Chapitre 1: Le retour de l'automne

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C'est con comme une chanson peux te faire perdre tous tes moyens, ou pire encore, te faire rappeler un tas de souvenirs, des bons comme des mauvais. Mais c'est encore plus con comment une saison peut te bouleverser.

L'hiver évoque le chagrin, la peine, tandis que le printemps équivaut à la renaissance, le renouveau, quant à l'été pour moi il représente le bonheur absolu. Mais que dire de l'automne? Aucun mots ne me viennent. Serait-ce une une saison pour annoncer l'arrivée de l'hiver? L'année dernière j'aurais dit la peine mais tout en sachant que cette peine s'en ira avec le retour du printemps. Mais aujourd'hui... Tant de choses ont changé depuis.

Tu remarqueras que j'ai écrit "le retour du printemps", quelle expression bizarre, on ne dit pas "le retour de l'automne". Pourquoi d'ailleurs? Parce que l'on sait d'avance que l'on va souffrir? Alors à quoi bon encore vivre me diras-tu? Je me le demande encore.

Certains décident de mettre les voiles, de s'envoler vers les étoiles, afin de ne pas voir l'automne à nouveau. Mais je sais qu'ils auraient aimé être là au printemps, voir le retour des hirondelles, et toutes ces choses si belles. Alors j'en viens à me poser cette question, la peine que nous inflige l'automne, est elle plus importante que le bonheur que nous annonce le printemps? Est-elle plus lourde? Certainement...

Perdre un être cher est douloureux, je l'apprends à personne, c'est comme si une partie de soi s'en allait pour toujours. Mais quand cela se passe dans des conditions où au fond on aurait pu faire mieux, où on aurait dû faire mieux. Quoi? Je ne sais pas, mais j'ai la conviction que l'on n'en fais jamais assez pour ceux que l'on aime.

On devrait simplement leur dire sans cesse qu'ils sont ce que l'on a de meilleur en nous, mais ils prendraient ça pour de l'hypocrisie sans doutes. Peut-être aurais-je dû voir que tu n'allais pas bien et te prendre les clefs de voiture, ou encore mieux te laisser mon lit et prendre le vieux canapé de mes parents, ou tout simplement te dire que je t'aime et que te perdre n'était pas envisageable. En fait voilà tout ce que j'aurais dû faire et que je n'ai pas pu, car j'ai manqué de courage, et que je n'ai pas osé. Si on résume bien, j'ai eu la trouille de te sauver la vie.

Alors me voilà à errer dans ce cimetière, où tu resteras à jamais, tandis que la pluie poursuit son chemin entre les plis de mon manteau. Je m'apprête à quitter ce sinistre lieu une bonne fois pour toute, je jette un dernier regard en direction de ta nouvelle maison, et je sors mon iPod. C'est à la fois une délivrance mais aussi un supplice, car la chanson qui résonne dans ma tête, se nomme A la faveur de l'automne du chanteur Tété. A ce moment là tout ressurgit, les bons comme les mauvais souvenirs, notre rencontre, nos rires, nos larmes. C'est con comme une chanson peut te faire perdre tous tes moyens... 

                                                                                             *

13 mois plus tôt...

05 Septembre. Jour de rentrée scolaire. Je m'appelle Valentin, que l'on surnomme Valou le plus souvent, et j'ai 17 ans. Je rentre en Terminale L. En général les gens pensent que les littéraires sont des fainéants, car ils n'ont pas fait S. Et dire que ces mêmes personnes ont un BAC Scientifique, et n'ont alors aucun raisonnement. J'ai choisi cette voie là car c'est celle qui me correspond, en tant que citoyens on devrait toujours faire ce qui nous ressemble, sans se demander ce que l'autre fait ou pense.

Il est 08H30 quand j'arrive au lycée Voltaire, je retrouve mes amis après deux mois de conversation par sms ou Skype. Oui je ne les ai pas vu des vacances car je suis parti deux mois aux States comme disent les jeunes. Mon père et ma mère ont tous deux un poste très important dans une grande entreprise internationale, ce qui fait que l'on a régulièrement la chance de pouvoir voyager

Donc, je retrouve mes amis, on discute de tout et n'importe quoi, puis on se dirige vers le préaux où se trouvent les panneaux sur lesquels sont affichées les répartitions des différentes classes. Et sans surprise, la liste est exactement identique à l'an passé, à l'exception d'un nom rajouté vulgairement à la main en bas de la feuille, Lucie Jade.

Tout le monde semble satisfait, tout le monde se connaît, et tous mes camarades, moi y compris, cherchons du regard cette nouvelle élève. Mais en vain. En effet, nous ne voyons personne qui pourrait être cette mystérieuse jeune fille. Alors notre professeur principal, Monsieur Vincent, qui enseigne la philo, un homme grand et mince au regard perçant et qui fait plus jeune que son âge, nous emmène à notre salle, afin de débuter cette rentrée.

J'arrive dans cette pièce, sombre bien qu'il n'y ait pas un seul rideau et que le soleil brille de tout son éclat à l'extérieur, et je m'assied au niveau du cinquième rang de la salle, dans la colonne du milieu. Ce qui correspond à la place idéale car si l'on en croit un psychologue dont j'ai lu le dernier livre cet été, un cancre se mettra toujours au fond car il aura l'impression que le professeur ne le voit pas, et un élève hypocrite se mettra au premier rang pour tenter de lire les fiches maladroitement laissées en désordre su le bureau par l'enseignant. Autant vous dire que je n'y crois pas beaucoup, mais bon s'il le dit c'est qu'il y a une raison, non?

Justine, ma meilleure amie, s'installe à côté de moi laissant ainsi pendant quelques heures son nouveau petit-ami, Maxime, qu'elle trouve lourd. Il faut dire que cette fille est géniale, libre comme l'air, un peu rebelle sur les bords et surtout très jolie. Mais ce qui est encore plus surprenant c'est que son physique, elle s'en fout mais alors royalement. Elle ne se maquille que lors des grandes occasions, c'est à dire rarement. Justine je la connais depuis la maternelle et, croyez le ou non, nous avons toujours, sans exception, été dans la même classe. C'est dingue, non?

Elle me demande pour la énième fois de lui raconter les States, et je lui réponds pour la millième fois au moins à quel point c'était génial. Elle boit mes paroles tout en me regardant avec ses grands yeux rêveurs, puis elle se met à sortir ses affaires comme si l'on allait assister à un cours, et me dit:

- Hé Valou! Tu as vu le nom de l'élève, rajouté au stylo sur la liste? Elle est où?

- Oui j'ai remarqué, je pense qu'elle ne doit pas encore être arrivé.

- Certainement, me répond-elle.

Monsieur Vincent fait l'appel, mais ne prononce pas le nom de cette mystérieuse élève, il se met enfin assis et attends. Il ne prononce pas un mot, personne n'ose interrompre le silence, sauf Justine qui ne peut s'empêcher de lever la main:

- Oui Mademoiselle Clairefontaine?

- Monsieur, qu'attendons nous au juste? le questionne-t-elle.

- On attend, lui répond-t-il tout à fait l'air serein.

A cet instant, avec Justine, on se regarde et l'on se dit que l'année de Philo commence bien avec un prof pareil. Soudain, on frappe à la porte, c'est le proviseur du lycée. A son entrée, chacun de nous se lève, puis se rassoit une fois que le grand personnage nous ait donné son aval. Mais il n'est pas seul. Une jeune fille de notre âge l'accompagne. Je comprends immédiatement de qui il s'agit:

- Jeunes gens! s'exclame Monsieur Barbier, je vous présente une nouvelle élève dans notre prestigieux établissement. Elle se nomme Lucie Jade, et elle est sourde. Par ailleurs elle ne s'exprime pas oralement, mais exclusivement par écrit ou Langue des Signes. Je vous demanderai la plus grande compréhension, ainsi que la plus grande tolérance de votre part. J'ai bon espoir que vous l'accueillerez comme il se doit, aussi je demanderai qu'un élève lui photocopie ses cours et les lui donne. Sur ce passez une excellente journée et une bonne année de BAC.

Il fait un signe de la main à notre nouvelle camarade pour lui indiquer d'aller s'asseoir puis se retire. J'observe les différentes réactions et tout le monde semble indifférent. Même Justine me fait la blague la plus nulle du monde:

- On devrait bien s'entendre!

Je ris à contrecoeur et je regarde Lucie prendre place, et croyez-le ou non, on aurait pu penser qu'elle se mettrait devant afin de mieux comprendre, ou encore au fond de la salle parce qu'elle sait que de toute façon elle n'entendra rien, mais non, rien de tout ça, elle choisit tout simplement le cinquième rang, colonne de la fenêtre, juste à coté de moi. Quoique, nous sommes séparés par l'allée.

A la faveur de personneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant