L'Héritage De L'Ombre: Chapitre Un

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"Plus sa vie est infâme, plus l'homme y tient; elle est alors une protestation, une vengeance de tous les instants."-Honoré De Balzac


Les cris retentissaient, comme toujours, entre les mûrs de la petite bâtisse. Il était devenu habituel de vivre au milieux de ce vacarme, d'être hanté par le bruit des lattes de plancher qui grinçaient derrière nous, parce qu'à ce moment là on savait que ce serait nos cris qui résonneraient entre les mûrs. Les Bourreaux ne faisaient aucune distinction. Enfant, adolescent, jeune homme, adulte, vieillard. La vie était devenue insupportable dans le kreik mais comme personne n'avait nulle part ailleurs où aller, ils y restaient. Il ne s'agissait plus de survivre, les habitants du kreik avaient dépassé ce stade depuis plusieurs années. Il s'agissait de ne pas mourir, à n'importe quel prix, car quelque soit la misère et la violence imprégnant les vies des habitants du kreik, ils s'y accrochaient de toutes leurs maigres force parce qu'ils savaient que les actes qu'ils avaient commis afin de survivre les condamneraient à une éternité de tourments. 


Le kreik étaient divisé en trois bases, plus sordides et pauvres les une que les autres. Il y avait le kreik dit des affaires, qui ne se résumait en fait qu'à quelques maisons de passe et des bars insalubres. Venait ensuite le kreik des artisans, peuplé de gens aigris prêts à vendre leurs enfants aux Maîtres du kreik des esclaves, pour quelques pièces de bronze. Les années post guerre avaient transformé ce quartier de Senka en une fosse. On naissait dans le kreik et on y mourrait. Il est vrai qu'il avait toujours été le quartier le plus malfamé de Senka, mais au fil du temps ses habitants étaient devenus des monstres, les fruits d'une souffrance et d'un traumatisme omniprésent. Si vous n'étiez pas assez terrifié par le lugubre climat qui régnait dans le quartier, les Maîtres se chargeaient de vous rappeler de l'être. Ainsi, l'on avait peur de vivre et peur de mourir. 

Le kreik des esclaves était le plus malfamé de tous. Bien évidemment, personne ne se préoccupait du bien être des esclaves, ils n'étaient après tout rien de plus que des biens que les Maîtres achetaient et revendaient selon leur bon plaisir. Il n'existait, dans tout Senka, aucune maison d'esclaves plus terrible que celle du kheatakar. En Ombrésie, comme partout ailleurs, le kheatakar était un guerrier, un assassin, une légende. Il possédait un savoir et une habilité hors du commun. Tous s'accordaient à dire qu'être un kheatakar, c'était être un dieu. C'était dans cette maison d'esclaves que vivait l'enfant.

 Comme tous les autres, il se recroquevillait dans un coin, priant le ciel pour que dans sa clémence divine, il fasse que les foudres des Bourreaux ne s'abattent pas sur lui. La tête entre les genoux, il se cachait et tentait d'oublier le monde qui l'entourait. Soudain, il entendit une latte craquer à côté de lui. Il n'osa pas relever la tête, de peur de voir le visage purulent de l'un des trois Bourreaux. Il gémit imperceptiblement et sentit les larmes lui monter aux yeux. « Tu es encore tout sale. Où est-ce que tu es allé traîner ? » L'enfant releva la tête, ce n'était pas le Bourreau. A moins que celui-ci ne se soit transformé en un enfant de huit ans au teint pâle et aux cheveux sombres, ce n'était pas le Bourreau. Le garçon ravala ses sanglots et se tourna lentement, plantant son regard céruléen dans celui de son ami.

L'Héritage De L'OmbreWhere stories live. Discover now