Chapitre 7-

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Loïc - 29 Juin ****, 13 ans auparavant.


Je ne l'ai pas revue depuis trois jours. Je la cherche au détour des chemins, de l'autre côté des champs, à l'orée d'un bosquet, chez le boulanger.

Des images d'elle tournent en boucle dans la tête. Une question aussi. As-tu un petit ami, Lila ?

Nous sommes vendredi. Les heures de l'après-midi passent. Une. Deux.

Sur ma guitare, sous la pergola, je joue une mélodie que j'ai composée pour elle. Je relève la tête, repousse la mèche de cheveux qui me tombe sur les yeux. Elle est là, derrière le portillon. Mon cœur fait des bonds de joie, et aussitôt je me lève, ma guitare à la main, pour la rejoindre.

Elle se mord la lèvre, l'air gêné d'avoir été surprise.

— J'ai entendu la musique, je suis venue voir qui jouait... C'était magnifique.

C'est pour toi que je jouais, Lila.

— Je suis content que tu sois venue.

Ses joues se colorent de rose. Elle est si jolie. Elle illumine ma journée.

—Tu joues depuis longtemps ?

— Depuis l'âge de 8 ans. Mon père m'a appris, il faisait partie d'un groupe quand il était jeune.

Son air impressionné me flatte. Nous sommes interrompus par mon frère qui déboule comme une furie dans la cour, suivi de ma sœur. Lila les suit du regard, curieuse.

— Eh, Loïc, on fait un foot ? me lance-t-il.

Il court, un ballon aux pieds, et commente ses actions tel un journaliste sportif. Lucie, sur ses talons, essaye vainement d'approcher le ballon.

— Et but ! hurle-t-il en shootant dans le ballon qui atterrit droit sur un pot de fleur.

Le pot vole en éclat. Ludo est pétrifié au milieu de la cour, la mine déconfite.

— T'es trop nul, Ludo, s'écrie Lucie, une main plaquée sur sa bouche.

Maman pousse un cri dans la maison. Moi, je me dépêche de passer de l'autre côté du portillon. La clochette qui y est accrochée s'anime gaiement.

— Je te présente mon frère Ludovic et ma petite sœur Lucie...

— Que s'est-il passé encore ? s'écrie maman.

Les yeux azur de Lila rient, la commissure de ses lèvres frémit. Je mets ma guitare en bandoulière.

— Et là, c'est ma mère qui va péter un plomb, souris-je en la poussant doucement vers le chemin. Je n'ai pas envie d'assister à ça.

Ma main effleure le creux de ses reins. Je respire discrètement son doux parfum vanillé.

 — Je préfère de loin rester en ta compagnie.

Elle récupère le vélo qu'elle a posé contre le bouleau au bord du chemin. Je me retiens de sauter comme un cabri lorsqu'elle me sourit, l'air ravi.

D'un commun accord, nous allons nous asseoir sur le petit pont de pierre sous lequel serpente le ruisseau. Je lui propose un jeu. Je joue les premières notes d'une chanson, elle doit la reconnaître. Elle s'amuse. Elle aime la musique. Je m'imprègne de chacune de ses expressions : son air concentré tandis qu'elle fait appel à sa mémoire, son rire, sa façon de s'exclamer lorsqu'elle trouve la bonne réponse, son regard parfois pensif tandis qu'elle m'observe en silence.

J'aimerais lire dans ses yeux. Est-ce qu'elle aime ce qu'elle voit ?  Un mec aux cheveux blonds trop longs, aux yeux verts, au teint hâlé. Je sais qu'en général, je plais aux filles.

Mais je voudrais juste lui plaire, à elle. Qu'elle ne pense plus qu'à moi comme je ne pense plus qu'à elle.

Une petite dizaine de jeunes arrive en chahutant. Ce sont ses amis, me dit-elle. Toute la jeunesse du village presque au complet. Il y a Evan et sa sœur Sarah, les enfants du garagiste, Sébastien le fils du fermier, et quelques autres. Avec ma guitare, je suis une distraction de taille, et on m'assaille de questions. D'où tu viens? Tu vas dans quel lycée à la rentrée? Tu joues dans un groupe? Tu chantes?

Je n'aime pas les questions. Je n'aime pas être le centre de l'attention. Mais pour elle, je réponds.

Sarah me dévisage avec intérêt.

— T'as une copine? me demande-t-elle, l'œil allumeur, en jouant avec une mèche de ses longs cheveux bouclés.

Son frère vient s'asseoir tout contre Lila.

— Non, réponds-je simplement.

Lila rougit lorsque nos regards se croisent. Evan passe un bras possessif autour de son cou, et m'avertit d'un regard. Elle est à moi, semble-t-il me dire.

Elle le repousse d'un coup d'épaule agacé. Le doux sourire qu'elle m'adresse me donne l'impression de voler.

Non, elle n'est pas à toi, Evan. Ses allures de mec sûr de lui et arrogant ne m'impressionnent pas. Je le lui fais comprendre en soutenant son regard avec un sourire narquois. 

Elle sera à moi. Toute à moi. Rien qu'à moi.


Une raison d'espérerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant