Jour sept
La journée avait été affreuse. J'étais détruite. Totalement détruite mon corps me faisait souffrir. Surtout mes avant-bras. Ah... Mes avant-bras. Mon cerveau ne fonctionnait plus. J'avais l'impression qu'il se déconnectait de la réalité, qu'il s'échappait. Lui aussi en avait marre des insultes. Ah mon cœur. Lui, mon cœur... La fenêtre s'ouvrit interrompant ma rêverie morbide. C'était Dorian. La seule personne qui donnait un sens à ma vie.
"Dorian !" Hurlai-je me jetant dans ses bras.
Il m'attrapa et me serra délicatement en passant sa main dans ses cheveux.
"Je suis là.
- Tu as toujours été là.
- Et je serai toujours là."Je souris, je savais, je savais qu'il serait toujours là. Il me l'avait promis. Jusqu'à la mort.
"Je veux que tu me présentes à tes parents."
Je m'étouffais.
" Pardon ? Mais tu n'as jamais voulu avant !
- Aujourd'hui je le veux.
- Et toi ! Tu ne m'as jamais présentée à tes parents !
- Là n'est pas la question !
- Si ! Je...
- Non ! Je t'ai demandé de le faire.
- Mais que vont-ils dire ? Que veux-tu que je fasse ? Salut papa, salut maman, voici Dorian mon seul ami, il vient tous les soirs dans ma chambre depuis toujours.
- Oui.
- Quoi oui.
- Je veux que tu fasses ça.
- Mais Dorian.
- S'il te plait."Je ne sais pas ce qu'il me prit d'accepter. Mais Dorian avait une effroyable emprise sur moi. Je n'arrivais jamais à lui tenir tête. À chaque fois que j'essayais j'avais l'impression qu'il s'immisçait dans ma crâne chamboulant le peu d'ordre qui y régnait, qu'il m'obligeait à accepter. Et je l'aimais, trop. Je ne voulais pas lui refuser quelque chose, de peur qu'il disparaisse. Comme l'autre jour.
Je l'attrapai alors par la main et quittai le confort et la sûreté de ma chambre pour m'aventurer dans la torpeur du monde extérieur.
Mes parents étaient là. Sur le canapé. Ma mère feuilletant un magazine, mon père jouant à des mots fléchés.
"Papa, maman, je voudrais vous présenter quelqu'un." Annonçai-je tenant fermement la
main de Dorian.Ils me regardèrent interloqués et leur visage resta impassible lorsqu'ils virent Dorian. Aucune réflexion ni surprise ne trahissait leurs traits. C'était comme si, ils ne l'avaient pas vu.
"Il est juste là. Dis-je en désignant Dorian qui me fixait intensément de son beau regard, vert aujourd'hui.
- Qui est là ? Reprit ma mère.
- Dorian mon ami ! Je ne comprenais pas. Pourquoi mes parents refusaient-ils de le voir !
- Il n'y a personne.
- Mais si ! Regardez il est là à côté de moi ! On se tient le mai... Ma phrase mourut. Je regardai ma main. Elle s'agrippait au vide. Dorian avait disparu. Je repris. Il était là je le jure !
- Il n'y avait personne A...
- Si ! Hurlai-je. Il était là !!!"Je m'empressai de rejoindre ma chambre ! Arrivée dans celle-ci je m'enfermai à clefs.
"Dorian où es-tu !" M'écriai-je.
Je le cherchais du regard. Balayant d'un mouvement circulaire ma chambre. De l'autre côté de ma porte j'entendais mon père.
"Il n'y avait personne... S'il te plait ouvre-nous."
Je compris.
Qui il était.
Ou plutôt qui nous étions.
Ils avaient raison. Dorian n'avait jamais existé.
Je m'effondrais.
J'étais seule depuis le début. Puis d'un seul coup ma mémoire s'éclaircit. Je me souvenais de tout. Des jeux que nous faisions petits. Je me souvenais jouer pour les deux personnages de la partie. Je me souvenais jouer pour moi et pour Dorian. Je me souvenais de tout. De ces nuit passées à sangloter seule pensant que j'avais l'épaule de Dorian sur laquelle pleurer alors qu'en vrai, ma peluche tortue me servait d'épaule. Je regardais mes avant-bras qui me tiraillaient depuis quelques jours. Ils étaient barrés par de larges plaies. Je me souvenais aussi être allée chercher cette lame de rasoir, sachant que j'en aurais besoin. Je me souvenais tenir le morceau de métal entre mes doigts, et me griffer rageusement la peau. Je me souvenais de quand mes amis m'avaient parlé de leur fête. Voilà comment Dorian l'avait su. Car je le savais. Je me souvenais de la manière dont je les avais rejetés lorsqu'ils étaient venus me voir. De cette manière dont je m'étais exilée, de ceux qui m'aimaient, de l'école, du monde extérieur, de la réalité. Je me souvenais de tout.
Dorian n'avait pas toujours été là. En fait il n'avait jamais été là.
Dorian n'était qu'une invention de mon imagination. Je l'avais créé pour combler le manque affectif que mes parents créaient. Je l'avais créé pour avoir un ami. Il était aussi mon passager noir. Il faisait ressortir le pire en moi. Comme mon isolement. Comme ces coupures. Mais aujourd'hui il était aussi devenu ma vie. Ça ne pouvait pas être vrai. Non.
"NON !!! Non..." Pleurai-je après avoir hurlé.
Voilà pourquoi il savait tout. Il était moi et j'étais lui. Voilà pourquoi je ressentais son mal-être. Tout prenait sens.
Dorian c'était moi.
Mais je refusais de le croire. Il ne pouvait pas partir aussi simplement. Il était mon "tout".
"Il avait promis d'être là jusqu'à la fin..." Murmurai-je en regardant la fenêtre et en espérant le voir.
La fenêtre. Depuis le début Dorian me faisait signe. Depuis le début. La fenêtre n'était pas que le moyen par lequel il entrait dans ma chambre. C'était LE chemin. Celui pour le rejoindre. Il m'avait promis d'être là jusqu'à la fin. Même si je savais que cette promesse ne valait rien, car je me l'étais d'une certaine manière faite à moi-même, je ne pouvais pas abandonner Dorian. Je ne pouvais pas l'oublier. Il était toute ma vie. On ne laisse pas toute sa vie.
J'avançais vers ma fenêtre. Je m'étais toujours demandée comment il faisait pour escalader la paroi de mon immeuble, j'étais au sixième étage.
J'entendais mes parents tambouriner à la porte. S'égosillant de leur ouvrir. Mais je ne les écoutais pas.
Dorian m'avait promis de rester jusqu'à la fin. Il n'était plus là. Ca voulait dire que c'était la fin.
J'ouvris ma fenêtre.
Dorian était mon "tout". Il était aussi ma fin.
___Voilà la dernière partie ! Vous vous y attendiez ?
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Dorian
Short StoryDorian a toujours été là. Dorian a toujours été présent quand j'allais mal. Il était celui qui m'apportait une épaule sur laquelle pleurer lorsque je ne me sentais pas bien. Il était celui qui m'aidait dans mes relations avec le monde extérieur. Il...