Au fur et à mesure que les années de ma vie passaient, mon père était, disons... Violent, de plus en plus violent. Il n'était pas simplement violent physiquement, mais également mentalement... Disons qu'il a développé en moi des choses qu'on ne peut pas changer et qui me caractérisent aujourd'hui...
Je me souviens de choses qu'il a dit, plus profond, plus intense et percutant qu'une simple méchanceté du genre <<tu n'as pas de talent>> et la violence mentale n'est pas nécéssairement verbale, elle peut être causée par une situation où une réaction inusitée. Comme dans le genre de cette anecdote.
Mon père avait emménagé dans un tout petit appartement ( mes parents s'étaient séparés et d'ailleurs je m'en souviens qu'ils me l'aient annoncé le jour avant ma fête de 10 ans... J'écoutais le film Mathilda, qui était un de mes préférés) et moi et mes soeurs allions parfois y coucher les fins de semaine. Une soirée, moi et ma soeur jumelle y allions et mon père avait besoin d'aide pour apporter un gros meuble jusqu'à son appartement... Au 2 ou 3ème étage. C'était un grand meuble lourd et nous n'avions que 10 ans! Disons qu'il en a fait obstruction. Moi et ma soeur on s'était mises à la tâche et avec grandes difficultés, on arrivait à le faire lever et avancer un peu. Mais c'était une tâche difficile pour des enfants et bientôt, ma soeur commença à pleurer. Elle avait trop de difficulté, autant physiquement que mentalement.
Imaginez un instant que quelqu'un, en fait, votre propre père à qui parfois vous n'êtes même pas capable de le regarder dans les yeux sans vous dire à vous-même qu'il a une étincelle dans son regard pouvant démontrer de la folie, imaginez qu'il dépose ce regard sur vous en vous criant de faire quelque chose que vous n'êtes pas capable, quelque chose que même si vous voudriez vraiment fort, vous ne pourriez pas, mais qu'il n'est pas capable de lui s'en rendre compte, de lui passer par dessus une barrière mentale qu'il s'est lui-même créé pour se rendre à l'évidence que vous ne pouvez pas le faire, alors il continue et continue malgré tout et vous voyez l'étincelle de son regard de plus en plus clairement au gré que sa colère augmente , cette étincelle qui apparaît et disparaît à sa guise, laissant parfois un père calme et plein d'affection ou un père aveugle de tout ce qui peut se passer le concernant de proche ou de loin et qui devient incapable d'écouter les autres sur quoi que se soit car c'est trop dur pour lui et que pendant qu'il continue, vous craquer, c'est trop dur et quand vous succomber vous vous sentez soi coupable, soi en peur de ce père au regard vibrant de colère.
Moi, je n'ai pas craqué cette journée là, physiquement j'en pleurais mais mentalement je ne suis pas tombée, je n'ai pas réagi face à mon père et comme cela, j'ai agi, comme je croyais qu'il le fallait face à l'autorité parentale, j'étais fière de moi. Mais, pour agir comme cela, j'ai dû rester de glace, complètement froide à la situation. Je ne me posais pas de questions, je me soumisais simplement à ce qui se passait, à mon père et à côté de moi se trouvait ma soeur, qui elle, je le vois maintenant, avait compris la situation, bien sûr, moi, je ne le comprenais sur le coup, premièrement, mon jeune esprit n'en avait à peine la capacité et deuxièmement, je ne faisais pas que ne pas réagir à la situation, ma conscience, mon esprit, mon âme, mon cerveau, ma pensée et mes capacités de réflexions étaient également restées de glace. J'ai dit que j'avais pleurer physiquement, mais en plus d'être restée de glace mentalement, je suis resté complètement de marbre, je ne pensais même plus, je m'en souviens, c'est comme si je n'était qu'un corps agissant et réagissant comme il le fallait, je me souviens parfaitement de cette impression indescriptible qui te laisse là, comme si tu avais abandonné tous tes sentiments de côté pour être près à tout affronter, c'était comme ça que je n'ai pas craqué, comme ça que j'ai également réussi à vivre mon enfance.
