"Ce que l'homme ne veut pas apprendre par la sagesse, il l'apprendra par la souffrance."
-Melkisedech
La vie est veine. La vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Moins tu y tiendra, plus tu réussira. Il ne doit résider, dans ton cœur d'enfant, aucune parcelle d'innocence et de bienveillance. Car la vie est cruelle, car la vie est brutale. Car la vie est une fosse emplie de cadavres, plus tu remplira cette fosse, plus de chance tu aura de t'en sortir.Si tu veux pleurer, alors pleures. Si tu veux crier, alors cries. Si tu veux tuer, alors tues. Si tu veux mourir, alors pleures, cries, tues mais ne meurs pas.
Elle t'achèvera, elle te torturera, elle arrachera de tes bras les êtres auxquels tu tiens, l'Immonde. Elle te fera tomber si fort, que parfois tu ne voudra pas te relever. Mais regardes moi bien, regardes ces yeux qui ont vu la mort, la guerre, le sang et dis moi, enfant, dis moi si ces yeux sont ceux de quelqu'un qui ne s'est pas relevé. Regardes l'obscurité dont ils regorgent. Plonges toi dans la haine qu'ils dégagent. Repais toi de la hardiesse dont ils sont faits et relève toi.
Le souffle court, l'enfant rampait sous les barbelés. Ils accrochaient sa tunique et lacéraient sa peau. Retenant un gémissement, il se retourna et les retira de son dos, la boue prit une teinte rougeâtre. Ravalant un sanglot, l'enfant se remit en position et continua de ramper, sentant les barbelés s'enfoncer de plus en plus dans son dos mais il n'avait pas le temps, il ne pouvait pas les enlever de nouveau alors il serra les lèvres, réprima ses sanglots et rampa sous la pluie battante.
Ses cheveux lui tombaient devant les yeux et la boue rentrait dans sa bouche mais il continuait d'avancer. Il haletait et souffrait, la pluie tombait et le tonnerre grondait. Les éclairs zébraient le ciel d'un gris obscure et une porte claqua. L'enfant leva les yeux, il n'aurait pas le temps de partir. Il tenta de faire plus vite mais il paniqua et s'empêtra dans les barbelés : il était pris au piège.
Des éclats de voix lui parvinrent, il s'immobilisa sur le sol boueux de la quatorzième base, seul. L'enfant entendit les voix se rapprocher, il retint sa respiration et tenta tant bien que mal de s'enfoncer d'avantage dans la boue, de l'étaler sur ses vêtement jusqu'à ce que l'on ne puisse plus le distinguer. Il se figea, retint une plainte : le barbelé s'enfonçait près de son œil. La pluie et le tonnerre faisaient un bruit sourd et atroce, l'enfant ne parvenait pas à saisir le sens de la conversation.
Les deux hommes semblaient en désaccord. L'un tapait nerveusement du pied tandis que l'autre, d'un flegme hors du commun, se contentait de poser sur lui son regard froid comme la glace.Le premier était petit, replet. Son crâne dégarnit luisait lorsque les éclairs zébraient le ciel et l'eau dégoulinait de son bouc taillé à la mode ombrésienne. Son visage rond était constellé de tâches rouges, ses yeux de fouine fuyaient le regard de son interlocuteur tandis que ses bras s'agitaient dans tous les sens.
Le second était grand, de dos à l'enfant. Une épaisse cape noire enveloppait son corps fin, tel un manteau d'ombre, et un capuchon anthracite recouvrait sa tête. Il adopta une posture désinvolte, écouta patiemment les arguments incohérents de l'homme au bouc. Soudain, l'enfant vit le petit homme tressaillir tandis que l'inconnu à la cape s'approchait de lui, d'une démarche féline. Quelques secondes plus tard, un corps s'effondra dans la boue, le bouc blond virant au rouge.
L'assassin se retourna, découvrant son visage sans âge à l'enfant. Il s'approcha, marcha lentement près de son corps immobile. Ses pas étaient tels des plumes se posant délicatement sur le sol boueux. Il n'y avait pas d'éclaboussures, ni de bruits, il n'y avait que la présence écrasante de l'assassin aux côtés de l'enfant. Une fois arrivé à hauteur de sa tête, l'homme s'arrêta de marcher et se baissa légèrement. Par dessus les coups de tonnerre et les ploc réguliers de la pluie, l'enfant parvint à l'entendre dire, d'une voix rauque et basse :
« L'Ombrésie est un vaste pays mais si tu parles à quiconque de ce qui vient de se passer, je te retrouverai, où que tu sois, et tu connaîtra le même sort que cet homme. »
Le garçon trembla imperceptiblement, submergé par la boue, tandis que l'assassin partait. Le temps, qui avait alors semblé s'être arrêté lorsque l'homme avait parlé, reprit son cours et la pluie retomba dans un étonnant et lugubre fracas.
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Bonjour,
Pour commencer, je vous remercie d'avoir lu ce prologue.
Cette histoire me tient particulièrement à cœur et j'espère que ce début aura su vous séduire, malgré un côté sombre mais néanmoins indispensable à l'intrigue.
Si vous souhaitez me contacter, je vous invite à laisser un commentaire ou à me joindre sur l'adresse mail suivante: starry.feather@outlook.fr
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L'Héritage De L'Ombre
Fantasy"Nous vivons de l'ombre d'une ombre. De quoi vivra-t-on après nous?" -Ernest Renan La vie est veine. La vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Moins tu y tiendra, plus tu réussira. Il était là, face à l'immensité de l'océan. Les embruns s'écrasèrent...