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Noah

Lorsque j'avais rejoint finalement Gauthier, il attendait, les yeux rivés sur la pointe de ses chaussures, le regard d'un enfant de quatre ans détonnant avec sa carrure imposante. Quand il m'aperçut, il se redressa et s'approcha, gêné. Il hésitait à m'embrasser ou à ne rien faire.

Sans trop savoir pourquoi, je me bousculai dans ses bras. Il m'entoura avec tendresse, comme pour me protéger. Et pourtant, je n'avais jamais été si fragile. Il resserra son étreinte.

- Ne pars pas, ne me file pas entre les doigts de nouveau... Murmurra t il dans un soupir.

- C'est toi. Gauthier, c'est toi qui a reculé.

- Mais c'est impossible. Je suis prof !

- Mais... Ça ne doit rien changer. Je veux être avec toi.

- Je n'aurais pas dut me lancer là dedans. Est ce que tu comprends ?

Cette phrase me fit un choc. C'était clair, il aurait voulu qu'il ne se passe jamais rien entre nous.
D'un hochement de tête, je répondis.

- Mais aujourd'hui je me rends compte que je ne peux pas reculer. Je suis attaché et je ne VEUX pas reculer... Reprit il.

Il avait déposé un baiser sur mes lèvres. Pas comme la première fois où c'était très intense. Non, ce baiser était doux, comme une caresse. Mais cela sonnait comme un adieu.

La semaine s'était achevée. Je ne savais pas trop ce qu'il y avait entre Gauthier et moi. Pas une romance, mais plus fort qu'une amitié. Je pensais sans cesse à lui, cherchant son visage dans les foules du lycée. On ne s'était pas reparlé depuis qu'il m'avait embrassée.

Je m'étais peu à peu intégrée dans la quantité d'étudiants, passant le plus clair de mes journées à travailler et à jouer au piano. J'avais rappelé Enora, la serveuse du bar. On avait discuté de nouveau ensemble et, finalement, je me sentais bien en sa compagnie.

Elle ne ressemblait pas à mes autres amies. J'étais différente avec elle. Je lui parlait de Gauthier, elle me parlait de son ex, Nico.

Elle m'avait présenté son petit frère, Samuel. Il avait mon age mais paraissait en avoir bien moins avec son visage rond et son énergie débordante. Tout le mode l'appelait Beep, en rappel au klaxon, parceque Samuel était un piètre conducteur, qui se faisait klaxonner sans arrêt. Ce surnom me fit rire.

Je passais de plus en plus de temps avec Enora, Beep et leurs amis, délaissant un peu mes copains de toujours.

J'attendais des nouvelles de Gauthier car j'étais bornée à ne pas envoyer de message la première. Plusieurs fois, javais hésité. J'étais allée jusqu'à ecrire le message et j'avais failli lenvoyer. Mais c'était impossible. Je ne voulais plus faire d'efforts pour lui.

Solène

Ce fut les pires jours de mon existence. Dans le silence de ma solitude et de ma tristesse, j'avais revécu ces milliards de délires avec Mel, et ces nombreux baisers échangés avec Dorian.

J'avais pleuré, tout le temps. Je ne mangeais plus et ne sortais pas de ma chambre.
On avait organisé les funerailles de Dorian. Je n'avais pas pu y aller. La robe noire en dentelle, repassée à la perfection, m'attendait toujours dans le placard, même deux jours après l'enterrement. Je l'avais portée, mais je n'étais pas sortie de chez moi.

Je ne voulais pas devenir "la copine du mec qui est mort". Je ne voulais désormais plus rien. J'allais devoir retourner en cours. Je prévoyais déjà les réactions. J'entendais déjà les "la pauvre !" et les "cest horrible". Je m'attendais à du soutien. Je n'en avais pas besoin, je ne voulais pas de la compassion des autres. Pour cela, j'aurais la psy. Je voulais simplement devenir invisible, m'effacer, me faufiler sous terre.

Je voulais des amis. Ceux qui te font oublier les tracas qui dérangent le quotidien. Je voulais oublier le quotidien. Je n'étais pas allée voir Mel à l'hopital : la savoir entre la vie et la mort me torturait.

Je tenais toujours auprès de moi, le bijou qui lui était destiné. Je n'avais pourtant pas eu le courage de parler à sa mère et son frère. Ce serait trop dur de lui rendre visite et de la voir dans cet état. Je ne me voyais pas parler au corps inconscient de meilleure amie. Elle ne voulait pas de cela. Pas de pleurs sur son lit ou de "Mel, ne m'abandonne pas.." Elle aurait voulu qu'on continue à vivre, à vivre pour elle. A vivre en sa mémoire, pour lui donner la force de ne pas abandonner. Pour qu'elle aussi revienne à la vie, il fallait que nous ne délaissions pas la notre.

Le premier jour de ma rentrée arrriva trop vite. Je ne voulais plus sourire. J'avais changé mes jupes et mes escarpins pour une paire de New Balance, un jeans gris et un sweat bien trop grand, de ceux qu'on emprunte à son frère ou son copain.

Le lundi où je repris le lycée, le ciel gris et lourd annonçait la tristesse de ce jour, comme des précédents. Le brouillard pesant reflétait mon tourment. Je passai le portail massif sous les regards interrogateurs de nombreux élèves. Je traversai l'entrelacs de couloirs pour rejoindre mon casier. En l'ouvrant, je découvris un paquet. Emballé dans un papier doré, il m'attendait. Je dechirai machinalement l'emballage pour trouver un carnet violet.

Des notes de musiques, dessinées à l'encre argentée, s'entremêlaient poétiquement. Le coin de la couverture était un peu corné par le temps probablement. Sur la tranche, un petit "M" était gravé, presque invisible. A la première page du journal, celui de Mel, était glissée une enveloppe bleue. J'en sortis une lettre. Mes mains tremblaient et ma gorge se serrait toujours plus, menaçant de m'étouffer. Dès les premiers mots, je courus en direction des toilettes, retenant avec peine mes larmes. L'endroit était rempli d'adolescentes. Lorsqu'une fille sortit enfin des toilettes, je me précipitai à l'intérieur, bousculant une foule de lycéennes impatientes. Je tournai le verrou avant de m'effondrer sur le carrelage glacé, la lettre et le journal toujours dans les mains.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 18, 2016 ⏰

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