Troisième feuille

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Donc, cela a commencé le 28 octobre. Vois-tu, mon professeur de maths était enceinte. Je ne sais pas si ça se dit, mais, dans tous les cas, elle en était à son quatrième mois de grossesse et, enceinte de jumeaux, elle avait pris un congé maternité.

Et madame Kilio est arrivée. Une étudiante qui faisait sans doute ça pour gagner de l'argent et un peu d'expérience. Une brune aux yeux bleus, le genre de fille qu'on voit un peu dans les magazines. Tu connais les garçons adolescents, un rien les excitent. Et bien, chacun avait nourri en elle un fantasme impossible. Enfin, chacun, quelques un d'entre nous ont été épargnés de cette folle idée, tel que Mathieu, Lilian et moi. Entre autres.

Chacun s'imaginait son propre scénario, comme si elle n'était qu'un vulgaire objet. Enfin, ils faisaient ça en secret, devant elle, c'étaient de vrais petits anges. Oui, presque avec l'auréole au dessus de la tête.

Mis à part ça, c'était une bonne prof. Elle était gentille, drôle, avait de la repartie, était à l'écoute de ses élèves et ses cours était intéressants. Et Dieu sait que pour qu'un cours de maths m'intéresse, il faut en vouloir.

Enfin, tout a duré jusqu'à fin novembre. Entre temps, il y a eu énormément de choses, telles que Kelcy. Kelcy, c'est le genre fille qui, dès qu'elle arrive, fait un bruit monstre. Le genre de fille jolie, qui s'habille bien, parle avec une voix suraiguë et a une tête de peste entourée de cheveux blonds. Je n'ai pas besoin de te faire un dessin.

Et puis, voilà que Kelcy s'intéresse à moi, le grand châtain tout maigrichon qui a, je cite, une « gueule d'ange mystérieux ». Hum... Merci ?

Elle est sortie avec moi. Et je suis sorti avec elle. On n'est pas réellement sortis ensemble vu que chacun disait ce qu'il voulait. On se faisait des bisous quand on nous le demandait et les « je t'aime » échangés ressemblaient à ceux échangés entre deux robots. On était en couple, mais chacun de son côté en fait.

Puis, un jour, on s'est quittés. Comme ça, un ras-le-bol. Je suis repassé de « petit-ami de Kelcy » à « grand maigrichon châtain » et cela m'allait parfaitement.

Il y a aussi eu cette fois où l'on est tous partis au grec du coin pour se réchauffer. Je pense qu'on a renfloué les caisses pour trois mois au moins. Tu sais, je vis dans une ville où la plupart des habitants sont des personnes âgées, alors t'imagines que ce n'est pas très bon pour leurs affaires. Mais bon.

Fin novembre, le froid a commencé à s'installer. Dur pour un frileux comme moi, surtout que la doudoune jaune poussin horrible que ma mère m'a achetée a servi de repas pour les chiens du voisin. Ces chiens, ce sont des malades, ils seraient capables de te bouffer jusqu'à la moelle si tu t'approchais trop. Je n'ai fait que les calmer, c'était bénef' pour nous tous.

Bien entendu, pour me justifier, je n'ai rien trouvé de mieux que « Je ne les avais pas vus », ce qui est impossible, parce que même si je ne les avais pas vus, je les aurais entendus. De Paris. Mais ma mère a fait semblant d'y croire.

Tout ça pour dire que je me balade désormais avec un veste en jean sur le dos tout le temps. Je n'ai rien d'autre et ma mère veut me traîner faire les boutiques, mais un sweat et ma veste, c'est bon. Les femmes ne comprennent pas ça.

Revenons-en au sujet qui nous intéresse. Un jeudi (j'ai toujours détesté les jeudi), un gars m'a provoqué. Cet imbécile m'as dit « fils de pute ». Je lui ai dit, tel Cyrano de Bergerac « Enchanté, moi c'est Valentin. » et il l'a étrangement mal pris (après qu'on lui ait expliqué à cet imbécile). On s'est battus, et vu qu'il devait faire 1m50 tout au plus, j'ai facilement gagné. Mais ce que j'ai surtout gagné après, ce sont les heures de colles. J'étais collé de 8h à 18h jusqu'aux vacances (plus que 10 jours, nous tiendrons). Et devine avec qui je devais faire ma colle ? Dans le mile.

Fumée verteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant