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Après quelques jours, les grognements se sont éloignés. Combien de jours, je ne pourrais dire. J'ai arrêté de compter depuis longtemps. J'ai arrêté de pleurer, j'ai arrêté de crier, j'ai arrêter de manger, j'ai arrêté de boire. Mes lèvres sont craquelées et complètement séchée. Il n'a pas plu depuis Le Jour. Mais c'est sur le point de changer. De gros amas de nuages noirs s'entassent au-dessus de ma tête. Je suis dans la même position depuis tout ce temps. Tout mon corps brûle toujours d'un horrible et douloureux désespoir. Un bruit sourd résonne dans le ciel. Le tonnerre. Un flash. Une éclair déchire le ciel et je sursaute. Mon premier mouvement depuis si longtemps. Je tente de me lever, mais mes jambes me portent difficilement et je retombe sur le gravier. Je retente le coup et cette fois, je réussis à m'approcher de mon sac. Je tire péniblement sur la fermeture éclair et tâte l'intérieur à la recherche de mes derniers vivres. Je dévore le contenu d'une boîte de conserve. Les pois secs et sans goût glisse doucement dans mon oesophage et je savoure chaque bouchée. Je pose le récipient à côté de moi, sans bruit. Je veux à tout prix éviter d'attirer d'autres créatures. La pluie ruisselle sur mon visage. Je passe une main sur mon front et referme la fermeture éclair du sac. J'essaie de marcher une autres fois et fait des aller retour de chaque côté du toit. Chaque pas est aussi douloureux que le précédent. Mais j'endure la douleur. Cette douleur. Cette douleur qui me rappel que je suis toujours en vie. Cette douleur qui me rappel que je n'aurai jamais autant souffert que lui. Lui. À cette pensée, je perd l'équilibre et retombe sur le toit. Je jure entre mes dents et me relève. Je suis déterminer à sortir d'ici. Pour lui. Lui. Je m'élance d'un coup et réussi à me lever, plus facilement cette fois. J'attrape mon sac, quasiment vide, et le glisse sur mon épaule. J'inspire. J'expire. Je réalise que je n'ai aucune arme. Il les avait. Je me penche pour déterminer s'il est sécuritaire de descendre. Le seul danger est une créatures à quelques mètres du bâtiment. J'inspire. J'expire. Comment descendre? Je trouve une trappe menant à l'intérieur du dépanneur. Je prend instinctivement la corde qui me permettra d'ouvrir cette porte vers la sortie. Je tire un bon coup et la trappe s'ouvre en grinçant. Je jette un coup d'oeil autour de moi pour observer si le son a attiré une créatures. Je repose mes yeux sur la trappe et observe l'intérieur du petit magasin. Vide. Ma panique se dissipe un peu. Une petite échelle de fortune en vieille corde sèches frôle le plancher de céramique en contrebas. J'inspire. J'expire. J'amorce ma descente, lentement, précautionneusement. Mes pieds touchent le sol silencieusement et je rassemble toutes mes force pour tenir debout. Je me cache derrière une étagère rempli de déchets et de vitre cassée afin de vérifier le périmètre. Personne. Je fait le tour des rangées, remplissant mon sac de quelques conserves de légumes et de mets préparés. Tout à coup, un grognement attire mon attention. Je m'agenouille derrière un présentoir et j'arrête de respirer. Je m'arme d'un manche à balai brisé alors que mes mains tremblent. Je me relève juste assez pour voir au dessus du présentoir. Une créature, à demi coincé sous une étagère, balaie l'air de ses bras sanglants. Je m'approche tranquillement de lui en brandissant le manche. Je regrette de ne pas avoir mon arc. Autrement je lui aurait planter une flèche au beau milieu du crâne. Je m'accroupis devant lui, secouant la tête.

"Désolé..." Dis-je.

Sur ce, je pris mon élan et enfonçais le manche à balai entre ses yeux. Un bruit de succion dégoûtant résonne dans le silence du dépanneur, mais je ne bronche pas. Je laisse le bâton tomber entre mes pieds. Je réajuste mon sac sur mon épaule rapidement et me faufile vers la porte. Je pousse. Elle ne s'ouvre pas. Je baisse les yeux. Je lis le petit écriteau rouillé sous le bouton. "tirez.". Je soupire et tire la porte vers moi, faisant tomber de petits morceaux de verre.  Je passe ma tête dans l'ouverture et vérifie rapidement le périmètre. Je sort d'abord un pied, puis l'autre. J'inspire. J'expire. Je dois aller chercher les armes. Je dois retrouver son cadavre. Je tremble comme une feuille et me passe les mains dans le visage. Je vais y arriver, ma survie en dépend... Je contourne le bâtiment, prête à affronter l'épreuve la plus éprouvante de mon existence. La première chose que je vois est l'échelle de fer rouillé contre l'asphalte. Je serre les poing et ramène mes yeux plus près du mur. Juste où gît le sac à dos que portait mon frère. Je déglutis et tente de contrôler mes tremblements. J'avance à petits pas jusqu'à ce qui semble être une flaque de sang séchée. Seulement, il n'y a rien dans cette flaque. Pas de cadavre, pas de tissus, pas de restes... Puis la vérité me happe d'un seul coup. Il est l'un d'entre eux. Il est devenu une créature et il a disparu avec le reste d'entre eux. Je manque de m'effondrer, mais je fait tout mon possible pour rester droite. Je plante durement mes dents dans ma lèvre inférieure et fait un effort monumental pour ne pas éclater en sanglots. Ma vision se brouille et je m'accroche au mur de brique. J'ai envie de crier. Je passe mes mains dans mon visage à répétition, tentant d'effacer toutes les images de mon cerveau. Ces images qui s'incrustent dans mes sentiments et qui font ressortir le monstre caché au plus profond de mon être. Mon père qui déchire le cou de ma mère à pleine dents, envoyant le sang giclé dans tous les sens. Mon frère qui plante un couteau de cuisine dans la cervelle de mon paternel. Et finalement moi. Moi qui tire une flèche dans le crâne de ma propre mère, le visage impassible. J'arrête de trembler immédiatement. À partir de maintenant, je serai forte, je ne pleure plus. Je ne suis plus une proie. Je suis un prédateur. Je m'approche du sac et tire violemment la fermeture éclair. Elle se brise entre mes doigts. Je jette le fragment métallique sur le bitume et vide le contenu du sac à côté. Toutes les armes en dégringoles. Il les avait caché. De moi. Il me craignait. Depuis que j'avais achevé notre mère. Pourtant, il n'était pas mieux que moi? Il avait exécuté notre géniteur d'un coup de couteau maladroit. La différence? Je n'avais pas hésité. J'ai lâché la corde souple de mon arc sans arrières pensées. Je n'ai pas pleuré. Je n'ai pas crier. Je chasse ses réflexions inutiles de mon esprits et tente accomplir ma tâche. Je prend le revolver et le glisse dans la ceinture de mon jeans. Je range les munitions dans mon propre bagage. Je prend ensuite les trois couteaux, en glisse un à l'opposé du revolver et les deux autres vont rejoindre les munitions. Je prend ensuite mon arc. L'arche de l'objet dépassant de moitié du sac. Je le glisse entre mes mains, caressant la corde.

"Tu m'as manqué." Murmurais-je un sourire futile au coin des lèvres.

Je passe la corde par-dessus ma tête et accroche ainsi l'arc dans mon dos. Toute mon enfance je me suis entraîné à tirer avec cette chose et c'est maintenant qu'elle s'avérait le plus utile.  Je ramasse les flèches une à une et les glisse dans mon sac de façon à ce qu'elles dépassent pour que je puisse les agripper facilement en cas d'urgence. Je me prépare à partir. Pourtant j'hésite. Et si je restais ici? Il reste un peu de nourriture et le toit est relativement sécuritaire... Mais c'est aussi le lieu où mon frère a perdu la vie. Et ça, je ne pourrai jamais me le pardonner. Tout cela était de ma faute. Je prend une roche par terre et écris sur le mur. "Ici repose l'âme d'Asher Reed." Je laisse tombé le caillou et recule pour relire mon écriteau.

"Adieu Asher." Lançais-je avant de tourner les talons et de partir sur la longue route sinueuse.

One of us    (TWD)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant