Quatrième feuille

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Mademoiselle Kilio. Génial. Elle allait avoir une mauvaise image de moi désormais.

Je ne te cache pas que les avis divergeaient : les gars disaient que j'avais de la chance de l'avoir pour moi seul, des filles disaient que je le méritais bien, d'autres que, par rapport à ce que l'autre avait eu, j'avais de la chance. Mais ça m'importait peu, parce que je n'ai jamais su pourquoi – alors qu'elle n'était absolument pas mêlée à cette histoire – je faisais mes heures de colle avec elle. Quand je demandais au surveillant, il disait que c'était parce que j'avais une moyenne pourrie en maths (7) et qu'elle me faisait des cours de rattrapage.   

Les colles se passaient plutôt bien, dans le silence reposant. Je faisais des exercices de maths pendant qu'elle me surveillait du coin de l'œil tout en faisant ses choses de son côté. Au début, il y avait d'autres élèves, puis leur présence s'est faite rare, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que nous deux. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, elle était toujours gentille malgré la raison de ma présence.

Puis un jour, elle m'a coupé dans mon devoir de maths et m'a demandé de lui parler de moi. J'ai raconté les infos de base que tous les profs savent, puis elle l'a fait aussi. J'ai appris qu'elle s'appelait Gwendoline, qu'elle avait 23 ans, qu'elle avait toujours rêvé d'être prof d'Arts mais que quand elle avait postulé ici, il n'y avait de la place que pour maths, alors elle avait pris ça. Elle avait vraiment besoin d'argent, et, au fond elle ne regrettait pas.   

Puis, au bout de quelques jours, elle m'a parlé de sa famille, ses amis, ses souvenirs, son collège d'avant, ses histoires, ses vacances, elle m'a même chanté une chanson. J'en avais presque hâte de venir en colles.   

Puis, il y a eu le 3 décembre.   

Je te supplie de me croire, de ne pas penser que je raconte ça pour faire mon intéressant.

Enfin voilà, alors que tous mes amis quittaient à 16h, je devait rester deux heures de plus – youpi. Je me dirigeais plus ou moins gaiement vers la salle de classe 12, et j'attendais la professeure.
Une demi-heure. Je l'ai attendue une demi-heure dans le couloir (aller en étude ? Jamais !)

Elle est arrivée calmement avant de me voir. Elle a pâli, puis m'a dit qu'elle m'avait complètement oublié. Après s'être excusée au moins une dizaine de fois, j'accédais enfin à une chaise que je trouvais on ne peut plus confortable. Je m'asseyais à ma place habituelle, et elle fit de même. Elle me jetait des regards suspicieux, je les apercevais.   

La sonnerie de 17h a retenti. Elle a soupiré de soulagement, et je la soupçonnais d'avoir appris quelque chose sur moi. Quoi ? Je n'en savais rien. Moi, j'ai continué mon dessin sans problème (je n'avais pas de devoirs), dessin qui représentait une amie qui m'avait demandé de la dessiner. Je n'ai pas forcément un talent pour le dessin, mais j'ai une bonne mémoire visuelle et je sais assez bien représenter. Créer, ce n'est pas mon truc.   

J'entendais la tonalité incessante de l'horloge de la salle d'à côté. Il n'y avait presque plus personne dans le collège (en ne comptant pas les employés). Je pensais à mon lit que je retrouverais, à mon chat, aux pizzas de ce soir, à des choses insouciantes.  

Puis le téléphone de ma professeure à vibré, et elle a fondu en larmes après avoir jeté un coup d'œil à celui-ci. Je n'ai pas osé m'approcher d'abord, puis à un moment je n'en pouvais plus.

Elle était avachie sur son bureau, pleurant toutes les larmes de son corps, pour un message.

Je lui ai demandé ce qu'il y avait, et elle a relevé la tête, les yeux entouré de noir, en me disant qu'il n'y avait rien. J'allais repartir à ma place mais elle m'a retenu. Elle m'a serré dans ses bras comme les peluches qu'on serre quand on est petit et qu'on a peur des monstres dans le noir. Elle m'a serré aussi fort qu'elle le pouvait, comme si elle avait peur que je m'envole, que je m'enfuie. Je lui ai rendu son étreinte, et je pense que c'est à ce moment là qu'elle a

Fumée verteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant