Sixième feuille

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Le mardi, je n'ai pas cours avec elle, et pendant la récréation, j'ai fait une connerie : j'ai voulu trouver du soutien parmi mes amis masculins. Alors que certains ne me croyaient pas, d'autres si. Mais le problème, c'est que ceux qui y croyaient me disaient que j'avais de la chance ou se moquaient de moi. Et puis, après que j'aie réussi à tous les convaincre par x moyens, tous se sont fichés de moi parce que je n'ai pas apprécié ça. Alors j'ai menti. J'ai dit qu'au contraire, elle était trop bonne et que je la faisais crier. J'ai raconté des choses comme ça parce qu'il ne fallait pas que je perde la face. Quand c'est une fille, tout le monde s'indigne; quand c'est un gars, tout le monde le félicite.

Tu te demandes peut-être pourquoi je ne l'ai pas dit aux filles ? Parce que les filles, ça a des réactions excessives. Même si, au fond, c'est ce que j'aurais espéré. Mais aussi parce que j'avais honte.

Tu imagines ? Je me suis laissé faire. Je la dépasse, et même si elle est plus âgée, je suis plus fort. Je ne suis qu'un fragile, qu'un imbécile. Je n'ai même pas su me défendre. J'aurais pu la dénoncer, mais qui m'aurait cru ? J'aurais pu faire justice moi-même, mais comment cela ce serait fini ? Alors j'ai décidé de me taire. Les gars m'ont demandé si ça c'était reproduit, j'ai dit que non, mais si. Tous les soirs.

Je suis qu'un putain de lâche.

Te rends-tu compte ? Cette salope m'a détruit. Aujourd'hui, je me dégoûte, la vie me dégoûte. Tout ça a cause de qui ? D'une pédophile qui a profité de sa situation de professeur pour assouvir ses pulsions.

Tu te demandes peut-être pourquoi je t'écris ? Et bien, parce qu'aujourd'hui, après avoir fixé pendant plus de vingt minutes une corde qui pourrait m'aider à me pendre, ton visage m'est revenu en tête. J'ai l'impression d'être moi aussi un égoïste, car je ne t'écris pas quand tu as besoin de moi mais je viens me plaindre quand l'inverse se produit. Je suis horrible. Au fond, peut-être que moi aussi, je suis un humain.

J'ai mis 13 feuilles usée et 5 bien écrites, une bonne centaine de mots, quatre stylos et deux jours pour écrire ce que j'aurais pu résumé en cinq mots.

Je suis un garçon violé.
Je suis un garçon violé par sa prof de maths.
Je suis un garçon qui a perdu foi en l'Homme.
Je suis un garçon qui ne pense qu'à la mort.
Je suis un garçon qui est égoïste et égocentrique.
Je suis un garçon qui a été délaissé par ses « amis ».
Je suis un garçon qui se sent seul.
Je suis un garçon banal qui a vécu une histoire pas banale.
Je suis un garçon lâche.
Mais avant tout,


Je ne suis pas qu'un personnage de fiction.


Valentin.

Fumée verteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant