- Papa ?
Mais il n'y a personne. Juste moi et ce sentiment de désespoir profond dans lequel je me noie, avec l'impression de ne pas pouvoir remonter à la surface. Je n'y arrive pas. Je n'y arrive plus. Mes yeux se fixent alors sur mon arme, posée sur le sol, à portée de main. La voix résonne tel un écho sans fin dans ma tête.
Tu peux faire en sorte que tout s'arrête. Tu peux faire en sorte que tout s'arrête.
Je me réveille en sursaut, transpirant, le cœur battant à tout rompre, les yeux écarquillés et le souffle court. Je me sens mal, au bord de la nausée, j'ai un horrible mal de crâne. Je tâtonne autour de moi. Mes doigts ne rencontrent que les draps froissés, et quelque chose de froid et métallique. J'ôte vivement ma main et referme les yeux. La panique m'envahit. Mes membres sont lourds et douloureux, mon ventre se crispe. J'ai mal, putain. Je tente désespérément de retrouver mon calme. Ce n'est pas réel. C'est juste un cauchemar. Un mauvais trip.
Je bats des paupières pour éclaircir ma vue brouillée. La nuit claire baigne ma chambre d'une pâle lueur bleutée. Mon arme est toujours là. Noire sur les draps clairs. Mon sang se glace. Je tends une main tremblante pour m'en saisir. Elle est chargée.
Tu peux faire en sorte que tout s'arrête.
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Une raison d'espérer
RomanceUne rencontre dans un village. L'insouciance des jours heureux. Loïc et Lila ont dix-sept ans, se découvrent, s'attirent, s'aiment sans vraiment se le dire. Puis surviennent les drames qui vont bouleverser leurs vies et les séparer. Lorsque Loïc r...