Elle me raccompagna jusqu'à l'extérieur, et me montra le chemin vers la station de métro la plus proche. J'avais envie de lui dire que je venais de trouver un chemin bien plus important, mais je la remercia simplement, et rentra d'un pas léger chez moi. Je me sentais comme dans un rêve. Tout me paraissait plus agréable, comme teinté d'une beauté que je n'avais pu voir avant. Même mes rêves étaient paisibles; je ne rêvais pas d'elle, mais simplement de moi en train de voler au-dessus de nuages roses et cotonneux; on dit que ce genre de rêve est l'apanage des libres, et je me sentais effectivement libre, et paradoxalement lié à Rose. Libre dans une prison d'amour, dans laquelle je me suis enfermé délibérément.
On s'était échangé nos numéros, et elle m'avais proposé de passer là voir un de ces jours, mais quelque chose en moi m'incitait à attendre. Je ne voulais pas précipiter les choses. Je voulais une raison de là revoir. Une raison bien précise. Et, étant en terminale, j'avais le bac blanc à réviser. Je devais aussi penser à mon avenir. Jusque là, je m'étais contenté d'étudier les matières qui me plaisaient, sans me soucier du reste. Dorénavant, je devais choisir le domaine dans lequel je passerai le reste de ma vie, ce qui m'ennuyait terriblement. Pourquoi ne peut-on pas étudier tout au long de sa vie ? Après tout, on en apprend tous les jours ?
J'étudiais, donc. Je trouvais de l'intérêt dans toutes les matières, et je m'imaginais tout à fait travailler dans un de ces domaines. Dans les langues, être capable de communiquer avec des étrangers, de les traduire, de traduire des écris de toutes sortes, tout cela me semblait intéressant, et épanouissant. En mathématiques, comprendre le fonctionnement du monde à travers de simples nombres, plonger dans la résolution de théorèmes nécessitant des années d'acquis, cela me semblait un défi remarquable. En physique, comprendre les forces cachées qui régissent notre monde, percer le secret de la matière noire, et simplifier notre compréhension de la physique quantique, il y avait aussi pléthores de choses à faire. Et en français, comprendre les écrits des auteurs d'antan, analyser leurs métaphores sous toutes les coutures, et maîtriser la langue pour écrire une oeuvre qui inspirera de nombreuses autres personnes, tout cela me passionnait. Je ne pouvais choisir entre tous ces chemins. Je ne voulais pas choisir. C'est une trop grande responsabilité. Et ce n'est pas la mienne. Je veux que le destin choisisse ce qui est le mieux pour moi. Je veux qu'une flèche descende du ciel et m'indique la bonne direction tout en me tapant sur l'épaule. Je veux un signe.
Mon amie d'enfance fit une deuxième tentative pour me conquérir. Je la connaissais, elle aurait été capable d'en faire une dizaine. Mais, cette fois-ci, je lui ai laissé sa chance. J'étais de bon humeur. Rose ne partira pas de sitôt, après tout. Et puis, on s'entendait tellement bien que cela devait arriver; c'était notre destin.
Après avoir eu notre bac, nous sommes allés fêter ça dans un bar, en ville. Cette dernière était bondée d'étudiants déchaînés. Le chaos était total en ville, signe qu'une bonne soirée se présentait. Nous avons bus jusqu'à plus soif, et, pour être honnête, je ne me souviens de pas grand chose, si ce n'est que nous sommes allés à au moins 2 bars différents, et que l'un d'eux était moins bondé que les autres, ce qui nous avait laissé un peu de répit. Certains de mes amis s'étaient endormis sur des canapés; d'autres semblaient agonir dans un coin, et se partageait un joint tout en riant à gorges déployées. Brusquement, j'eus envie de me lever, et de prendre l'air. Il était 4h du matin, et l'air était frisquet. Je sortis une cigarette, et apprécia le calme qui régnait dehors. Seuls les bruits lointains d'un scooter de quelques voitures venaient troubler ce paisible silence. Soudain, j'eus une intuition. Je décidai d'aller voir Rose à l'improviste. Je me souvenais par coeur du chemin pour y aller. Comme si notre rencontre ne datait que d'hier.
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Silhouette
RomansaL'histoire d'un jeune homme frappé d'un coup de foudre qui le dépasse...