Tomber dans le vide...

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L’agresseur, trainant sa victime sur le sol humide, s’arrêta pour retrouver sa route. Après avoir décidé du chemin à prendre, il tourna à sa droite, tandis que son fardeau poussa un cri déchirant lorsqu’il sentit l’un des rochers lui entailler la peau. La douleur fut rapidement remplacée par celle qui se percutait dans chacun de ses membres, suite au coup reçu.
— Vas-tu te taire, salle chienne !
L’homme porta de nouveau son genou contre le corps recroquevillé, n’ayant aucune pitié dans le regard quand son membre atteignît sa destination finale. Il lâcha les cheveux de sa victime pour contempler le spectacle qui s’offrait à ses yeux : des corps éparpillés un peu partout sur le sol, des maisons brulées et qui faisaient monter des flammes de plus en plus hautes dans le ciel nocturne. Tout ça accompagnait des cris d’agonie qui s’en échappaient de ces prisons où les habitants se consumaient doucement, en même temps qu’ils voyaient les derniers instants de leur vie défiler devant leurs yeux.

Un sourire sadique se dessina sur ses lèvres quand il s’imagina dans quelles souffrances tous ces imbéciles brulaient. Portant son regard sur l’une des survivantes de ce massacre, son sourire ne fit que s’agrandir. Parmi des dizaines de filles, qu’il avait eu à sa disposition, c’était celle-ci qu’il avait préféré. La jeune fille en question, qui ne devait pas dépasser la dix-septième année de sa vie, se tenait le ventre de ses deux mains tandis que des larmes ruisselaient sur ses joues couvertes de terre. Il ne fit attendrit pas pour autant mais ça ne fit qu’aider à refaire surface à cette colère qui s’était emparée de lui un peu plus tôt.
— Arrête ces pleurnicheries et apporte-moi de l’eau !
Voyant qu’elle ne semblait pas vouloir s’exécuter, l’homme projeta son pied dans le premier cadavre qui se trouvait à proximité.
— Si tu ne veux pas finir comme lui, je te conseille de t’exécuter ! ET TOUT DE SUITE !
Tremblante de tous ses membres, la jeune fille essaya d’oublier la douleur, qui se rependait dans son corps, pour attraper la cruche qui jonchait à ses pieds. Ayant presque réussi à se relever, elle sentait ses jambes flancher pour finalement se retrouver de nouveau au sol.
— Je ne compte pas me répéter ! Tu as cinq minutes pour m’apporter ce que je te demande…

L’homme fit une pause, comme savourer d’avance les paroles qu’il allait prononcer. Faisant briller le couteau à la lueur de flammes, il finit sa phrase :
— … et inutile de te demander ce qu’il adviendra de toi si tu échoues !
Un tremblement parcourut le pauvre être de la tête aux pieds, surtout quand elle s’autorisa à jeter un coup d’œil en direction du cadavre. Il fallait qu’elle lui apporte cette eau qu’il lui réclamait. Pour sa survie ! C’est en puisant dans une réserve de force insoupçonnée qu’elle réussit à se relever de nouveau et de tenir debout, malgré cette cheville qui la fessait atrocement souffrir. Soufflant et tout en espérant ainsi faire diminuer la douleur, la jeune fille jeta un coup d’œil autour d’elle : tout n’était que cendre et douleur, que flammes et larmes !
— Alors !
— Ou… oui…
L’homme projeta sa main en direction de celle qui avait osé ouvrir sa bouche alors qu’il ne le lui avait pas intimé. Tandis que sa main rentrait en contact avec la joue de la fille, celle-ci poussa un cri déchirant, ce qui lui avait valu d’en hériter d’une seconde.

— Tais-toi et va me chercher cette eau !
Les larmes se remirent à couler d’elles-mêmes sans que la pauvre malheureuse ne puisse les stopper. Ramassant de nouveau la cruche qui avait roulé un peu plus loin, elle chercha du regard l’un des puits du village.
— Qu’est-ce que tu attends ?
Elle se précipita, oubliant cette douleur qui la transperçait de part en part, faisant souffrir chaque parcelle de sa peau, de son corps, de son âme. Rien ne pouvait être pire que la torture qu’il lui infligeait. Il n’y avait qu’un seul moyen pour la jeune fille de tout faire cesser et être enfin délivrée de toute cette souffrance. En même temps qu’elle formulait sa réponse, elle se laissa précipiter dans le puits sans fond qui fit raisonner ses dernières paroles :
— plus rien de la vie mais beaucoup de la mort. La liberté…

Dernier SouffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant