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Chapitre 4

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Point de vue de Gabriel 

Je me gare sur le parking du Louvre et pose ma tête contre mon volant. Elle n'avait pas le droit d'avoir cette réaction. Si elle croit que c'est facile pour moi d'apprendre que la seule source de joie dans ma vie se foutait de ma gueule, elle se plante. Je mords mon poing pour m'empêcher de 'hurler. Ne pas craquer. Inspirer, expirer. Tout va bien. Je suis le plus vieux d'entre eux, je dois leur montrer l'exemple, les guider. Je dois réparer ce qu'elle a détruit, au moins essayer. Je ferme les yeux quelques secondes pour me calmer. Il le faut.

Je détache ma ceinture, ouvre ma portière et quitte le parking pour me diriger vers l'entrée du Louvre. C'est ici que je devais retrouver Axel avec Kat et Mélanie, mais comme ces dernières ne semblent pas vouloir prendre part à notre petite réunion, nous ferons sans elles. Il faut que je m'entretienne sérieusement avec au moins un des... je ne sais même pas comment je peux nous appeler. Est-ce qu'elle a vraiment de l'affection pour nous ou était-ce simplement un jeu pour elle ? Est-ce qu'elle nous voit comme des pions ? Cette idée me répugne. Toutes ces nuits que j'ai passées à lui confier mes problèmes, où elle disait s'inquiéter pour moi. Toutes ces nuits qu'elle a passé à mentir. À mentir sur son identité, sur son âge, son apparence, sur sa vie. Sur qui elle est. On ne sait rien d'elle. Elle n'a pas de visage. Je distingue au loin une silhouette qui me fait signe, ce doit être lui. Tout garder tout à l'intérieur, ne pas montrer de failles. Je me dirige vers lui.

Point de vue Kat

— Et t'appelles ça une fringue ?

La vendeuse me regarde, exténuée. Il n'y a même plus d'agacement dans son regard, elle est juste épuisée. Ça fait à peine une demi-heure que Mélanie et moi sommes entrées dans ce magasin Chanel et je pense que c'est la demi-heure la plus éprouvante de toute sa carrière de vendeuse. Je secoue devant ses yeux une sorte de robe, j'imagine. Les manches bouffantes lui donnent plutôt l'air d'un parachute.

— Madame, écoutez...

— Déjà, c'est mademoiselle. Ensuite, non, je n'écoute pas. T'as vu ça ? T'as vu ce prix ? Vous les cousez en fils d'or vos fringues ? Et puis ces tailles, c'est quoi cette histoire ? Vous habillez que des gamines de douze ans ? Non vraiment, je suis déçue Ginette.

— Mademoiselle, je...

— Non Ginette, ne dites rien. Je ne veux rien savoir.

Je vois Mélanie se retenir de rire à côté de moi et je suis de mon côté bien trop scandalisée pour me payer le luxe de me marrer. Le vigile du magasin m'observe d'un mauvais œil, je lui adresse un grand sourire. C'est un miracle qu'il ne m'ait pas déjà virée, alors je vais être indulgente avec lui.

— Bon Ginette, je sais que c'est dur pour toi, mais il va falloir qu'on y aille. Pleure pas, on reviendra.

Je sens une main m'empoigner le bras, enfin. C'est pas trop tôt, j'ai cru qu'il ne ferait jamais son boulet.

— Madame, il faut partir maintenant.

— C'est mademoiselle, putain. C'est quand même pas si dur à comprendre !

Cette fois, c'en est trop pour Mélanie qui éclate de rire. Je ris à mon tour et en moins de deux minutes, ma femme enceinte préférée et moi nous retrouvons le cul dehors. En moins de deux secondes, nous sommes victimes d'une crise d'hilarité sans fin.

— Oh, c'était tellement bon. Tellement injuste pour Ginette aussi, mais tellement bon.

Je ris aux éclats et quand j'essaie de m'arrêter, il me suffit de regarder Mélanie pour replonger. Les vieilles biques friquées qui passent nous regardent de travers et je dois dire que rien ne me fait plus plaisir. Je ne veux pas leur ressembler. Je ne veux rien avoir en commun avec elle, jamais. Je veux mourir jeune et rester libre.

— On ferait mieux de rejoindre Gabriel au Louvre, Kat.

Je fais la moue. Une moue qui est censée l'attendrir, même si je sais qu'elle a raison.

— D'accord... mais avant on boit un café.

Elle semble hésitante, mais est bien trop gentille pour lutter plus longtemps devant mon regard de chien battu. Nous nous installons sur la terrasse d'un café parisien, il fait beau, les gens se pressent sans regarder la magnifique ville qui les entoure, les pigeons chient partout, les prix sont exorbitants, tout va bien. Un serveur prend notre commande, je prends un lait fraise et Mélanie un thé à vingt euros. C'est un peu cher pour de l'eau et des plantes.

— Comment Mirage t'a contactée ?

Je lève la tête vers elle remarquant la gêne présente sur son visage. Ça la peine de me poser ce genre de questions après ma crise de tout à l'heure, je le vois bien. Mais je me contenterais de répondre sans faire de commentaire, je ne lui en voudrais pas de briser notre moment à l'écart de tout ça. Je le ferais parce que je sais à quel point la réponse va la peiner.

— Elle s'est trompée de numéro.

Elle ferme les yeux. Je peux comprendre ce qu'elle ressent en ce moment. Elle se sent trahie, elle pensait que sa rencontre avec Mirage n'était que le fruit du hasard. Le destin en quelque sorte.

— Qu'est-ce qu'on va faire, hein ? À quoi ça rime tout ça ?

Je soupire. Longtemps.

— On mène l'enquête. Je veux comprendre.

Point de vue Gabriel 

Nous nous arrêtons devant la Joconde en faisant semblant de nous intéresser un minimum aux œuvres d'arts magnifiques qui nous entourent, mais nos esprits sont ailleurs. Tout est plus fade, rien n'est impressionnant. Même la Joconde perd de son mystère quand on la compare à Mirage et a celui qu'elle cultivé autour d'elle.

— Est-ce que tu penses qu'on devrait la chercher ? Essayer de comprendre ?

J'acquiesce. Évidemment. Je veux savoir. Je veux comprendre pourquoi cette femme, cette fille –, peut-être même cet homme – s'est jouée de nous ainsi. Pour quelle raison, dans quel but ?

— Aujourd'hui, il est évident que Mirage, peu importe sa véritable identité, jouait avec nous. Elle a décidé de cesser la partie, mais je ne veux pas m'arrêter là. Si elle nous a choisis, c'est pour une bonne raison. Ce n'était pas le hasard, elle voulait qu'on se rencontre. Nous en particulier. Alors oui, je veux comprendre et si je dois retourner tout Paris pour la retrouver, je le ferai.

Axel secoue la tête. Il semble anxieux, mal à l'aise dans ses vêtements trop grands, des lunettes lui mangeant une bonne partie du visage. Il se cache. Il se cache, mais semble bien plus raisonnable que Kat, bien moins fragile que Mélanie. Il est intelligent, ça se voit dans ses yeux. Il a souffert, ça aussi ça se voit dans ses yeux. Ce qui lui arrive ne le surprend pas, il a l'habitude que les autres le déçoivent.

— J'en suis arrivé à la même conclusion. Cette histoire n'a aucun sens.

Je ne peux pas m'empêcher de détourner les yeux. C'est vrai. C'est cruellement vrai.

— Je sais. Je suis désolé.

Axel souffle, il passe une main dans ses cheveux frisés. Comme moi, son regard accroche celui de la Joconde sans le voir vraiment.

— Et maintenant ? On fait quoi ?

C'est à moi de soupirer. Je ne sais pas si nous avons vraiment le choix, au fond.

— On mène l'enquête. Je veux comprendre.

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par @Léa
@Lea1900
Quatre pions. Quatre vies. Quatre personnes diamétralement opposées...
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