L'étoile filante

Chapitre 7

                      Len marchait silencieusement derrière Izumi. Bien sûr, celui-ci ne le voyait pas. C'était une belle matinée ensoleillée. En fait, Izumi ne savait même pas que Len le suivait. Il allait tranquillement comme chaque matin à l'école, et comme chaque matin, Len le suivait sans qu'Izumi ne s'aperçoive de rien. Telle était la vérité : Len agissait en véritable stalker.

L'étoile filante retint de justesse un avertissement envers Izumi quand ce dernier, occupé à admirer les différentes formes que prenaient les nuages, faillit percuter un signe stop. Heureusement, au dernier moment, il s'en aperçut et évita l'obstacle. Len soupira intérieurement, soulagé de voir Izumi sain et sauf et de ne pas s'être fait découvert. Il ne savait pas comment son maître le prendrait s'il apprenait qu'il agissait de façon si suspecte. De plus, Izumi semblait un peu plus rêveur que d'ordinaire. Len se demandait si c'était à cause de lui. Il l'avait quitté quelque peu abruptement la veille. Mais il n'y pouvait rien. Il était en colère contre lui-même. La veille, quand il avait vu Izumi trembler dans ses bras, cela l'avait inquiété. Il aurait voulu qu'Izumi aime les baisers, aime ça autant que lui, Len, aimait ça. Il aurait voulu qu'Izumi l'aime lui. Et c'était bien ça le problème.

Car Len avait toujours été amoureux d'Izumi. Depuis bien longtemps, quand celui-ci regardait le ciel avec émerveillement. Izumi ne le savait pas, mais il avait tout un fan club parmi les étoiles proches de la terre qui observaient, ennuyées, le quotidien des humains. Il était un des seuls qui faisaient autant attention à eux qu'eux aux humains. Son si joli regard, limpide et honnête, admirant avec ravissement le ciel sans demander rien en contrepartie, semblant trouver son bonheur dans ce simple acte de donner son amour au ciel et aux étoiles, comment Len aurait-il pu y résister ? Bien sûr, il y avait aussi ces humains qui faisaient de l'observation du ciel et de l'univers leur travail, mais malgré leur passion, Len n'aimait pas leur regard de scientifique, froid, calculateur, cherchant des faits à prouver et des lois à vérifier. C'était comme si Izumi admirait l'emballage d'un cadeau, tel qu'il était, n'y touchant pas, tandis qu'eux l'ouvraient, le disséquaient, faisaient tout pour connaître l'origine de sa beauté, ce qui au bout du compte ne faisait que la dénuder de cette même beauté. Le regard d'Izumi quant à lui était beaucoup plus...romantique. Et craquant. Il avait volé le cœur de Len, qui s'était mis à l'observer chaque jour du ciel, curieux de le connaître mieux. Avant de s'en rendre compte, il était tout à fait épris. Il sentait la solitude d'Izumi, sa tristesse, son sentiment de vie incomplète. Il voulait le prendre dans ses bras, le rassurer, l'embrasser. Il avait vu milles et une vie humaine. Tellement d'humains se sentaient différents, seuls, même si leur vie baignait et s'entrelaçait avec une foule d'autres vies. Les humains étaient si fragiles. Chaque petite chose pouvait les effrayer, leur faire perdre confiance, leur donner horreur de leur existence. Tellement d'entre eux se demandaient pourquoi ils existaient, si leur vie avait un sens, s'ils fournissaient assez d'efforts et s'ils méritaient de vivre. Les humains étaient tellement fragiles. Len aurait voulu tous les rassurer, Izumi en premier. Et c'est comme ça qu'il avait choisi de devenir une étoile filante.

Une étoile pouvait mourir de deux façons. Vivre des millions d'années en attendant sagement le temps où son feu s'éteindrait, ou se transformer en étoile filante, qui revenait au final à une sorte de suicide. Une mort volontaire. Les étoiles filantes choisissaient cette fin soit parce que leur vie terne était devenu un supplice, après des milliers d'années d'existence monotone, soit parce qu'ils voulaient réaliser les vœux d'une personne qu'ils aimaient particulièrement, soit les deux raisons à la fois. Len aurait bien voulu vivre un peu plus longtemps. Il était encore jeune comme étoile après tout. Toutefois, son désir de rencontrer Izumi avait été trop fort. C'était pourquoi il avait décidé de lui réaliser ses vœux, de le voir sourire grâce à lui, et de mourir une fois ses souhaits réalisés.