Rendu dans l'appartement de mon père, ma soeur pleurait encore, une fois brisée, tu ne peux pas revenir, c'est pourquoi c'était mieux de ne pas réfléchir sur la situation... De ne pas me rendre à l'évidence. Je ne pouvais pas le voir à cette époque à cause de ma façon de réagir à diverses situations, mais aujourd'hui je me rend compte que j'avais également un peu peur de craquer, j'ai vu ma soeur dévastée, je l'ai été à l'occasion et ces deux facteurs font que je ne voulais absolument pas me rendre à l'évidence sur quelque point de cet evenement, ce que j'avais réussi cette journée-là, un peu sans m'en rendre compte. Mais pendant que ma soeur pleurait, le sentiment que j'avais était un semblant de fierté ou était-ce un soulagement ou une peur mélangé au désir de ne pas craquer? Ou bien alors un mélange de tout cela? Je n'était pas capable de le dire, je n'y pensait même pas, à quoi bon? L'important: ne pas laisser mon esprit tomber et réagir selon l'autorité parentale, et aussi sauver sa peau de cette autorité sauvage. En voyant ma soeur, je ne croyais pas que sa réaction était normale, je croyais simplement que pour une fois c'était moi avait une réaction normale, mais c'était faux! En fait c'était ma soeur qui a bien réagi, qui a agi normalement pour une enfant. Moi tout ce que j'ai fait, c'était me soumettre...
Plus tard dans la soirée mon père a frappé ma soeur, une belle claque. Je me souviens du sang, celui qui a giclé sur le sac à côté de ma soeur, ce sac noir qui était tâché de sang, j'ai l'impression de m'en souvenir mais également je m'en rappelle comme si c'était un vilain souvenir truqué, comme si il ne pouvait pas être réel, c'est comme si je n'avais pas été là, mais que j'étais omniprésente à ce moment, comme un esprit dormant mais surveillant et sachant tout. Ce sang explosant également dans ma tête, ou plutôt dans mon coeur, là où le sentiment que je ressentait sans vraiment m'en rendre compte, sans vraiment le ressentir et sans vraiment le laisser exister, celui de semblant de fierté, implosa, explosa, me submergeant, sans que mon cerveau ne le sache, laisser ses sentiments de côté, c'est comme se brise, tu ne peux pas arrêter de l'être ou de le faire, et si tu le fais, si tu bascule d'un côté ou de l'autre trop rapidement, et bien, c'est ton être, ton existence que tu as l'impression qui se brise... Je peux vous l'assurer.
Tout ce que je me souviens par la suite c'est mon parrain, le frère de ma mère, qui est arrivé en furie dans l'appartement de mon père. J' ai su plus tard que ma soeur avait envoyé un message à ma mère. Elle n'était pas venu elle-même, elle ne pouvait pas se mesurer physiquement à mon père et elle en avait peur, avec raison, au nombre de coups qu'elle a reçu de lui. Moi aussi j'en ai reçu, mais elle, ça la détruisait à chaque fois, moi je pouvais craquer ou je restait de marbre. Mais imaginez, un enfant qui ne ressens rien lorsque de telles choses arrivent, imaginez cet enfant grandir et voyez le devenir fou, instable, psychopathe ou simplement trop anxieux, regardez le continuer à réagir de la sorte devenu adulte, vous voyez quel genre de personne cela fait? Je ne suis pas comme ça aujourd'hui, j'en suis tellement, mais tellement heureuse et soulagée et ce, je ne le dois qu'à moi-même. Habituellement, c'est aux parents de l'inculquer à leurs enfants, j'ai parlé beaucoup de mon père mais en ce qui concerne ma mère, une bonne partie de ma jeunesse elle n'était pas mieux, encore aujourd'hui c'est quelqu'un devenue très instable, mais à 16 ans, je sais maintenant faire la part des choses.
Je ne me souviens pas des choses qui se sont produits lors de cet événement. Là vous vous dites: comment? Vous vous dites peut être que c'est impossible puisque je viens de vous en raconter l'histoire. Mais ce n'est pas l'histoire et le déroulement de celle-ci que je vous ai raconté, mais si vous y réfléchissez, vous vous rendrez compte que ce sont les impressions que j'ai eu que je conte. Parfois, les impressions des événements vont rester, mais nous allons oublier les souvenirs et dans le cas de cette annecdote, j'ai l'impression d'être ignorante sur les événements, j'ai l'impression de ne rien savoir. Je sais que mon parrain nous a ensuite rapporter chez nous... Mais je ne m' en souviens pas vraiment, tout ce que je sais, c'est je suis resté mentalement sans réactions, tout ce que j'ai fait ensuite, je l'ai fait sans y réfléchir réellement... Mais présentement je me dis, comment aurais-tu voulu tu que j'ai réfléchi clairement à cet âge, je ne pouvais pas faire face à des choses comme ça. Je ne me souviens pas des évènements précis seulement de l'histoire globalement, mais je me rappelle de choses ressenties sans savoir exactement à quoi elles se rattachent.
Bref, ça semble peut être confus mais c'est la simple vérité.