1. Guère épais.

Après avoir tambouriné pendant cinq bonnes minutes à la lourde de Ludo, ce dernier se décide enfin à ouvrir :
-" Ca va bâtard ? 'scuses, je finis de me préparer " !

Il tourne les talons et va dans la salle de bains.
Planté dans le salon, je le vois s'asperger de parfum et répandre du gel coiffant sur sa casquette en formica.

-" T'as quatre poils qui jouent à la belote ; ça te sert à quoi le gel" ?
-" Faut toujours avoir la classe ! Les meufs adorent ça.

Le crâne luisant comme un œuf dur, torse nu, en slibard, taillé dans un cure dent et avec sa peau de rouquin, le breton me fait tantôt penser à un lombric, tantôt à un suppositoire.

-« Sers- toi un sky, sur la petite table du salon. Moi, j'ai déjà commencé à pomper ; je suis chaud bouillant pour aller en boîte et pour aller chercher de la chatte" !
Je jette un oeil sur la boutanche achetée une heure plus tôt : elle est aux trois quarts vide :
-" Putain, avec ce que tu biberonnes, tu fais comment pour tenir debout" ?
- " C'est le métier, mec. N'oublie-pas que je suis breton et en plus, la soirée ne fait que commencer, hi, hi, hi"!

Si certains ont tendance à toujours faire la gueule, ce n'est pas le cas de Ludo. Il inspire la joie de vivre et même lorsqu'il rencontre des problèmes, il les dissimule derrière un rire quasi constant. C'est un positif. Les gens le ressentent. Si au premier abord ils le trouvent plutôt repoussant, en général, après quelques instants, il exerce une sorte de magnétisme sur eux et ont rapidement envie de devenir son ami. Il y a des personnes qui attirent par leur beauté. Ludo, lui, attire par son comportement décalé, ses réflexions parfois très surprenantes. On veut devenir son ami pour entrer dans son univers, se marrer, chasser parfois ses propres idées noires. Pas la peine de prendre d'antidépresseur. Il suffit de l'observer et on est immédiatement gagné par la bonne humeur.

Il va chez le dentiste pour se faire soigner une dent, le dentiste qu'il ne connaissait pas la veille, l'invite l'après-midi même à aller faire du bateau. Il va acheter des clopes deux ou trois fois au même endroit et le buraliste l'invite à dîner à la maison !

Son physique est une insulte à tous les canons de beauté. Pourtant, il parvient à faire succomber de très belles femmes que toi, avec un physique avantageux, n'oserais même pas aborder. Ce mec-là, je te jure, c'est un véritable mystère !

Il sort enfin de la salle de bains et enfile ses vêtements. Considérant sa morphologie, je suppose qu'il s'habille aux Galeries Lafayette, au rayon garçonnet.
L'asticot :
- " Tu m'en sers un s'il te plait ? Et pas une dose de pédé !!! Ce soir j'ai envie de me taper une viet.
Il retourne dans la salle de bains pour s'admirer une dernière fois dans le miroir et ajuste un de ses cheveux rebelle.
Avant, nous avions Alain Delon. Avec Ludo, ce serait plutôt Alain mais de loin !!!
- " Bon, on dérape, sac à vin ? Elles t'attendent toutes à " La BODEGA " !
- " Hi, hi, hi....."
En moins de temps qu'il n'en faut à un soldat pour se déguiser en militaire, il vide son godet.

- " Allez, enculé, on y va "!
Bâtard, enculé, enfoiré et autres sont en quelque sorte une forme de ponctuation chez Ludo. Quelqu'un d'autre t'appellerait comme ça, tu lui casserais les dents mais avec Ludo, ça passe naturellement. Ca surprend au début qu'on le connaît mais on finit par s'y faire : c'est Ludo, quoi !
La boîte de nuit est située à une dizaine de minutes de marche de l'hôtel. Nous mettons presque le double de temps à cause de la démarche en zig zag de mon compère et de son besoin de vidanger une vessie mise à mal par Johnny Walker.

