Chapitre 1

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L'année se finissait doucement.
À trois semaines du bac, Eva Kenesky commençait à s'impatienter.

Elle avait si hâte d'aller à Grenoble faire ses études de droit. Elle en avait assez de sa classe de terminal. Elle trouvait que les garçons étaient des imbéciles heureux et les filles des pestes, sauf ses amies.

Elle avait trois amies sincère : Lilou Macer, Mathilde et Alix Chandor. Toutes les quatre se connaissaient depuis la seconde et étaient inséparables.

Mathilde Chandor (la cousine d'Alix) avait passé les concours pour rentrer à science po. C'était l'intello du groupe, celle qui connaissait toujours la date d'histoire. Mais elle ne prenait pas la grosse tête pour autant, au contraire elle s'appliquait à aider ses amies même si cela devait durer des heures.

Alix, elle, voulait aller en art du spectacle. Elle faisait du théâtre depuis la sixième et ne comptait pas s'arrêter. Elle était plutôt réservée mais lorsqu'elle montait sur scène c'était une autre personne. Elle devenait un prof extravagant de Ionesco ou encore une précieuse ridicule convoitée par la cour de Moliere. Elle jouait du piano aussi, mais uniquement car ses parents l'avait forcée.

Lilou préférait les lettres. L'année suivante elle allait à Grenoble en science humaine appliqué afin de devenir journaliste. Au début de l'année de terminal, elle avait créé le journal du lycée. Celui-ci faisait la fierté de Lilou.

Et puis elle, Eva Kenesky. Elle voulait devenir avocate comme sa mère. C'était son rêve le plus fou. En septembre elle allait entamer sa licence de droit. Son rêve était tout près et Eva ne tenait plus en place.

Elle vivait seule avec son père depuis le départ de sa mère. Celui-ci lui avait expliqué que sa mère l'avait abondonné, qu'elle n'avait jamais voulu avoir d'enfant, qu'elle ne l'avait jamais aimé. Eva ne comprenait pas. Elle se souvenait très bien de sa mère. Celle-ci était parti il y a 7 ans. Eva n'avait alors que 11 ans.

Elle se souvenait de sa mère aimante qui l'amenait à la médiathèque de Seynod pour choisir des livres. Eva avait le droit à trois livres par semaine. Trois livres n'étaient jamais suffisant pour combler la soif de lecture de la petite fille.

Elle se souvenait aussi de leur après-midi à flâner au bord de la piscine. C'était sa mère qui lui avait appris à nager. Depuis, elle ne s'était jamais arrêtée et Eva avait gagné beaucoup de compétitions.

Elle se souvenait aussi de son angoisse qu'elle avait quand sa mère lui disait au revoir le soir. Eva ne s'endormait pas tout de suite, et la peur montait en elle quand elle entendait la porte de la maison s'ouvrir sur son père. Celui-ci était froid et rentrait toujours très tard. Sa mère l'attendait. Certains soir il criait et elle répondait, d'autres elle ne répondait pas. Eva préférait quand sa mère criait aussi, ça voulait dire qu'elle avait la force et la foi de se battre. Quand elle se taisait, Eva se demandait si sa mère ne voulait pas tout abondonner. Et c'est ce qu'elle a choisi : sa mère a tout abondonné, même sa fille.

Depuis Eva était devenu insensible à toutes formes de sentiments, excepté l'amitié. Eva contrôlait toujours tout ce qui émanait d'elle, que ce soit le stress, la colère et les pleurs. Elle ne riait que devant ses amies, mais peu. Jamais elle n'était sorti avec un garçon. Elle se disait toujours au fond, que si sa mère n'avait pas été capable de l'aimer, aucun garçon n'en serait capable.

Le contrôle de soi qu'elle avait formé l'a protégé. Au début, elle se disait que se contrôler à 100% lui éviterait de souffrir. Mais à trois semaines du bac, jamais elle n'avait autant souffert du manque de sa mère.

Eva Kenesky -Un cœur de pierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant