Water Lily

Avance et ne recule plus.

- Keylinda ? C'est Tama...

- Je ne veux voir personne, balançai-je mollement, assise dans mon lit en tailleur.

- Rester enfermé dans ta chambre ne changera rien à la situation. Tu as déjà séché deux jours de cours, tu ne trouves pas ton comportement un peu lâche ?

- Aussi lâche que d'attaquer quelqu'un qui ne sait pas se défendre et prendre plaisir à l'humilier, gratifiai-je tout aussi calmement. Je vais donc te donner un conseil : fiche moi la paix avant que je ne brûle cette fichue porte à laquelle vous venez frapper tour à tour.

Elle laissa échapper un soupir profond et resta plantée là, sans se démonter. Ses pensées me parvenaient assez clairement. Même celles qu'elle tentaient de camoufler. Elle était désolée. Sincèrement. Elle éprouvait même un fond de culpabilité, chose visiblement assez rare pour cette jeune fille impétueuse. Elle n'était pas la méchante que j'avais voulu me convaincre qu'elle était. Elle n'était une cruelle méduse, ni même une maléfique revendiquée. Elle avait pensé bien faire et sa manière d'être, provocante à souhait, n'était qu'une façon de me pousser à réagir. Elle avait réussi, mais pas comme elle l'espérait.

- Je ne t'en veux pas, finis-je par murmurer, sachant qu'elle m'entendait aussi clairement que si je parlai haut et fort. Je veux juste être seule encore un moment. Je ne suis pas prête, si vous n'aviez pas compris les dix dernières fois.

- Keyli... je suis réellement désolée, murmura-t-elle à son tour, mes oreilles percevant pleinement sa voix malgré tout. Je ne suis pas douée pour me contrôler... pourtant j'aurai dû. Je pensais que tu étais transformée et prête à te défendre mais...

- Je ne t'en veux, coupai-je sobrement. Mais, s'il te plaît, laisse-moi un peu tranquille. Et dit à Andrew d'arrêter de m'envoyer tous le monde, par pitié.

- Il s'en veut énormément, tu sais ? Souffla-t-elle en recouvrant un ton normal.

Je ne répondis pas. Oui, je le savais. Mais ma colère n'était pas encore assez retombée pour que je lui pardonne. Je le ferai, mais pas maintenant. Je voulais juste me reposer, me détendre, cesser de me tourmenter sur ce nouvel univers que je ne maîtrisai en rien. Malgré mon désire, Tamara resta encore un moment devant ma porte, espérant que je change soudainement d'avis et l'autorise à pénétrer dans mon antre. Mais cela n'arriverait pas. Et elle finit par le comprendre, renonçant à son entêtement.

Quand sa présence disparut de mon horizon télépathique, je me détendis enfin. Isidora, vautrée sur mon lit comme la plupart du temps, ouvrit un œil curieux avant de le refermer en constatant qu'il n'y avait rien d'intéressant à se mettre sous la dent. Elle eut un léger ronronnement et son ronflement reprit, résonnant dans la pièce silencieuse. Je souris avant de retourner, moi aussi, à mon activité initiale. La lecture.

En feuilletant ma bibliothèque, j'étais tombée sur la reliure d'un livre imposant. Sa couverture en cuire marron m'avait intrigué et j'avais finit par reconnaître le titre d'un ouvrage que Maël m'avait chaudement recommandé. Il parlait des Dieux et Déesses peuplant notre monde. J'avais donc pu constater à quel point ils étaient nombreux. Leurs noms étant plus imprononçable les uns que les autres. J'avais finis par abandonner l'idée de les déchiffrer ou de les prononcer.

J'arrivai à la fin d'un chapitre et je grimaçai en constatant que le titre du suivant ne m'inspirait guère. « Monstre et créature mortelles ». J'allais passée celui-ci pour le moment. Et comme pour me confirmer la bonne décision de ce choix, un bruit sourd retentit en faisant redresser mes yeux de mon bouquin. On venait de frapper. Mais pas à ma porte. Mon visage devint livide. J'avais tourné les yeux vers l'endroit que j'estimais source du bruit. Ma fenêtre. Et les grandes ailes de Kenan avait obstrué le paysage que je m'attendais à percevoir. Je me retournai brusquement, jurant tout bas alors que mon cœur se mettait à bondir dans ma poitrine. Il était perché à plus de dix mètre du sol.