Arrivés à la BODEGA, nous nous frayons un chemin jusqu'au comptoir et commandons nos consommations.
Comme tous les week-ends, la boîte de nuit est noire de monde (surtout que nous sommes en NOUVELLE CALEDONIE et que les autochtones ont plutôt la peau burinée). Il fait très chaud et les filles sont très légèrement vêtues. Lorsque tu arrives de Métropole, faut faire gaffe aux torticolis consécutifs aux coups de périscope qui partent dans tous les sens !
Ludo les passe toutes en revue et ne tient plus en place. Son genre de femmes ? Celles qui veulent baiser !
-" Mon Janot, ce soir faut que je fasse cracher Popaul" !
-" Tu as vu qu'il n'y a que des gamines ? Tu crois qu'à leur âge, dix huit-vingt cinq ans elles vont s'intéresser à des vieux cons comme nous" ?
- " T'inquiète je leur apprendrai " !
Ce mec m'impressionne: il a un moral en béton et ne doute de rien, surtout pas de lui !
- " Attends- moi ici, je vais faire des repérages".
Le voilà qui s'éloigne, un verre à la main, le radar en action. Il les passe toutes au scanner et anticipe tout ce qu'il pourrait leur faire dans la position horizontale voire verticale. Il parcourt près de vingt cinq kilomètres, le cerveau à la fois embrumé par le whisky et par des pensées salaces. De temps en temps il passe devant moi pour me demander si je prends un autre verre, pour s'en faire servir un autre et pour me dire qu'il est au Paradis de la chatte !

A un moment il vient me rejoindre, sans doute parce que deux minettes tournent autour de moi. Il renifle le whisky à plein nez et les regarde goulûment comme un enfant le ferait devant un gros gâteau à la crème : heureusement qu'elles ne peuvent pas lire ses pensées car elles se déguiseraient illico en courant d'air.

Le deejay diffuse sa musique à fond la caisse. Musclor, pensant les impressionner leur hurle dans les esgourdes :

- "Salut, moi c'est Ludo. Je suis expert en achats et logistique et j'habite au HILTON " !

Les deux filles le regardent ayant le même effet que si il leur avait dit que Dieu les bénisse.

L'une d'elles, la moins moche lui répond :

- " Moi, c'est Nathalie et elle, désignant sa copine, c'est Julie ".

Le rouillé prend sa réponse pour une invitation, s'empresse de leur faire une bise appuyée et leur crie dans les tympans pour leur proposer un verre.

A son tour, Nathalie lui répond élégamment :

-" Non merci, c'est gentil mais j'ai déjà pris deux vodkas Redbull et si j'en prends une troisième, je vais avoir l'impression d'avoir une pile dans le cul" !

- " Une bite dans le cul " !

- " Non ! Une pile dans le cul "!

SCHWARZY, déçu :

- " J'avais mal compris avec la musique " ! Tu fais quoi dans la vie " ?

- " Je suis masseuse dans un grand hôtel " !

Il la regarde intensément, imaginant des massages très localisés :

- " Et tu fais quoi comme massages ? Parce que tu sais, je joue beaucoup au tennis et à force de faire des déplacements rapides, j'ai des douleurs au niveau des adducteurs, surtout dans la partie haute.

La fille décelant le genre de massage souhaité par le pervers alcoolisé et apparemment pas intéressée par la braguette de pénis (je rectifie : la raquette de tennis) lui laisse finalement un faux numéro de téléphone, lui demandant de la recontacter pour un prochain rendez-vous et décide de partir.

De mon côté, après avoir esquissé quelques pas de danse, histoire de me dégourdir les pinceaux et de montrer à la gent féminine la sensualité torride qui se dég​age de mon corps, je décide de rentrer à l'hôtel pour aller faire dormir les yeux.

Ludo, lui, ne tient pas à en rester là :

- « Hors de question que je dorme ce soir sur la béquille. Je vais rester jusqu'à la fermeture et faire les soldes. A la fin, il ne reste plus que les mochetés, celles que les autres mecs n'ont pas voulues. Elles ont tellement faim, elles aussi, qu'il n'est pas nécessaire de leur sortir le grand jeu ; elles te tombent de suite dans les bras et en plus, ce sont les plus cochonnes puisqu'elles essaient de compenser avec leur physique ".

Il renifle un grand coup et envoie un énorme glaviot à côté de mes chaussures.

- " Putain, t'es dégueulasse; Fais gaffe, ce sont des BERLUTI " !

- " Pour moi, il n'y a pas mieux que les MOILDAR ou les MOILNEU : les pompes MOILDAR ou les pompes MOILNEU, hi, hi, hi, hi " !

Je le laisse sur ce trait d'humour irrésistible et vais me pieuter.

En me glissant sous les draps de mon lit immense, j'ai une pensée pour ma femme et pour mes fils que j'ai laissés à plus de vingt deux milles kilomètres d'ici, il y a plus de quatre mois, pour raisons professionnelles.

A suivre !

Mon livre " Guère épais " sera disponible fin avril 2016 ( Editions du Désir )

Mon autre livre " COLLANTS TATA à KOH LANTA", une parodie de la célèbre émission télé,

sera, lui, disponible fin mai/début juin 2016

Retrouvez-moi sur ma page FACEBOOK :

https://www.facebook.com/profile.php?id=100007119015012&sk=info


Guère épaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant