V. La promenade en centre-ville

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J'avais d'abord décidé de faire un tour à pied dans le village, j'avais grandi dans un village à côté mais passait mon temps ici sur la place avec des amis d'école, de nombreux endroits m'étaient de nouveau familier. L'école dans laquelle j'avais été scolarisée était toujours aussi petite, elle donnait toujours sur la place, où, auparavant, se trouvait un immense arbre dont il ne restait maintenant qu'un pauvre morceau de tronc découpé et gravé par les enfants du village. La vitrine de la bibliothèque était toujours présente, mais n'était plus aussi remplie qu'avant et en y prêtant un tout petit peu plus attention, j'observais qu'elle était à vendre. Les barreaux entourant la mairie qui avait l'habitude d'être vert étaient rouillés et troués. Tout était encore là, cependant, rien n'était comme avant. Je m'arrêtais de nouveau devant le portail de ma tante avant de rentrer pour récupérer mes affaires et repartir chez moi. Mon absence ne se remarquait pas de toute façon, alors pourquoi rester et faire la plante? A mon départ, les adultes parlaient entre eux et ce n'est que lorsque je sortis de la chambre avec mon sac qu'un cousin éloigné me fit une remarque.

-Tu t'en vas déjà ? On n'est pas assez bien pour toi ?

Sur le moment, je n'ai pas compris pourquoi il me disait ça, et c'est alors que je le fixais lui et ma famille, qui me prêtait soudainement attention, que je compris, j'étais la seule à avoir quitté ce village, j'étais la seule à avoir eu le courage de quitter cette vie dont je ne voulais pas avant d'y être coincée avec des enfants, mariée et malheureuse. J'étais la seule de la famille, de notre entourage, à l'avoir fait. C'était ça qu'il me reprochait.

-C'est vrai, tu n'as rien mangé, tu es arrivée comme une fleur en retard et tu as quand même trouvé le moyen de te changer pour être encore plus chic et nous rappeler que tu n'étais plus du même monde que nous.

-Vous avez prévu de me faire une sorte de dernier jugement avant mon départ? Encore une fois? Demandais-je me rappelant la veille de mon départ pour la ville d'il y a quelques années.

-Depuis le moment où tu es partie tu n'as pas donné de nouvelles, à aucun d'entre nous,et là tu arrives pour les fêtes et tu t'attends à ce qu'on soit content de te revoir?

-Je ne m'attendais pas à ce que vous soyez tous content de me revoir, mais j'espérais au moins être considérée comme une adulte, la table des enfants? A presque trente ans ? Pour constater qu'on ne se souvient même pas de mon prénom? Sérieusement? Et puis, elles sont où toutes les décorations promises? Aucun de vous n'a même voulu faire plaisir aux enfants en se déguisant ! Et puis on en parle des enfants? Je ne suis pas babysitter, je ne les connais même pas, ou très peu, aucun de vous n'a réagit quand ils ont jeté de la nourriture, quand ils ont renversé des verres sur moi, non, à ce moment-là, vous étiez tous absorbés par la télé! Ce n'est pas ça le rôle des parents, vous êtes censé les surveiller !

-Le rôle parental? Parce que tu sais ce que c'est que le rôle de parent? Tu n'as pas d'enfants et la seule personne qui a voulu passer sa vie avec toi, tu l'as laissé derrière en partant en ville. Avant de juger Elisa, tu ferais mieux de revoir ta vie, nous n'avons absolument rien à t'envier.

-Vous avez tous rêver à un moment de partir d'ici mais aucun de vous n'a eu le courage de le faire, moi si, j'ai refusé de me condamner ici à cette vie ennuyeuse pour vivre la vie que je voulais, aucun de vous n'a eu assez de cran pour le faire.

-Je te le répète Elisa, nous n'avons rien à t'envier. On a vécu les derniers instants des personnes qui nous étaient chères plutôt que de nous pavaner en tailleur à apporter des cafés au bureau, trop occupés pour prendre les appels de notre famille.

Cette remarque a été celle en trop pour moi. J'ai pris la décision de partir en claquant la porte. Heureusement pour moi, ma voiture a démarré et j'ai pu partir. Évoquer la mort de ma grand-mère pour me faire culpabiliser d'avoir réalisé mes rêves comme elle me l'avait demandé était injuste. Certes, je n'avais pas été présente pendant ces derniers jours, mais je l'avais appelée à de multiples reprises et elle comprenait, elle avait vécu la même vie que moi et savait que je ne pouvais pas m'absenter.

Ce noël était, bien que je déteste noël depuis plusieurs années, le pire des noëls que j'ai vécu, et dorénavant, aucun d'entre eux ne pourrait être pire.

Je roulais et fut prise d'un étourdissement à un moment, certainement dû à mon manque d'apports nutritifs. Je m'arrêtais dans une ville non loin de là où j'étais tombée en panne un peu plus tôt.

La ville était joliment décorée, les lampadaires étaient entourés de guirlandes lumineuses, des flocons de neige flottaient au-dessus de moi sur la voie piétonne et les boutiques étaient toutes décorées sans exception. J'avais comme l'impression d'être dans un de ces films de Noël, je voyais enfin les décorations promises. Alors que j'étais à la fois émerveillée et dégoutée par ce noël, je m'arrêtais devant un petit restaurant qui était étonnement encore ouvert. 

Un Signe De NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant