La mission

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Le lendemain matin, juste après le réveil, Chloé se glissa dans la salle de bain où elle but une gorgée du liquide du druide après quelques secondes d'hésitation. À sa grande surprise, ce n'était pas très mauvais. Cela avait même un petit goût sucré qu'elle ne reconnut pas tout de suite. Puis elle descendit en bas pour prendre le petit déjeuner. Sa maman était là et ne dit rien comme elle en avait pris l'habitude quand sa fille était dans la pièce. Elle avait trop peur que cette dernière s'énerve et se rendorme. Il lui aurait alors fallu s'organiser pour sa journée de travail et elle ne pouvait plus se le permettre. Elle avait été déjà absente bien trop souvent et son patron finirait par la virer.

Elle posa devant sa fille son lait chaud cacaoté et une tartine beurrée.

- Merci... Ça... Ça sent bon... glissa la petite fille d'une voix faible.

Sa maman fut surprise, Chloé ne parlait jamais d'habitude.

- De rien, fait attention c'est chaud.

Chloé parut réfléchir et esquissa un faible sourire. Sa maman était inquiète, elle le voyait bien. Sa mère avait même dans les yeux un peu de crainte. Cela attrista Chloé, mais elle se contenta de répondre merci et bu son lait. Et il ne se passa rien de plus.

Quand sa maman la déposa ce jour-là à l'école, elle avait toujours dans le regard une certaine crainte, voir une peur. Sa fille n'était pas comme toujours et elle le sentait.

- Mais pourquoi, se demanda Chloé, fallait-il qu'elle ne soit pas simplement heureuse qu'elle ait essayé de lui parler ce matin ? Elle stressait aussi beaucoup, pensant à la mission donnée par le druide qui l'attendait.

Une fois en classe, elle glissa ses mains moites sur le bureau et fixa sa trousse avec attention. Le cours commença, tranquillement, simplement comme d'habitude. Après environ dix minutes, la leçon d'histoire commença. Chloé se raidit.

La maîtresse demanda :

- Comment s'appelait la France du temps de Clovis ?

Plusieurs mains se levèrent rapidement. Et après quelques secondes d'hésitation celle de Chloé aussi. La maîtresse fit de grand yeux ronds. Toutes les têtes de la classe se tournèrent vers elle. C'était bien la première fois que la petite fille levait la main. La maîtresse hésita un peu et lui donna la parole.

- ... C'est... C'est la Gaule... Dit doucement la petite fille.

Et en effet c'était la bonne réponse. Chloé le savait, Dou lui avait dit et elle se disait qu'elle avait eu de la chance sur cette première question.

- C'est bien Chloé, répondit la maîtresse. Et sais-tu comment s'appelait la capitale de la Gaule ?

Ça Chloé l'ignorait et Dou lui fit non de la tête. Alors elle tenta un réponse. Elle sentait tout ce stress qui lui prenait la poitrine. Elle avait du mal à respirer. Elle sentait qu'elle allait sombrer d'ici quelques instant.

- Paris ? Hésita-t-elle.

La maîtresse sourit et lui dit que non, Paris qui s'appelait Lutèce en ce temps là n'était pas la capitale de la Gaule. C'était l'actuelle ville de Lyon.

Chloé se concentra sur sa trousse. C'était dur. Elle avait l'impression de tomber en avant, que tout devenait noir... Et en effet, Chloé s'endormit à cause du stress et la maîtresse continua son cours comme si de rien n'était.

Chloé n'avait pas réussi... Mais lorsqu'elle se réveilla et qu'elle regarda l'horloge, elle s'aperçut qu'elle n'avait pas dormi plus d'un quart d'heure. La maîtresse, qui était passée à une autre leçon, posa alors une nouvelle question.

- Combien font six fois sept.

Chloé prit sont courage à deux mains et leva encore le doigt. Encore une fois la maîtresse la regarda interloquée.

- Oui Chloé ?

- Ça fait... Heu... quarante-deux ?

La maîtresse la félicita mais cette fois ne prit pas le risque de lui poser une autre question. Le reste de la journée fut étrange pour cette dernière. La petite fille leva souvent la main et, à chaque fois qu'elle n'avait pas la bonne réponse, tombait dans le sommeil pour dix ou vingt minutes. La maîtresse finit par refuser de donner la parole à Chloé, elle croyait qu'il s'agissait là d'un nouveau jeu malsain de la petite fille. Comme si ce n'était pas déjà assez compliqué que d'avoir une élève comme elle dans sa classe sans qu'elle le fasse exprès.

Le soir Chloé était très triste. Elle avait fait tout ce que le vieil homme lui avait demandé de faire, mais l'attitude de ses parents, de ses camarades de classe et de sa maîtresse n'avait pas changé. Pire, elle avait le sentiment qu'ils se méfiaient d'elle. Cette nuit là, elle resta longtemps éveillée dans son lit en pleurant, avant d'aller rejoindre Dou dans un rêve.

Le lendemain matin, elle finit par lui demander.

- Dou, comment​ ça se fait que tu es dans mes rêves ?

Le petit oiseau la regarda et elle vit qu'il était un peu triste. Au fond d'elle-même, elle savait pourquoi.

- C'est parce que je suis une partie de toi, je fais partis de tes rêves. Je suis ton ami, parce que tu as besoin d'un ami. Je suis là pour toi...

- Alors tu n'es pas vrai, dit la petite fille en commençant à pleurer.

- Je suis vrai, je suis ton ami, je n'existe juste que pour toi, pour t'aider.

- M'aider à quoi ? Reprit la fillette.

- À devenir plus calme, à te contenir, à ne plus tomber dans le sommeil, à devenir comme les autres petites filles.

- Tu ne peux pas faire cela, lui reprocha-t-elle. Je ne suis pas comme les autres, il n'y a pas d'autre moyen que de vivre seule...

- Ah oui ? Pourtant, quand est-ce que tu as pleurée la dernière fois sans t'endormir ?

Alors Chloé prit conscience tout à coup qu'elle pleurait éveillée...

Et elle s'endormit.

Chloé, la petite énervée narcoleptiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant