Point de Vue de Rowan
Je soupçonnai un peu de frayeur, dans son regard. Mais j'étais à peu près sûr qu'elle ne me le dirait pas. Je commençait alors mon récit :
« Je sais que mon histoire ne se raconte pas comme ça, c'est un peu flippant. Les quelques personnes auquel je l'ai raconté mon conseillé de voir un psy et se sont éloignés de moi. On va dire que si on est pas près pour ce choc et bien ça ne passera pas. Tu vois, au lycée, dans mon groupe, j'étais le mec qui mensait qu'au cul tout le temps. Mais moi je ne le prenais pas mal, puis, au fond de nous, futurs hommes, on pense tous un peu à ça - tous avec des degrés différents. Alors, mes parents ont toujours été des gens bizarres, et encore aujourd'hui ils le sont. Je peux te l'affirmer car normalement, quand je ne suis pas au boulot ou chez des potes, je suis avec eux.
« Quand j'étais petit, mes parents faisaient tout devant moi. Toujours je devais les regarder sans détourner le regard, je devais les observer et conserver chaque détails dans ma mémoire. Le premier souvenir dont je me souviens, c'était il y a à peu près 15 ans. J'avais 4 ans et ça avait été une nuit tourmentée par les cauchemars, je devais avoir des visions avec les gestes de mes parents, enfin... et comme tout les petits enfants, j'allais dans la chambre de mes parents le matin. Et ce matin la, mon père était sur ma mère et j'en garde une vision secouée car ils ruisselaient de sueur, j'avais l'impression qu'ils souffraient, c'était horrible. Mais, dans mon petit esprit d'enfant, j'avais remarqué quelque chose... ils étaient à l'envers. Ils n'étaient pas tête contre tête mais dos-à-ventre. Tu vois ? Et la faute que j'ai fait à ce moment là, c'est de leur faire remarquer. Toutes les scènes qui ressemblaient à ça je les ai vues. J'ai donc aussi vu la conception de mon petit frère, et au moment de l'accouchement, mon papa m'avait placé juste en face de la sortie, de l'endroit par où allait sortir le bébé. Chose qui dégouterait quelqu'un, tu vois, en Sciences Nat. tout le monde qui ne peut regarder ? J'étais proche des six ans moi, quand j'ai vu ça !
« Au début, ma mère ça lui plaisait. Ça lui plaisait sans doute de former son fils aîné tôt pour qu'il soit bien performant - elle me l'a dit un jour. Mais après la naissance de mon frère, elle était plus fatiguée. Elle devait gérer deux enfants, presque deux bébés, son mari, qui pouvait la prendre n'importe où ; pendant qu'elle repassait le linge, pendant qu'elle remplissait le lave-vaisselle, en plein milieu d'un coup d'aspirateur, même quand elle prenait du bon temps pour elle sous la douche, ou qu'elle lisait tranquillement dans son lit. Elle devait aussi gérer son boulot, et ses collègues qui étaient de moins en moins sympa avec elle... ça faisait gros. En un jour, elle a osé repousser mon père. Car elle était trop éreintée et devait se reposer. Là, elle su qu'elle ne devait plus jamais refaire ce geste. Un, il l'a quand même prise, par derrière, et il y est allé violement. Elle n'a pas pu bien marcher pendant trois jours. En plus elle travaillait dans un hôpital donc il fallait être en mouvement constant. Deux, depuis ce jour il la tape. Et ça, ça m'est insupportable. Pour éviter ces visions à mon frère, c'est moi qui m'en occupais. Je le lavais, le changeais, lui donnais à manger, le couchais... j'ai souvent été en retard au bahut car j'emmenai mon petit frère à l'école avant. J'essayais de le divertir pour qu'il oublie les atrocités de la maison.
« Quelques fois, quand je n'étais pas sage, mon père me tapait aussi. Au début, pareil, ma mère ne disait trop rien. Puis quand il s'est mit à la taper elle aussi, elle a su que ce n'était pas ça une enfance pour un garçon, qu'il devait avoir des parents qui l'appréciait et le soutenait. Tu sais Ema, j'essaye pas de te faire peur, ou que tu ais pitié de moi... je...- Tu sais Rowan, dit-elle en reprenant mes mots, je n'ai pas peur. Ton histoire elle est juste... en fait je trouve pas les mots. Je ne te conseillerai pas d'aller voir un psy, d'abord parce que je ne sais pas si ça en vaut la peine, le psy pourrait te prendre pour un cinglé et te faire interner car c'est inadmissible d'être éduqué comme ça. Mais moi non plus je n'ai jamais eu d'attention de mes parents. Encore toi - excuse moi - mais ils s'occupaient de toi. Moi j'étais un peu à la place de ton frère, c'est ma soeur qui faisait tout pour moi. Mes parents n'étaient jamais là. Tu sais ce qu'ils ont fait l'année dernière ? Ils ont appris mon homosexualité. Ils l'ont très mal pris. Ils m'ont poussé à déguerpir. J'ai quitté la maison. Je suis allée vivre chez ma soeur, et grâce à elle, j'ai appris qu'ils avaient adopté, oui, adopté, une sale... la fille qui leur a dit que j'aimais les filles. Alors que, si elle leur a dit, c'est qu'elle était au courant, seules celles avec qui j'ai des relations sont au courant - sauf ma soeur et son copain, mais c'est ma soeur - et donc, conclusion, elle est un peu lesbienne elle aussi ? Et... »
Je tentais de l'apaiser car cette histoire l'avait sûrement tourmenté. Je passais un bras dans son dos et l'approchai de moi. Je remarquai que des larmes coulaient sur ses joues. Elle devait s'en vouloir d'être partie comme ça un jour, mais elle devait aussi leur en vouloir de l'avoir remplacée comme ça...
Elle cala sa tête dans mon épaule et fut parsemée de spasmes, à cause de ses sanglots.
Je regardait le raz-du-réveil, qui m'indiqua 3:28. Heureusement que nous ne travaillons pas aujourd'hui. Je m'allongeai tout en la gardant dans mes bras. J'étegnis la lumière et lui dit au creux de l'oreille :
« Je t'aime. »
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Je me réveillais vers 10:00. Ema était toujours alongée sur moi. Je décalais sa tête et son bras pour pouvoir me lever. Je me dirigeais vers la cuisine pour me servir quelque chose à boire.
Elle me rejoignit quelques minutes plus tard et cette fois-ci, c'est elle qui se colla à moi. En face de moi, elle passa ses bras autour de ma taille et posa sa tête sur mon coeur.
Je posai ma tasse sur le plan de travail et la soulevai pour l'emmener jusqu'au canapé.
Nous restâmes dans cette position une bonne dizaine de minutes puis elle releva la tête et m'embrassa.
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-15.02.16-
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« Ema ELWOOD »
Non-FictionOn a qu'une vie. Ainsi, nous devons faire plein de choses dans ce court laps de temps. Il faut s'amuser, faire la fête, veiller sur ses proches, prendre soin de soi, et des autres aussi. Il faut se trouver un avenir, à bâtir seul ou à plusieurs. Dan...