Chapitre 2 : Insolence

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Le prof d'anglais me connaissait ; avec le temps, il avait appris à tolérer mes retards incessants. Je ne pensais pas qu'il me croyait, contrairement à d'autres naïfs, mais plutôt qu'il s'en fichait.
Il me fit signe de regagner ma place, et vite.
Ne serait-ce que pour le faire enrager un peu plus, je pris une éternité à m'installer auprès de ma camarade Layla, un grand sourire plaqué sur le visage.
-So, poursuivit le professeur, now we're gonna watch a video. (Donc maintenant nous allons regarder une vidéo)
Et la voix du prof poursuivit en sourdine tandis Layla m'adressait la parole.
Je ne l'aime pas, c'est une connasse. Un peu comme moi, me direz-vous.
Oui, à un détail près : moi, je suis une connasse avec tout le monde, elle, elle me prend pour sa meilleure amie.
-Tu vas bien ?
-Super et toi ?
-Oui oui...
Oh la belle affaire, elle est grillée à mille kilomètres.
-Raconte, ordonnai-je.
-Bah enfin... C'est que Baptiste me fait la tête car il m'a vu discuter un peu collé-serré avec Ben et...
Et je ne l'écoutais déjà plus. Je hochai la tête de temps à autre pour lui faire croire que je suivais ses insupportables histoires de coeur, examinant sa peau bronzée, ses petits yeux noirs et ses cheveux bouclés. Cela faisait depuis le début de l'année que ces deux là se tournaient autour, s'étant rencontrés comme nous tous l'année dernière.
Selon moi, il y avait eu un rapprochement sexuel durant les vacances d'été, mais ils ne voulaient pas se résoudre à penser que c'était de l'amour.
Ils avaient raison.
L'amour n'existe pas. Il n'y a que la haine. La haine, la souffrance et la fourberie.
Cependant, j'avais tout intérêt à jouer mon rôle de meilleure copine en les rapprochant. Qui dit amour dit forcément jalousie. Et quand la jalousie s'en mêle, elle fait des ravages énormes.
S'ils sortaient ensemble et que, d'une manière ou d'une autre, j'arrivais à faire en sorte que Layla me surprenne avec son prince charmant dans une position plutôt inconfortable...
Oui, je serais la seule à ne pas souffrir, Layla passerait du statut de meilleure amie à celui de souffre-douleur et Baptiste, il s'en remettrait vite.
Les mecs sont tellement prévisibles ! Il ne voudrait surtout pas perdre sa place dans le cercle des populaires et il se résignerait.
Mon corps pourrait l'y aider d'ailleurs.
Très bien, mon plan était fixé.
Je souris à Layla et l'informai :
-T'en fais pas je t'arrange un coup avec lui.
-Vraiment ?!
Elle me regardait avec un grand sourire, une lueur d'espoir dans les yeux. L'espoir. Je ne sais même pas si je suis dans mon droit d'en parler, je n'ai pas connu ce sentiment depuis si longtemps...
Je lui fit un clin d'oeil.
-T'inquiète !
-Oh merci Jade t'es la meilleure !
-In english please, nous interrompit le prof. (En anglais s'il vous plaît)
Je le regardai et souris.
-I'm the best, sir ! (Je suis la meilleure monsieur)
La classe rigola.
-Ton carnet !
-In english please !
Nouvel éclat de rire de la part de mes camarades.
-Ton carnet tout de suite Jade !
Mais je continuais sur ma lancée, toute à mon show du jour.
-I don't have it. (Je ne l'ai pas)
-Très bien, tais-toi tu auras un rapport.
La classe suivait notre échange avec attention, toute sourire. C'était mon quart d'heure de gloire.
-Why ?? (Pourquoi)
-Ça suffit !
-Ouesh arrête tu vas vraiment te taper un rapport putain, me chuchota Jules, assis derrière moi.
-Mais qu'est-ce que ça peut te foutre, criai-je en me retournant brusquement.
Il leva les mains en l'air de façon innocente et je le fusillai du regard. Mais, pour rattraper mon image après cet emportement, je m'empressai de lui sourire et de cligner d'un oeil. Il sourit également et finit par pouffer de rire, alors je l'accompagnai, provoquant d'autant plus le prof qui s'écria :
-Maintenant vous vous taisez ! Tous les deux dehors, et soyez là à la fin du cours vous aurez des heures de colle !
-Mais monsieur, protesta Jules.
-Silence et hors de ma classe !
-Putain...
-Laisse, dis-je en le poussant vers la porte.
Je lançai un regard d'excuse à Layla et Dylan avant de lui emboîter le pas, souriant toujours. Alors que je sortais presque, je m'arrêtai et lançai à la classe en guise d'ultime rebiffement :
-Goodbye friends, we are free ! (Au revoir les amis, nous sommes libres)
Je ne laissai pas au prof le temps de répliquer et partis en claquant la porte, éclatant de rire avec Jules dans le couloir.
-Alors là t'as fait fort, me dit-il à peine calmé, c'était comique !
-J'avoue que je suis plutôt fière, me vantai-je.
On repartit dans quelques rires tout en sortant dans la cour.
-T'as une clope, lui demandai-je une fois près de lui dehors.
-Bien sûr tu crois quoi !?
-Mon Juju t'es le meilleur !
-Oui oui je sais !
Il me fit un grand sourire et m'en tendit une avant d'en mettre une dans sa bouche. J'allumai la mienne et tirai dessus pendant qu'il me prenait mon briquet des mains pour faire de même.
-Le cours finit dans 10 minutes.
-Tu vas avoir une heure à cause de moi, désolée.
-Oh ça fait rien, je ferai la misère au pion avec ma super copine hein !
Je ris, m'asseyant sur un banc.
Je commençai à l'apprécier, celui-là. Il allait falloir que je l'éjecte. Dommage, il avait tout le temps des clopes. Et il était drôle.
Mais je ne pouvais pas me le permettre.
Je ne savais pas encore comment m'y prendre, mais de toute manière, cela n'urgeait pas. Il suffisait pour l'instant de faire attention à ne pas m'attacher, et ma priorité du moment était le couple Layla et Baptiste.
Je décidai de mettre Jules dans la confidence.
-Jules, tu dois m'aider.
Il me rejoignit sur le banc, intrigué.
-À quoi ?
-À caser Baptiste et Layla ensemble.

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