CHAPITRE 2

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On vint chercher Adrienne en début d'après-midi le 16 août. Elle ne prêta pas attention au fait qu'il manquait le juriste, qui était toujours là à analyser sans jamais rien dire. Elle se souvint qu'il avait déjà coupé la parole au commissaire et qu'elle avait entendu des cris lors de son retour en cellule la première fois. Elle en déduisit qu'ils ne s'entendaientt pas et qu'un ne voulait pas être là si le deuxième y était, même si elle trouvait cette façon de penser puérile, surtout que ça concernait le travail. Elle ne pouvait se douter que si nous avions à le retrouver un jour, ce serait dans le fond d'un puits, comme il l'avait tant redouté.

L'inquisiteur et Frans se forcèrent à lui faire avouer des méfaits qu'elle n'avait pas faits. L'inquisiteur commençait à être épuisé par l'attitude provocatrice et de refus total d'Adrienne, mais ne le montra pas. Frans le sentit cependant et ils arrêtèrent l'interrogatoire peu après. Ils donnèrent à Adrienne une journée d'attente complète dans sa cellule, journée où personne n'alla la chercher. Cela lui permit aussi de son côté de se refaire des forces mentales, s'encourageant à poursuivre avec ses valeurs d'honnêtetés et à ne pas flancher seulement pour leur donner raison.

Le jour suivant, on revint la chercher et on continua l'interrogatoire. Adrienne écoutait ce qu'ils disaient, mais pas tout, sachant que le sujet et les questions revenaient toujours au même. Les enquêteurs religieux réalisèrent que les réponses d'Adrienne restaient inchangées, soit un non ou un simple déni de l'acte qu'on lui reprochait. La journée qui suivit, Frans était de plus en plus subtil et sournois dans ses questions, mais rien à faire. Adrienne avait compris les rouages du système et n'allait certainement pas se laisser avoir si facilement. L'inquisiteur se pencha donc sérieusement vers elle et l'avertit que si elle refusait d'avouer, on la soumettrait à la torture. Elle eut un frisson d'horreur, mais se promit de ne jamais céder, même en cas de torture. Elle devait leur apprendre elle-même qui était le patron, et leur prouver son innocence. Elle lui dit donc avec honnêteté et sans aucune trace d'arrogance qu'elle était une femme de bien et qu'elle n'était pas la sorcière que l'on prétendait, à tort, qu'elle était.

À la fin de la séance, les deux hommes étaient à bout. Il avait été surpris par sa soudaine absence d'arrogance. Ça avait principalement ébranlé Vinzent, mais Frans, de son côté, croyait que c'était une ruse de sa part justement pour l'ébranler. Grâce au talent de persuasion de Frans, Vinzent finit par le croire. Le commissaire lui laissa tout de même la chance d'avoir quelques jours de répit puisque les prochains jours étaient réservés au témoignage à charge contre elle. Adrienne, qui était retournée dans sa cellule comme tous les jours depuis maintenant quatre jours, ne voyait plus aucune logique à ce qu'on lui demandait. Pourquoi était-il convaincu à ce point qu'elle était une sorcière? Quel mal avait-elle fait dans sa vie pour que ces gens la considèrent comme telle? Elle ne comprenait rien de ce qui lui arrivait. Cette nuit-là, elle dormit avec sa pierre serrée contre elle, avec l'impression que son mari était là, la serrant dans ses bras.

Lorsqu'on la réveilla le lendemain, elle se dépêcha de manger son gruau, la faim au ventre, puis on l'amena dans une salle beaucoup plus éclairée que de coutume. Ce bâtiment était juste à côté de la tour et c'était une salle de tribunal. Les bancs en bois faisaient penser à ceux d'une église, une grande quantité de personnes était présente. Certains qu'Adrienne connaissait, d'autres qu'elle ne connaissait nullement. Il y avait tout au fond de la salle huit chaises: une pour le juge et sept pour les assesseurs soit ceux qui décrètent à la fin du tribunal si l'accusé était coupable ou non. Il y avait au milieu de la salle la barre des témoins qui n'était pas à ce moment-là occupée. Une petite table avec une chaise était destinée à Adrienne, où ils la firent asseoir. Les assesseurs arrivèrent tranquillement et prirent place sur leur siège, puis attendirent le juge.

Le procès des sorcièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant