Il courait. Comme un véritable dératé. Il ne rentrait pas chez lui. Peut-être aurait-il dû. Mais la curiosité et l'adrénaline avaient eu raison de lui. Il devait savoir.
Machinalement, il laissait ses jambes le porter tandis qu'il réfléchissait à toute vitesse. Que pouvait bien signifier cette étrange énigme, cette sorte de poème mal écrit ?
Le cycle de l'astre, la cloche de bronze, l'apogée de la nuit... Qu'avaient ces mots en commun ? C'était un rendez-vous, supposait-il. Qu'on avait donné à celui qu'il avait tué. C'était certain.
Soudain, il fit halte, trop épuisé par tant d'efforts. Au beau milieu d'une large rue. En face de lui se dressait fièrement le chétif bâtiment croulant presque sous le poids d'une unique tourelle en briques de l'église de la petite ville. Sa silhouette se découpait sur le ciel étoilé, telle une ombre inquiétante surplombant tous les autres bâtiments et êtres qui y rôdaient. Un être tout de pierre qui surveillait les allées et venues de chacun et donnait le rythme de la vie aux habitants, du timbre de son énorme cloche de bron...
Alexander se dressa. La cloche ! D'un geste vif, il sortit le message de la poche arrière de son jean usé, et le déplia. A la lueur de la lune, à présent un quart moins pleine... il s'arrêta une nouvelle fois. Puis il parcouru les lignes d'encre du regard, à la recherche de certaines tournures de phrases clés. Satisfait, il releva la tête pour contempler le bâtiment au bout de la rue.
En fin de compte, il était arrivé plus vite à conclusion qu'il ne pensait. D'un pas sûr, il continua tout droit. Ses pas l'avaient, peut-être par un simple coup du sort, amenés à l'endroit exact.
La place était vaste, morte. On arrivait presque à se demander comment elle pouvait accueillir nombre d'évènements festifs, en plein jour. Recouverte de longs pavés tous bien scellés les uns aux autres, elle était blafarde. Chaque mouvement exécuté faisait écho, emporté par la légère brise s'étant mise à souffler. C'est donc sur la pointe des pieds, qu'il tenta de la traverser. Une fois face à la porte en bois, incrustée de barres en métal finement manufacturées, tout comme la poignée reluisante, il leva la tête.
La voûte céleste s'étendait calmement, la flèche évangélique chatouillait presque ses nuages. Cette vue lui arracha un semblant d'apaisement ; l'ombre d'un fin sourire traversa son visage. Revenant sur terre, il s'adossa au mur fort de l'édifice et guetta la moindre apparition du regard.
Personne.
Ne se décourageant pas, il patienta.
Personne.
Il sauta d'un pied à l'autre.
Personne.
Son dos le démangeait.
Personne.
Se contorsionnant, il se gratta l'échine.
Toujours personne.
Ne tenant plus en place -- car enfin cela faisait plus d'une demi-heure qu'il attendait et il était presque minuit, il commença à tourner en rond. Se pourrait-il qu'il se soit trompé ? Non, impossible, quelqu'un lui avait bien donné rendez-vous. Il se concentra de toutes ses forces. Peut-être qu'un détail lui avait échappé ? Un petit mot, une lettre, ... Alors qu'il mettait la main à sa poche pour en sortir à nouveau le bout de papier, la cloche sonna avec violence. Premier des douze coups.
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L'Empailleur d'Enfants
Mystery / Thriller«Ne traîne pas dehors le soir.» «Ne rentre pas trop tard» «Ne reste pas dans les rues désertes» «Ne parle pas aux inconnus» Combien de fois sa mère lui avait répété ces quelques phrases? Comment se douter que toutes ces rumeurs qu'on lui racontait...