L'Héritage De L'Ombre

L'Héritage De L'Ombre: Chapitre Deux

"On réfléchit bien plus longtemps pour faire le bien que pour s'abandonner au mal"-Louis Joseph Mabire

« Il n'y a pas d'homme qui ne craigne un kheatakar. Le nom à lui seul inspire la peur. Le kheatakar répand la mort et le désespoir dans son sillage. Il n'est rien ni personne qui sache lui résister. Être un kheatakar ce n'est pas un métier, c'est un mode de vie. Il ne s'agit pas de dire adieu à l'humanité dont est fait le cœur d'un Homme, ni de laisser derrière sois les souvenirs d'une vie heureuse et les promesses d'une mort héroïque. Non. Etre un kheatakar c'est embrasser l'ombre ; c'est embrasser la mort, c'est devenir celui qui la dispense. Chaque ombrésien sait qu'un Homme ne peut faire face à un dieu, un homme ne peut faire face à un kheatakar.

Il fut un temps où une partie de la population nourrissait l'espoir de devenir un guerrier aussi légendaire. Elle ne faisait pas que caresser l'idée de devenir une légende, elle se prenait pour une légende, pour un dieu. La guerre encouragea cette idée, elle nourrit les idéaux de la population selon lesquels le kheatakar est la perfection incarnée. Il n'avait alors jamais été question de meurtres mais de justice, jamais d'assassinats mais de justice, jamais de boucheries mais de justice. Le groupe que formaient les kheatakar était le pilier de la société ombrésienne, ils représentaient un savoir et un pouvoir antique, quasiment mystique qui en plus d'attirer les fanatiques, attira les rois.

Vouloir le pouvoir est un chose, posséder ce pouvoir en est une autre. En Ombrésie, à l'apogée de la guerre d'un demi-siècle, naquit un enfant, un enfant porteur d'espoir. Il n'était ni pauvre, ni riche. Il n'avait pas de nom, pas de terres. Il ne possédait rien mais était promis à de grandes choses. Son nom était Côme. Précieux comme l'univers, l'enfant devait survivre à n'importe quel prix : on en fit un kheatakar. Son kosmos était grand, puissant, tous s'accordaient à le dire. Tous savaient qu'il serait le meilleur kheatakar que l'Ombrésie ait jamais vu naître et que ce serait cet enfant qui mettrait à terme à une guerre sanglante dont l'influence et les ravages ne faisaient que croître.

La légende naquit, Côme Kabet : le détenteur du kosmos le plus puissant de tout Senka et plus encore. Sa légende s'ébruita, la grandeur de son pouvoir toucha le monde et attisa la convoitise. Que ne ferait pas un roi avec une telle puissance ? »

La nuit avait été longue. Ponctuée, comme toujours, des hurlements de désespoir des habitants du kreik. Kit avait pris l'habitude de les entendre et même s'il sursautait encore lorsqu'ils venaient perturber le silence oppressant, il parvenait à ne plus y prêter trop d'attention. Il fallait savoir se protéger lorsque l'on vivait dans le kreik. Il fallait savoir poser des remparts et éviter de s'attacher aux gens car c'était toujours quand on s'attachait à eux qu'on les perdait, Kit en avait été témoin maintes et maintes fois.

Il marchait, slalomant dans les ruelles sombres. Le ciel était couvert d'épais nuages gris et l'air était lourd et humide. Il savait que lorsqu'il rentrerait il aurait droit à une correction, son absence de la veille ne serait sans aucun doute pas passée inaperçue, surtout après qu'il ait claqué la porte du dortoir. Les autres devaient l'avoir dénoncé, pour eux il valait mieux dénoncer un frère que de passer entre les mains des Bourreaux. Personne ne voulait passer entre les mains des Bourreaux. On était jamais sûr d'en revenir.

Un son strident de cloche retentit au loin et Kit sentit comme un poids en plombs tomber sur son estomac. Il savait ce que représentait ce son. Il l'avait déjà entendu et il savait que ce n'était jamais de bonne augure. Lorsque la cloche retentissait il y avait inéluctablement un mort et cette fois, ce serait peut-être lui.