Chapitre 4: Le dernier cours

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14H00. Les fauves sont de retour dans leur enclos, après deux mois d'errance. Le premier et dernier cours de la journée va enfin commencer, installez-vous confortablement.

Justine s'installe avec Maxime au sixième rang, Elsa avec Clément au quatrième, et Lucie avec moi au cinquième. Un élève du fond de la salle, passe devant ma voisine, et fait selon lui malencontreusement tomber sa trousse. C'est Baptiste, un pote à Maxime. C'est aussi, par définition, un crétin.

- Qu'est ce qui te prends? je lui dis.

- Elle peut pas parler, donc j'en profites, me répond-t-il, ce qui fait bien rire Maxime.

- Espèce d'idiot, en me levant de ma chaise pour en découdre.

Mais le problème est que Baptiste fait du rugby et moi de la musique, c'est comme si une fourmi se battait contre un éléphant. C'est à ce moment que Monsieur Ashour, notre prof de maths, fait son entrée dans la pièce, et que je me rassied tandis que la brute va s'installer comme à l'accoutumée au fond de la classe afin d'échapper à l'heure de colle dès le premier jour.

- Bonjour à tous, je vous éviterai le discours ennuyeux sur votre BAC, car je suppose que l'on vous en a parlé ce matin. On m'a également mis au courant d'une nouvelle élève, sourde et muette...

Justine lève la main comme à son habitude:

- Monsieur?

- Oui Mademoiselle Clairefontaine?

- Elle n'est pas muette, elle parle en Langue des Signes mais parle.

Je me retourne et lui adresse un sourire.

- Excellente remarque, mais à l'avenir évitez de m'interrompre, d'accord?

Ma meilleure amie hoche la tète, et le professeur reprend

- ... où est-t-elle?

Evidemment personne ne répond:

- Ici Monsieur, à côté de moi, lui dis-je.

- Bien, à côté d'un bon élève, je compte sur vous pour lui expliquer les cours, et les lui photocopier. Bien, ce détail maintenant réglé, commençons!

J'écris sur le bloc-note quasiment mot pour mot les consignes que m'a donné Monsieur Ashour pour Lucie. Elle acquiesce. La suite de l'heure se passe sans aucun incident. Baptiste s'est endormi, ce qui n'a pas perturbé notre enseignant.

                                                                                                     *

A la sortie, on se retrouve à la grille tous les cinq. On discute et je comprends que Lucie ne peut pas participer à nos conversations, ni même débattre. Elle tient le bloc-note dans sa main droite, je le lui arrache, ce qui provoque chez elle un certain étonnement. J'écris ces mots: Je suis content de te rencontrer, Lucie. C'est bête, je sais mais il se passe la réaction que j'espérais. Elle sourit, mais je sens que ce sourire m'est adressé à moi et à personne d'autre, et elle me montre la traduction des mots que j'ai écrit. Alors je répète, bêtement faut bien l'avouer, et elle me répond à son tour qu'elle aussi.

Clément brise ce moment silencieux, et me demande:

- Tu as des nouvelles chansons à proposer?

- Quelques une en effet.

- On se fait une répèt' ce soir? propose-t-il.

- Pourquoi pas. Tu viens Justine?

Il faut savoir qu'Elsa joue de la basse avec Les Têtes Brûlées. C'est.... comment dire.... enrichissant d'avoir une fille dans le groupe. Ca amène un certain équilibre. Par ailleurs, Justine assiste quasiment à toutes nos répétitions et concerts.

- Evidemment, me répond l'intéressée.

- Cool, leur dis-je, on se retrouve tout à l'heure. Clem, tu préviens Gab.

Gab, qui en réalité se nomme Jean-Charles, est notre batteur. Ne me demandez pas pourquoi il ne veut pas qu'on l'appelle par son véritable prénom.

Clément acquiesce et avec sa soeur et Justine, il s'en va pour prendre le bus. Je reste là avec Lucie, j'attends que ma mère arrive pour pouvoir conduire, je suis en conduite accompagnée. Ma nouvelle amie me demande, toujours par écrit, pourquoi je ne rentre pas chez moi, et bien évidemment je lui explique. Mais elle? Qu'attend-elle? Je n'ose pas le lui demander, non pas qu'elle me terrifie, mais parce que cela ne se fait pas. Malheureusement ma curiosité l'emporte. Je lui poses cette question et elle me répond qu'elle dort dans une école qui fait également internat et qui est exclusivement réservée aux sourds, et que son éducateur va venir la chercher en voiture.

En parlant de voiture, voici une belle berline qui arrive au loin. C'est mon chauffeur qui arrive ou plutôt ma passagère.

- Je dois y aller, à demain, que je griffonne sur le bloc-note devenu culte.

-D'accord.

Elle écrit quelque chose en plus que je ne peux voir, puis arrache la feuille et me la donne. Puis sans la regarder je la plie en quatre et la glisse dans ma poche.

Je me dirige vers la voiture, ma mère sort afin de me laisser sa place. Elle m'embrasse me demande comme toujours si ça va, et je m'installe. Je regarde enfin cette feuille, dans le coin à gauche est inscrit un numéro de téléphone. SON numéro de téléphone. Je m'empresse alors de lui envoyer un sms:

- J'aurais dû dire à tout à l'heure.

A la faveur de personneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant