Chapitre 3

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Je pris un taxi.

-" 6, rue Victor Hugo". demandai-je.

-" Très bien. C'est parti " dit le chauffeur.

Ce dernier était un quinquagénaire sombre et taciturne, doté d'une moustache fournie et d'une voix sépulcrale qui ferait fuir n'importe quel badaud. Je n'avais pas envie de converser avec lui mais il engagea le dialogue.

-" Vous sortez d'un mariage ? " demanda t-il.

-" Non un enterrement" répondis-je.

-" Désolé"

-" Non pas grave". répondis-je, blasé.

Je regardais les gens derrière la vitre du taxi. Tout me semblait triste, morne, indolore. Un pesant fardeau, comme disait La Fontaine.

-" C'était quelqu'un de proche ? " demanda le chauffeur.

-" Mon père".

-" Ah merde". répondit-il, benoîtement.

-" Ouais. " déclarais-je.

Le chauffeur me regarda à travers le rétroviseur.

-" A quoi pensez-vous ? "

-" Tout. Rien. Pourquoi me posez-vous cette question ?"

-" J'essaie de vous réconforter. Ca fait du bien de parler, vous savez. "

-" Je sais...."

-" Alors ? " me demanda t-il.

-" J'aimerai changer de vie."

-" Changer de vie ? C'est à dire ? "

-" Je ne sais pas... être à votre place par exemple. Conduire un taxi sans se poser de questions."

-" Vous savez, ce n'est pas parce que je suis souriant et que je conduis un taxi que je n'ai aucun problèmes dans ma vie. "

-" Je sais. Mon ex-copine vient de me le dire. "

-" Essayez d'oublier tout ça. lisez un bouquin, regardez un film."

-" Merci du conseil. "

Il se gara devant mon immeuble.

-" On est arrivé. "

-" Je vous dois combien ? "

-" 15 euros. "

Je lui donnai l'argent. Je sortis du taxi et le salua. Celui-ci me fit un sourire biscornu et partit. Je rentrai chez moi.

******

J'avais envie de crapuler avec le diable. J'appelai une escort girt et lui donnai rendez-vous chez moi. Elle arriva sur les coups de 21 heures. Je ne fus pas déçu. Des lèvres appétissantes, des cheveux dorés et luisants,des yeux charmants, un corps de reine...

Je dégustai cette délicieuse odalisque. Sa peau avait une odeur suave, ses lèvres un goût exquis et atypique, son corps des courbes harmonieuses et élégantes. Ses yeux brillaient comme les étoiles. Son charme gouvernait.

Elle partit sans dire un mot. Je restai comme un sot sur mon lit, à contempler le plafond. J'avais beau céder à mes démons, gouter à la chaire ardente, je n'arrêtai pas de penser à Lucie.

Je regardai mon reflet dans le miroir de la salle de bain. J'avais le teint cadavérique. On aurait dit un mort vivant. Je pris un somnifère.

Je regagnai mon lit, chancelant et tristounet. J'avais envie de dormir, mais le sommeil ne fut pas victorieux. Ce maudit cachet ne marchait pas. Je recu un texto d'un mystérieux destinateur: "Bon courage". Qui était ce quidam ?

Le somnifère commençait à prendre effet. Mes paupières devenaient lourdes, j'avais l'impression d'être hypnotisé. J'étais enfin dans les bras de Morphée.

******

Le réveil fut douloureux. J'ouvris difficilement les paupières. Je n'étais plus dans ma chambre. Etais-je en train de rêver ? J'avais pourtant un mal de crâne épouvantable, comme si un singe cymbale tambourinait dans ma tête.

La chambre était grande et luxueuse. J'étais dans un quatre étoiles. Comment ai-je attéri ici ?

Je me levai difficilement. J'arpentai la chambre, tel un fin limier. Je n'étais pas chez moi. Je cherchai mon téléphone, mais ma quête fut vaine. Je n'avais pas de mobile. C'est quoi ce lupanar ?

Quelqu'un tapa à ma porte.

-" Room service ! " hurla t-il.

-" Oui attendez ! " répondis-je.

J'enfilai prestement un pantalon et un T-shirt. J'autorisai le garçon d'étage à ouvrir.

-" Bonjour, monsieur Vidal ! " me dit-il.

-" Bonjour. " répondis-je, surpris.

Le groom connaissait mon nom, alors que je ne l'avais jamais vu auparavant.

-" Excusez moi ? " demandai-je.

-" Oui ? "

-" Comment connaissez-vous mon nom et qu'est-ce que je fais ici ? "

Le jeune homme me regarda, interloqué.

-" Vous aviez réservé cette chambre. Ou plutôt c'est la prod. "

-" La prod ? Quel prod ? "

- " La production de votre film. "

-" Quel film ? "

-" Je ne sais plus. Vous savez moi, le cinéma..."

-" Excusez moi, mais c'est quoi mon métier ? " demandai-je.

Il me regarda, encore surpris et décontenancé.

-" Et bien, vous êtes acteur. Vous ne vous en souvenez plus ? "

Je le regardai avec incompréhension. Je ne goutai pas à ces grossières feintes.

-" Vous vous foutez de moi ? " déclarai-je.

-" Non pas du tout. Attendez ! ".

Il sortit son téléphone et me montra une vidéo. Je me vis en train de recevoir un césar du cinéma . J'étais abasourdi. Avais-je perdu la raison ?

-" Mais c'est moi ? " demandai-je.

-" Oui. Vous ne vous souvenez pas ? "

-" Mais je ne suis pas acteur. Je suis libraire dans le 19e arrondissement de Paris. "

Le garçon d'hôtel me regarda longuement et commença à esquisser un sourire.

1000 viesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant