Chapitre 1

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Cinq ans plus tard,

Champ-du-Boult, petite commune bas-normande d'à peine quatre cents habitants, haut perchée dans le bocage virois. C'est là que je me rendais. Moi, c'est Louise Cardonnel, Lou pour les intimes.

J'avais décidé de passer mes deux mois de vacances d'été chez mes grands-parents maternels, des gens vraiment adorables. Surtout, ils étaient tout ce qu'il me restait de ma mère décédée dix ans auparavant dans un stupide accident de la route. Pendant notre période de deuil, ils avaient été d'une aide précieuse pour Papa et moi. Je me demande toujours comment ils avaient fait pour ne pas sombrer après le décès de leur fille unique. Peut-être parce que j'étais la preuve vivante qu'une part d'elle existait encore... ?

Sur l'autoroute A13, je fis une pause comme mon père me l'avait recommandé. Je n'avais mon permis que depuis quelques semaines et c'était la première fois que je faisais un trajet aussi long, toute seule. Ou peut-être que Papa avait des doutes sur la solidité de ma nouvelle voiture, celle qu'il m'avait offerte. Une 205 qu'il avait achetée d'occasion à la fille d'une des collègues du lycée où il enseignait.

Je n'avais pas ressenti de grosse fatigue, mais en fille obéissante, je m'étais tout de même arrêtée sur une aire de repos. Je n'étais qu'à quelques kilomètres de Caen, ensuite il me restait encore une bonne heure de route. Cela faisait plus deux heures que je roulais et finalement j'avais vraiment besoin de me dégourdir les jambes et aussi soulager ma vessie. J'en profitai également pour faire le plein d'essence. Dans la station-service, je me laissai tenter par un paquet de gâteaux et une bouteille d'eau. Dehors, je m'installai à une table de pique-nique où je décidai de vérifier mes messages sur mon portable. J'en avais deux, le premier de mon père qui me disait de ne pas oublier de l'appeler dès que j'arriverai chez mes grands-parents et le deuxième de ma cousine Pauline qui me demandait quand j'arrivais. Je lui répondis que je passerais la voir lundi au magasin de sa mère. Une fois rassasiée, je repris la route.

Sur les conseils de mon père, je pris le périphérique Sud de Caen afin de reprendre l'A84. Je ralentis pour prendre la sortie qui me permettait de rejoindre l'autoroute, c'est à ce moment-là que j'entendis un bruit qui me paraissait suspect. Il n'était pas très fort mais c'était suffisant pour que je l'entende et que je m'inquiète. J'essayai de relativiser parce que j'avais une ouïe parfaite parfois un peu trop. Certains sons m'étaient désagréables comme les sonneries de portables ou celui de mon réveil. Deux autres de mes sens étaient plus développés que la moyenne : mon odorat - et pour cette raison je ne me parfumais jamais - et ma vue, qui était le sens le plus intéressant parce qu'il me permettait de m'installer au fond de la salle de classe sans que les profs ne trouvent quelque chose à y redire. Bref, je baissai le volume de mon autoradio et prêtai un peu plus l'oreille. Le son provenait de l'avant, sous le capot. Je vérifiai qu'aucun voyant rouge n'était allumé. Je pris le risque d'accélérer dans la bretelle d'entrée de l'autoroute et pris ma vitesse de croisière. Je n'entendis plus aucun bruit, à part le ronronnement du moteur.

Une fois sortie de l'autoroute, je dus me forcer à ne pas dépasser la limite des quatre-vingts kilomètres par heure. Mon père m'avait mise en garde contre les radars mobiles, je ne voulais pas perdre de points sur mon permis qui n'en contenait que six pour le moment. Pendant les trois prochaines années, je serais en quelque sorte un conducteur à l'essai. C'était la première fois que je conduisais, seule, sur les routes de campagnes normandes. Les dangers étaient divers et pas forcément les mêmes que ceux que l'on rencontrait en ville. Assise derrière mon volant, j'avoue que je n'étais pas des plus rassurées. Les quelques panneaux de virages dangereux présents sur la route ne m'y aidaient pas.

Pleine Lune * Sous contrat d'édition*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant