Chapitre 5 - Entre chaud...

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Lila

La scène me semble complètement surréaliste. Soucieux de ne pas salir, Loïc a ôté ses baskets dans l'entrée, près de Rusty qui s'est sagement allongé sur le tapis. Et je m'entends, d'une voix lointaine, lui demander son pull.

— Ce serait abuser de te demander un pansement ? Je me suis coupé sur des...

Je perds le fil de ses mots. Je vois ses lèvres bouger mais je ne l'écoute plus. Ce sourire. Ces yeux verts. Cette voix grave et chaude. Ce visage tant aimé. Il est là, et avec lui tout ce que j'ai désespérément essayé d'oublier. J'ai envie de le toucher du bout du doigt pour être sûre que je ne rêve pas.

Lorsque que je l'ai reconnu, l'émotion m'a submergée. Avant que la colère ne reprenne le dessus devant son sourire enjôleur. Comme s'il ne s'était rien passé. Je me sens soudain à l'étroit dans ce couloir. J'ai besoin de quelques minutes. Juste quelques minutes.

— Attends-moi dans le salon, je vais... Je reviens, bafouillé-je.

Dans la buanderie, j'enfouis fébrilement son sweat dans le sèche-linge, j'ôte mon bonnet trempé et ma veste. Puis je me précipite dans la salle de bain, où je ferme prestement la porte derrière moi. Je m'y appuie pour reprendre mon souffle, mes mains tremblantes plaquées sur mes lèvres. Les battements désordonnés de mon cœur font écho à la panique qui règne dans ma tête. Que suis-je censée lui dire ? Moi qui était persuadée que si je devais le revoir un jour, j'aurais eu suffisamment de recul pour réagir avec détachement. Mais non. Reprends-toi, Lila. Tu n'es plus une ado.

Lorsque je reviens, l'air aussi calme et dégagé que possible, Loïc est debout dans la cuisine.

Il remplit l'espace de sa présence. Il me sourit, tranquille, les mains enfouies dans ses poches, des gouttelettes toujours accrochées à ses cheveux mouillés qu'il a repoussés en arrière. L'éclat de ses yeux clairs me trouble, et je m'empresse de lui tendre une serviette. Je décide de laisser ma rancune de côté. Pour le moment.

— Merci.

—Tu es revenu pour une raison en particulier ? demandé-je à brûle-pourpoint, en posant le nécessaire pour soigner sa blessure sur le plan de travail.

— Je suis venu voir dans quel état était la maison.

Sa voix est étouffée sous la serviette. Ses épaules larges et son torse sont moulés dans un tee-shirt gris. Il a la musculature affûtée d'un athlète. Juste ce qu'il faut, partout. J'imagine ma meilleure amie Sarah, les yeux brillants devant un corps tel que le sien, et je détourne le regard, agacée à l'idée d'avoir le même air ridiculement béat.

— Et tu es ici...provisoirement ?

— Pour un temps indéterminé. Je suis revenu il y a six mois. Une permutation au commissariat de Limoges.

Pour un temps indéterminé... Je pose deux tasses et le café soluble un peu trop brusquement sur le plan de travail, avant de remplir la bouilloire d'eau d'une main tremblante.

— Tu es entré dans la police ?

Il pose la serviette en travers d'une épaule, puis passe la main sous l'eau pour nettoyer sa paume.

— Oui. Brigade anti-criminalité. Est-ce que ça t'étonne ?

A l'époque, il était en terminale scientifique. Il était musicien, maniait les mots sur le papier comme un poète, mais résolvait sans mal des équations compliquées. Il avait du talent, sans rêver d'être célèbre et de s'afficher sur une scène. Et malgré son apparence calme et tranquille, il pouvait se mettre dans des colères noires et jouer un peu trop promptement des poings, notamment pour défendre son frère, qui lui avait le don de s'attirer des ennuis. Loïc était un paradoxe à lui tout seul. Et j'aimais tout ce qui faisait qu'il était lui.

Une raison d'espérerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant