- Il y a un village plus au nord, nous y trouverons de la nourriture et un hôtel pour nous y abriter cette nuit. Il va pleuvoir.
- Comment le sais-tu ? Questionnai-je un Maël qui s'évertuait à marcher devant moi et ne m'offrir que son dos comme vision.
- Je suis affilié à une déesse des eaux, Damona.
Bref. Cassant. Ou comment m'affirmer haut et fort à quel point il était en colère. À quel point il m'en voulait. Et moi je ne pus que grimacer, la culpabilité me rongeant aussi subtilement que sa voix rauque laissait traîner des intonations glaciales. Pompon sur le bonnet, Kenan semblait totalement se ficher de la situation qu'il avait pourtant provoquée. Il nous surplombait de quelques mètres, pouvant pleinement participer à la conversation me se contentant d'épier les environs sous prétexte – certes valable – de veiller à ce que personne ne déboule soudainement d'entre les arbres.
La forêt se faisait de plus en plus dense, rendant difficile notre avancé. Ou plutôt, mon avancée. L'ange et le démon semblaient des plus à l'aise, poussant, s'écartant, évitant sans avoir besoin de réfléchir à leurs gestes. Régulièrement, l'un et l'autre jetaient un œil en arrière, constatant dans un lourd soupir que plusieurs mètres nous séparaient déjà.
- Maël, soufflai-je doucement en essayant de m'approcher malgré les embûches d'une nature envahissante. Tu ne peux pas m'en vouloir... je ne v...
- Je sais. Et ce n'est pas pour cela que je suis aussi... frustré, avoua-t-il en accélérant déjà le pas. Tu peux choisir celui qui te convient, c'est un fait dont j'ai parfaitement conscience et que j'ai accepté depuis longtemps. Mais... je ne m'attendais pas à ne pas avoir les mêmes chances que lui.
- Je ne vois pas de quoi tu parles, soufflai-je en fronçant aussitôt les sourcils.
- Keylinda, il t'a déjà embrassé deux fois. Ma seule et unique tentative s'est soldé par un rejet, rétorqua-t-il en plantant enfin ses yeux dans les miens.
Je me détournai vivement, fixant mes pieds. Il n'avait pas tort. Il avait même, sans aucun doute possible, raison. Mais tout était si compliquée. Je ne voulais pas jouer sur deux tableaux, je ne voulais pas de cette situation dont je ne savais que faire. Je n'avais jamais flirté, jamais cherché à m'intéresser à un quelqu'un. Et soudainement je devais choisir entre deux garçons aussi différents qu'envoûtants. J'ouvrai la bouche, prête à tenter de lui expliquer ce méandre dans lequel Dana m'avait plongé, mais il me coupait dans mon élan :
- Je sais déjà ce que tu vas me dire. Mais trouves-tu cela juste d'en éliminer un d'office sans même lui laisser une chance ?
Je basculai la tête en arrière en me stoppant. Était-ce si compliqué de comprendre que la situation n'avait rien de simple ? Bien sûr elle ne l'était pas plus pour eux, je le savais même que trop bien. Et je savais aussi à quel point le rejet pouvait être douloureux. Être exclu sans comprendre pourquoi, sans n'avoir rien fait pour. Être exclu alors que nous avions le désir de faire partie d'un groupe, d'un tout. Ne pas être seule. Je me mordis la lèvre, durement. Au fond, j'avais conscience de mon égoïsme. Maël avait raison. Je le rejetai lui pour me protéger moi. Parce que je ne voulais pas réfléchir, pas être dans cette situation, pas me sentir coupable de jouer avec l'un et l'autre.
Rebaissant la tête, je me dépêchai de rejoindre l'ange qui ne m'avait pas attendu, continuant sa route. J'attrapai son bras pour l'arrêter et il ne chercha pas à éviter mon étreinte. Mes doigts serrés glissèrent sur le bas de la manche de son T-shirt blanc. Je le serrai afin de m'assurer qu'il ne s'enfuit pas. Je fermai les yeux, inspirant lentement. Je ne voulais pas le perdre. Je ne voulais pas qu'il me déteste. Et cette pensée aussi était terriblement égoïste. Mais je ne pouvais pas lutter contre ces sentiments, je luttais déjà contre un trop grand nombre de chose pour en rajouter un peu plus.
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Water Lily
FantasySon doigt effleura ma peau. Froid et chaud à la fois. M'électrisant au simple contact. Il traça la courbe légère de ma nuque, dessinant du bout des doigts les marques blanches qui parcouraient désormais tout mon corps. Mes yeux n'arrivaient pas à se...