Chapitre 3 : Dix ans plus tard

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« Un putain de fléau, je te dis ! »

Elise finissait presque par me crier dessus. En une dizaine d'années, elle était passée de "simplement jolie", à "carrément à tomber", avec ses cheveux bouclés avec soin, son maquillage mesuré et ses formes généreuses.

Elle ne savait pas ce que j'en pensais, mais c'était mieux comme ça. On n'avait pas beaucoup de temps pour ce genre de relations, à l'Agence. L'Agence, c'est un peu le centre policier des Swapers. Le but, c'est de stopper ceux qui prennent un peu trop de libertés avec la morale en abusant de leurs pouvoirs.

En théorie, ici, on sauve le monde et on régule la mise en place du Destin. En pratique, on attrape surtout des petits voyous sans ambition qui n'ont pas autre chose à faire de leurs journées que de casser les pieds des autres.


« Hum ? Tu disais quoi, j'étais ailleurs ? », fis-je d'un ton absent, ouvrant et refermant plusieurs de mes tiroirs.

« Silvan Yorks. Il a dévasté une rue entière. Ici ! » -elle plaqua avec vigueur un plan, marqué de différentes annotations, sur mon bureau- « Deux minutes plus tard, une boutique de bijoux perd la moitié de ses articles, ici ! A quatre rues de l'attentat» -elle pointa un doigt sur la carte- «Il a revendiqué le coup tout à l'heure en nous envoyant une vidéo par mail. t'en penses quoi ? », finit-elle avec une pointe de reproche dans la voix.

« J'en dis qu'il est bon. », déclarai-je en roulant des yeux, comme pour lui signifier que je ne pouvais rien changer à la situation.


J'avais tort, en fait. Si ce gars-là continuait à s'amuser de la sorte, on allait vraiment finir par sauver le monde.


Après ma remarque, Elise leva les yeux au ciel : « Tu vas sur le terrain, tu enquêtes, tu remontes jusqu'à lui, tu l'arrêtes. », m'ordonna t-elle en me tournant le dos pour retourner à son bureau.

Tout en la regardant partir, je méditais sur la façon dont j'allais m'y prendre, mais je me rendis compte que je venais une fois de plus de perdre la face devant elle. C'était une fois de trop, et je voulais y remédier :

« Merci de m'apprendre mon boulot ! », lui envoyai-je alors qu'elle s'éloignait, et en se retournant elle précisa : « Et tu arrêtes de me dévorer du regard ! »

Et merde. J'avais doublement tort. Finalement, elle avait remarqué. Après tout, c'est peut être mieux comme ça. Le boulot n'était pas si prenant de ce côté...


J'étais responsable d'une petite équipe d'intervention, qui comptait Lucas dans ses rangs. Lui passait son temps à accaparer mon attention et à vouloir m'impressionner. Je devrais lui expliquer, un de ces jours, qu'il devrait arrêter. Elise, elle, était montée un peu plus haut que moi dans la hiérarchie, et ça m'agaçait. A vrai dire non, j'étais bien comme ça, j'allais toujours sur le terrain et j'aimais bien l'action. Je ne vois pas ce que l'Agence lui trouvait, à vrai dire.


Sa spécialité, c'était les interrogations. Les gens avaient vite compris l'intérêt du Swap dans ce domaine. Pas Elise. Elle s'acharnait à ne jamais utiliser son don, ou alors quand elle y était vraiment poussée ; à vrai dire je ne la comprenais pas vraiment. Mais ça devait avoir son charme sur les hauts fonctionnaires de l'Agence...en tout cas, ça avait été efficace pour sa carrière.


Avant de partir sur le terrain, je pris le temps d'aller vérifier la vidéo dont m'avait parlé Elise. Naviguant sur le site de l'Agence, je la retrouvai bien vite : elle durait quelques secondes et ne comportait qu'un monologue d'un homme portant un curieux masque triangulaire complètement blanc qui couvrait entièrement son visage, et qui parlait d'une voix numériquement déformée, ce qui lui donnait un air un peu grotesque.

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