Chapitre 1 - Le portrait

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La beauté est dans les yeux de celui qui regarde.  - Oscar Wilde.

          Souriant, j'enfouis mon carnet de croquis dans mon sac, vérifiant si toutes mes affaires étaient à l'intérieur. Mes accessoires de dessins étaient bien dedans, tout était opérationnel. Après avoir donné un baisé sur la joue de mon frère bien aimé, je sortis, enfilant une légère veste à capuche. Dehors, le temps était beau. Une légère brise caressait mon visage pâle et désordonnait davantage mes longs cheveux noirs, mais ce n'était pas désagréable. Je levais la tête pour regarder le paysage. Paris, une ville bruyante et tout le temps pleine de monde. Une ville où, ni la religion, ni l'origine ou le style vestimentaire ne comptait. On peut être soi-même ici, en toute liberté, car tout le monde s'en fiche. C'est une ville faite pour moi. Paris est une ville sublime. Partout où l'on regarde, l'art est présent. Que ce soit dans l'architecture des bâtiments, dans les publicités affichés ou dans les vitrines des magasins, tout me donnait de l'inspiration. Il était impossible de connaître cette ville sur le bout des doigts, une ville en constante évolution. Je me nourris de la diversité de cette ville miracle. Souriant, je pris une grande inspiration mais mes narines ne trouvèrent qu'une odeur désagréable d'urine. J'haussais les épaules, après tout, cela faisait partit du charme de cette ville.

        Je foulais les rues, appréciant sentir les vieux pavés sous mes baskets trouées. Les oiseaux chantaient, tout allait pour le mieux ici. J'étais heureux, alors je pris mes écouteurs. Ce sont les notes de Beethoven qui m'accompagnait durant mon voyage, me procurant un frisson : je goûtais au bonheur le plus total. J'empruntais quelques petites ruelles, le genre qui ne sentent vraiment pas bon et qui sont entourés de tags. Parfois, seulement des insultes. Mais quelques fois, je pouvais y voir de magnifiques œuvres d'arts, alors, je restais quelques secondes à admirer le travail, à me délecté du talent de quelqu'un d'autre. Sans jalousie, j'avais l'habitude de prendre une photo pour l'accrocher sur les murs de ma chambre, déjà vert de photos ou dessins dans ce genre là. Mais aujourd'hui, malheureusement, il n'y avait rien d'intéressant. Qu'importait, je souris de nouveau avant de marcher encore un peu, et enfin, j'arrivais à ma destination.

       Je vis avec mon frère, et nous ne sommes pas riches, mais pas à plaindre non plus. L'endroit où je vis est un quartier plutôt sensible, mais regorge de nombreux talents. C'est là que je les ai rencontrés ; sans même leur parler, je les connaissais déjà. J'étais devant la bâtisse d'une vieille galerie marchande délabrée, c'était là que se trouvait ma plus grande source d'inspiration. On l'appelait la « CF », pour une raison que j'ignorais. Une faible musique émanait de l'intérieur, je pouvais l'entendre. C'était du RAP américain, je notais que je ne connaissais pas encore ce morceau gorgé d'insultes. Je rabattais la capuche sur ma tête pour ne pas attirer les regards, avant de pénétrer à l'intérieur.

Dedans, tout était comme d'habitude. Les chaises étaient inexistantes, car tout le monde était pour la plupart du temps debout. Ils étaient beaucoup, mais ne semblait même pas être tous présents. Alors moi, je m'asseyais, dans un coin, dans mon propre coin. C'était assez drôle de voir que ma présence ne les dérangeais pas, et que pire, qu'ils ne s'en rendaient même pas compte. Personne n'était jamais venu me voir, ce que j'appréciais grandement. Ce qu'il se passait ici, c'était une expression de la créativité de chacun. Certain dansaient, au rythme de la musique. D'autre faisait des tags, après avoir fumé des substances illégales. D'autre faisait du skateboard, se servant de vieux gros morceaux de bois en guise de rampe. A chaque fois que quelqu'un en skate tombait, j'avais l'inexorable envie de venir à son secours. Mais à chaque fois, le malchanceux se relevait, sous les rires moqueurs de ses amis, avant de recevoir une tape sur le dos. Et, lorsque cela arrivait, je tombais de plus en plus amoureux de cet endroit, et de chacun d'entre eux.

          Même si je ne suis pas quelqu'un de sociable, j'ai toujours aimé être avec les gens. Je n'aime pas spécialement parler, j'apprécie simplement le fait d'avoir une présence autour de moi, une présence chaleureuse comme la leur. Et chaque personne est unique, chacun d'entre eux sont différents. Chaque individu a sa propre mélodie, sa propre façon de parler. Personne n'a le même physique que son voisin, et je pars du principe que tout le monde est beau. La beauté n'est pas quelque chose de défini, on ne peut pas mettre de mot sur ce qu'est quelqu'un de « beau ». « Moche », ce mot ne veut rien dire. Ici, tout le monde était magnifique. Moi, j'étais la tâche qui se mettait à l'écart, observant avec admiration à quel point chacun d'entre eux brillaient.

          Je m'amusais à dessiner les tags que je voyais, les gens que je trouvais talentueux, les motifs des skateboards élaboré de certain, ou même parfois leur tatouages. Dans mon coin, je bouillonnais d'idée et d'inspiration. Aujourd'hui était un magnifique jour, comme d'habitude, et je sentais mon cerveau bouillonné de créativité. Et je le vus, lui.

          Oui, je me sentais happé par lui. C'était un garçon aux cheveux blonds et aux yeux bleus, il venait pratiquement tous les jours. Il y avait beaucoup de personnes de couleur à la CF, les personnes avec une peau hâlée comme la sienne se distinguent des autres. Il faisait du skate, dansait du hip hop... Et il était populaire. Il gagnait toujours chacune des battles de danse. Il n'avait rien à envier aux plus musclés, ni aux plus petits. Trois cicatrices parallèles sur ses joues encadraient son sourire. il avait le sourire le plus lumineux de tous, il dégageait quelque chose de chaud et de rassurant. Comparé aux autres, il se battait qu'en cas de nécessité absolue. Il avait de nombreux amis et étaient respecté par tout le monde. Il avait du charisme, et ses vêtements orange lui allaient vraiment bien. Je l'avais observé tant de fois, mais pourtant, je n'arrivais jamais à le dessiner. C'était comme un blocage, ce garçon qui me fascinait tant n'allait sans doute jamais pouvoir avoir son visage sur le mur de ma chambre.

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