Acte 3, Scène 4

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TISSOTIN, PHILAMINTE, ARMANDE, BÉLISE, HENRIETTE.

TRISSOTIN
À mon emportement ne donnez aucun blâme ;
C'est votre jugement que je défends, Madame,
Dans le sonnet qu'il a l'audace d'attaquer.

PHILAMINTE
À vous remettre bien, je me veux appliquer.
Mais parlons d'autre affaire. Approchez, Henriette. Depuis assez longtemps mon âme s'inquiète,
De ce qu'aucun esprit en vous ne se fait voir,
Mais je trouve un moyen de vous en faire avoir.

HENRIETTE
C'est prendre un soin pour moi qui n'est pas nécessaire,
Les doctes entretiens ne sont point mon affaire. J'aime à vivre aisément , et dans tout ce qu'on dit
Il faut se trop peiner, pour avoir de l'esprit.
C'est une ambition que je n'ai point en tête,
Je me trouve fort bien, ma mère, d'être bête,
Et j'aime mieux n'avoir que de communs propos, Que de me tourmenter pour dire de beaux mots.

PHILAMINTE
Oui, mais j'y suis blessée, et ce n'est pas mon compte
De souffrir dans mon sang une pareille honte.
La beauté du visage est un frêle ornement,
Une fleur passagère, un éclat d'un moment, Et qui n'est attaché qu'à la simple épiderme ;
Mais celle de l'esprit est inhérente et ferme.
J'ai donc cherché longtemps un biais de vous donner
La beauté que les ans ne peuvent moissonner,
De faire entrer chez vous le désir des sciences, De vous insinuer les belles connaissances ;
Et la pensée enfin où mes vœux ont souscrit,
C'est d'attacher à vous un homme plein d'esprit,
Et cet homme est Monsieur que je vous détermine
À voir comme l'époux que mon choix vous destine.

HENRIETTE
Moi, ma mère ?

PHILAMINTE
Oui, vous. Faites la sotte un peu.

BÉLISE
Je vous entends. Vos yeux demandent mon aveu,
Pour engager ailleurs un cœur que je possède.
Allez, je le veux bien. À ce nœud je vous cède,
C'est un hymen qui fait votre établissement.

TRISSOTIN
Je ne sais que vous dire, en mon ravissement,
Madame, et cet hymen dont je vois qu'on m'honore
Me met...

HENRIETTE
Tout beau, Monsieur, il n'est pas fait encore Ne vous pressez pas tant.

PHILAMINTE
Comme vous répondez ! Savez-vous bien que si... Suffit, vous m'entendez.Elle se rendra sage ; allons, laissons-la faire.

Molière - Les Femmes SavantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant