La douleur. Ce fut le seul mot qui vint à l'esprit de la jeune fille lorsqu'elle se réveilla le lendemain de son affreuse nuit. Une de plus, songea-t-elle. Son dos la faisait tant souffrir qu'elle ne le sentait plus. Son pull poisseux de sang lui collait à la peau. Ses poignets encore accrochés la tiraillaient. Elle fut surprise d'entendre de légers ronflements semblables à ceux d'un ours.
- Il y a quelqu'un ? Demanda-t-elle d'une petite voix mal assurée.
D'autres ronflements lui parvinrent, mais pas de réponse concrète. Elle réitéra sa question une seconde fois, plus fort et sentit une présence se mouvoir dans son dos. La personne la détacha. En se retournant, elle fut surprise de découvrir son père. Elle croisa son regard et vit ses yeux rouges et gonflés comme s'il avait pleuré toute la nuit. Très vite, il brisa leur contact visuel et s'enfuit tel un voleur vers les escaliers en la laissant complètement perdue. Son père, la brute qui la battait tous les jours, pouvait-il encore avoir des sentiments ? Même le jour de l'enterrement de sa femme, il n'avait pas versé une seule larme. Qu'avait-il pu se passer de si important ? Elle vérifia qu'il était bien partit et reprit son journal pour commencer une nouvelle page, bien trop sous le choc pour finir celle qu'elle avait débuté hier.
2355e jour,
Je suis toujours assise dans la cave, mais le lieu où je me trouve n'a aucune importance. Les événements sont bien trop importants pour se préoccuper du lieu dans lequel je me trouve. Tout a basculé cette nuit. Je ne sais pas dire quoi et quand, mais je le ressens, tout a basculé cette nuit. Le monstre qu'est mon géniteur à percer sa carapace. Je l'ai retrouvé en pleures à l'aube, après une horrible nuit, bien pire que d'habitude, pour moi comme pour lui, je pense, j'ai croisé son regard ce matin. Il en disait long. Encore une fois, je ne peux pas dire si ce que j'ai vu dans ses yeux rouges et gonflés était de la tristesse ou des remords, mais cela m'a marqué, je ne l'oublierais jamais. Je ne sais pas encore ce qui va se passer, mais une chose est désormais sûre :
Les règles ont changé
Elle ferma son cahier et le remit à sa place. Puis vint le moment qu'elle redoutait bien plus que la nuit, l'attente. Les pires heures de sa journée. Là où sa plus grande peur refaisait surface. Devenir folle. C'est vrai qui ne le deviendrais pas en restant seul des jours entiers ? La seule torture que son père n'avait pas inventée, était de loin la pire. C'était l'ironie du sort.
De son côté, l'homme s'en voulait. Il avait promis à sa femme, sa magnifique femme, de protéger sa fille coûte que coûte. Il avait essayé, mais noyé dans son chagrin, il avait lamentablement échoué. Maintenant, il la battait, la torturait, l'enfermait... Une larme glissa sur sa joue. Il avait fait une seule promesse et il n'avait même pas réussi à la tenir. Il était absolument pitoyable. Jamais durant son existence, il n'avait fait une chose bien. Même pas une seule. Tout dans sa vie était un désastre, son métier paysan, qui aime ce métier ? Pas lui en tout cas. Si seulement il aurait continué ses études, il aurait pu devenir grand magicien et travailler dans la recherche, gagner énormément d'argent, sa fille serait heureuse et il aurait su tenir sa promesse. Peut-être même que sa femme serait encore vivante. Dans un élan de colère envers lui-même, il carbonisa le salon d'un rayon de magie vert. Si sa vie ne lui plaisait pas autant tout envoyer, valser et recommencer, non ? Tout ça devait changer. Maintenant. Pour lui et pour sa fille. C'est donc d'un pas résolu qu'il partit sur son lieu de travail.
Après une demi-heure de marche, il arriva enfin. Un champ, vieux, qui ne donnait presque plus de récolte, que le propriétaire avait acheté une bouchée de pain. Il observa ses collègues, ils étaient au nombre de quatre aujourd'hui. Tous de vieux personnages, sales, avec des habits troués et des douleurs partout. Le temps se lisait sur leurs visages. Il se dit que s'il continuait sur cette voie, il finirait comme eux, usés par la vie, mais tout changera ce matin. Il se rendit sur la butte au-dessus des travailleurs. Là où se trouvait la petite maisonnette qui servait de bureau à son patron. Lorsqu'il frappa à la porte, personne ne lui répondit, il prit donc l'initiative de rentrer. Il trouva son patron à son bureau la tête plongée dans des documents sûrement importants.
- Ah vous tomber bien, j'allais venir vous chercher, affirma le bonhomme grassouillet en le voyant entrer. J'ai une super nouvelle pour vous ! Le vieux Bernis va nous lâcher, vous allez avoir une promotion bravo.
Le patron lui tendit la main pour conclure leur pacte, mais le père de famille refusa.
- Non, je suis justement venu donner ma démission, dit-il d'un ton calme.
-Impossible, vous ne pouvez pas partir ça va bientôt être la récolte de la saison des fleurs, vous devez rester ! Paul réfléchit vous êtes mon meilleur employé !
- Ma décision est prise, je pars
L'homme en costume commença à s'énerver :
- Non, vous ne pouvez pas partir ! J'ai besoin de vous ! La saison des fleurs va bientôt arriver et par la même occasion, les récoltes ! Les paysans, ça ne court pas les rues ! Surtout des travailleurs comme vous.
- Je comprends votre énervement, mais je ne peux malheureusement pas rester et accepter votre offre, répond-il toujours aussi calmement.
-Vous voulez partir, très bien d'accord, voilà votre contrat, il fit apparaitre le contrat dans sa main droite et d'un faisceau de magie bleu le brûla, voilà vous êtes libre, maintenant sortez !
Paul ne se le fit pas dire deux fois et sortit le cœur léger de la maisonnette. Il était enfin libre ! Maintenant, il allait pouvoir s'occuper de sa fille. Tout allait redevenir comme avant. Sur le chemin du retour pendant qu'il réfléchissait à un moyen de se réconcilier avec sa fille, il passa devant le buraliste et lu, par habitude les gros titres des journaux. Ce qu'il vit lui glaça le sang. Le roi avait voté la loi permettant et obligeant à tuer les Vulnérables.
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Vulnérable
FantasyDans un monde où presque chaque personne possède de la magie, Kiona fait partie de ceux qui n'ont aucuns dons: les Vulnérables Alors que le roi décide de tuer tous les Vulnérables, la jeune fille devra s'enfuir avec son père qui la bat.