Pêchés capitaux - 2/7
Mes paupières se fermèrent, lentement. La journée pesait sur elles et je n'avais plus la force de les garder ouvertes. Fatigué. C'était le mot. Il tournait dans ma tête, comme pour soutenir le fait que j'en avais assez de tout ce cirque. Je me tuais à la tâche depuis longtemps et pourtant, je ne voyais aucun fruit mûrir. Ce n'était pas faute d'y avoir mis du cœur, de l'énergie et du temps ! Alors, quoi ? Pourquoi n'y avait-il aucune amélioration ? Je me sentis doucement basculer, jusqu'à sentir le matelas froid dans mon dos. Mes membres étaient de plomb et je ne parvenais plus à me remémorer de quoi était composé ma journée de demain. Non. Après le mot « Fatigue », j'avais « 6:30 », l'heure de réveil. C'était la seule chose qui importait sur le moment. Tout était là pour me laisser avoir ce repos mérité. Pas un bruit de l'extérieur de la part de mes voisins ou de petits fous du volant, pas de lumière allumée, pas de moustique ou de mouche pour venir me déranger, rien. Les yeux fermés, paisible, attendant encore. Mais le sommeil n'était pas au rendez-vous.
C'était quand même un monde ! Je pouvais entendre les aiguilles de l'horloge faire filer le temps, me donnant conscience que mon cycle de paix se réduisait sous mon nez. Mon calme me quitta pour laisser place à la frustration et à la colère.
Qu'importe ce que j'allais faire durant cette future journée, ce ne sera pas dans les normes demandés. Il y aura toujours quelque chose qui n'ira pas, quelqu'un pour se plaindre et une énième personne pour nous rabâcher nos soi-disant erreurs. Alors que tout aura été fait dans les temps et dans les règles. Mais les caprices sont toujours là. Que cela vienne des clients ou des supérieurs, et même de notre entourage. On était là, comme des cons, se crevant à donner le meilleur de nous pour n'avoir en retour que du négatif. Mais c'était normal, j'étais jeune, je devais faire plus, je devais faire mieux, je devais faire cela comme si, comme ça, je devais savoir cela en avance, être médium. Mais même en étant médium, ça n'irait pas. Il y aura toujours quelque chose ! Au final, la motivation s'en va, suivit de près par la bonne foi. On bâche le reste parce qu'on est épuisé et on se tire avant que quelqu'un ne le remarque.
Trop souvent, j'ai dû écouter le discoure de vieilles faces me dire «on arrive toujours à percer quand on étudie et qu'on fait bien son travail. Faut positiver ! » Peut-être que de leur époque, il pouvait se contenter de ça, que le monde était moins con et moins exigeant, mais ce discoure n'était plus valable à présent. Tout comme ces travailleurs expirés. On ne se contentait plus du travail rendu, de sa qualité, non, après tout, c'était normal, c'était ce qu'on attend de nous de base. Pas de quoi en être fier. Non, ce qu'il faut, c'est léché des bottes. Énormément de bottes, jusqu'à ne plus sentir sa langue. Voilà comment on perçait de nos jours. Je n'étais pas fait pour ça, je dirais même que j'avais en horreur ces jolis cœurs qui ne cessaient de jouer les hypocrites.
Je n'en ai plus l'envie, ni la force.
Parti avec plein de volonté, je me retrouve à bout de nerfs et sans plus aucune énergie. Que fais-je encore ici ? A faire ce travail qui me fait tant de mal ? Payer mes factures... ? Acheter ma vie. Ce qui était ironique, c'était qu'on douillait deux fois pour le simple fait d'exister. D'un côté de son porte-monnaie. Et de l'autre, me demanderez-vous ? Tout simple. En s'accrochant à un boulot occupant plus de la moitié de notre temps.
Vivre pour travailler, travailler pour payer, payer pour vivre.
Nos aïeux avaient la vie dure à cause de la guerre. Nous, nous avions la vie dure, car les attentes sont trop hautes. On nous mangeait tout cru pour nous rejeter sans remords, cherchant à nous faire culpabiliser sur notre inaptitude à tenir la cadence. Les burn out et autres problèmes de santé causés par le stress ? Voyons, ce n'est que dans les livres, ou des croyances de fainéants! J'avais tout de même conscience qu'il y avait pire que moi. Je n'osais imaginer à vrai dire combien ils devaient en avoir assez. Mais même si je n'ai pas fait autant qu'eux... je voulais rompre ce sinistre cercle.
Mon souffle se mit à se réguler et mon cœur cessa enfin de battre contre cette triste existence. Étais-je enfin enclin à m'endormir? A savoir combien de temps il me restait avant que l'alarme ne me tire hors de mes prochains songes. Veux-tu réellement y retourner ? Voir ces clowns rirent pour bien paraître ? Subir ces incessants téléphones malhonnêtes ? Se faire porter pale était tellement plus simple... tant pis si je passe pour un paresseux aux yeux de la société et du reste. Ils me dénigreront, mais au fond, je sais qu'ils me comprendront. Car eux-mêmes supportent ce même tourment et on se désire de le quitter.
Le rythme de l'engrenage ne me fera plus angoisser.

VOUS LISEZ
You're guilty
Historia CortaSept nouvelles relatant les péchés capitaux. Êtes-vous tout aussi coupable?