Chapitre 26

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Darkus Défortuna redressa vivement la tête en entendant la porte du couloir s'ouvrir doucement dans un grincement peu plaisant. Quelle ne fut pas sa surprise de voir apparaitre Zakron, en chair et en os.

- Vous avez réussi la mission ? s'extasia le souverain captif.

Le démon ne se rabaissa pas à lui répondre tout de suite et préféra aiguiser ses longs ongles contre la pierre de la cellule avant de daigner lui accorder son attention.

- Non, dit-il tout simplement.

Le visage du sorcier perdit toutes ses couleurs et il se laissa tomber vulgairement au sol sous le poids de cette nouvelle improbable.

- Mais comment se fait-il que vous aillez échoué ? Tous mes efforts n'auront donc servi à rien ? se lamenta le maître sorcier.

Le démon ricana et s'approcha de la cellule de son pensionnaire avec une lenteur exagérée.

- Tous vos efforts n'auront pas été vains. J'ai réussi à m'octroyer une part du contrat et cela me ravit, se vanta l'être provenant des enfers.

- Quelle part du contrat avez-vous pu obtenir si Lewis est toujours vivant ? questionna le sorcier, ne voyant pas où son interlocuteur voulait en venir.

Le démon tourna les talons et commença à rebrousser chemin sans lui accorder de réponse. Le souverain se précipita vers les barreaux qui le retenaient captif et s'y agrippa pour apercevoir le monstre avant qu'il ne disparaisse de sa vue. Ce dernier ouvrit la porte menant à l'étage et s'arrêta sur le seuil.

- Votre fille est mienne, lâcha-t-il sans préambule.

Le sang de Darkus Défortuna ne fit qu'un tour dans ses veines sous le coup de la stupeur et de la colère.

- Ma fille n'a jamais fait partie de notre contrat ! s'énerva le souverain.

- Maintenant si, répliqua le démon en éclatant d'un rire sardonique. A quoi bon être un démon si je ne peux pas m'accorder de privilèges ?

* * * * *

Marie ouvrit les yeux et les referma aussitôt, en proie à une violente migraine. Un gémissement sourd lui échappa alors que sa tête était enserrée dans un étau qui menaçait de la faire exploser dans d'atroces souffrances. Une main se posa alors sur le sommet de son crâne et à son contact, son mal cessa comme par enchantement. Impatiente de découvrir la personne qui avait fait disparaitre ses maux, la jeune fille se retourna pour se retrouver nez à nez avec Zakron. Ce dernier attendait ce moment depuis des heures, impatient de voir la réaction de sa nouvelle compagne. Cette dernière ne sembla pas choquée par son apparence repoussante et lui offrit même un sourire éblouissant que le démon lui rendit.

- Comment te sens-tu ma princesse ? lui demanda le démon doucereux.

La demoiselle fronça les sourcils, cherchant une réponse appropriée à son état de trouble et resta silencieuse un petit moment. Lorsqu'elle lui répondit, ce fut d'une vois laconique.

- Incomplète. Je me sens... incomplète.

Zakron se contenta de ces mots, signe qu'il avait réussi à ôter les souvenirs de la tête de Marie. Il s'approcha de la jeune fille et déposa délicatement sa main griffue sur la nuque de la demoiselle avant de poser ses lèvres sur les siennes. Elle ne frémit pas à ce contact et ne sembla même pas réagir, comme si ce qui lui arrivait ne se déroulait pas vraiment. Le démon fut contrarié par son attitude. Il ne voulait pas d'une épouse morne et sans vie, incapable de ressentir des sentiments pour lui. Il voulait sentir une passion ardente brûler dans ses veines et lui rendre la pareille... à sa manière.

- Que puis-je faire pour te rendre heureuse ? demanda-t-il en plongeant ses yeux noirs dans ceux océans de son interlocutrice.

La demoiselle sembla réfléchir à nouveau pour finir par hausser les épaules. Zakron soupira et se résigna à lui rendre quelques souvenirs. La créature des enfers ferma les yeux et fit apparaitre le bocal contenant la mémoire de la demoiselle. Avec une extrême minutie, il dévissa le couvercle et laissa la vanité reprendre sa place dans le corps de Marie, ainsi que toutes les facettes de sa personnalité. Aussitôt, la jeune fille afficha un sourie mesquin et repoussa le démon avec brusquerie. Ce dernier s'apprêtait à la rabrouer quand la princesse se leva et posa son doigt fin sur sa bouche pour lui signifier le silence.

- Tu m'as demandé ce que tu pouvais faire pour moi alors décarcasse-toi pour m'offrir les plus belles parures qu'une reine n'a jamais portées !

Zakron sourit face à cet élan de coquetterie et reconnut bien là la princesse hautaine qu'était Marie autrefois, avant qu'elle ne soit pervertie par ce fils de la famille Herilion. Le démon récita une brève formule et transforma une partie de la chambre en garde-robes. La demoiselle éclata de rire avant de se déplacer pour toucher les tissus aux teintes et textures raffinées. Elle choisit une robe de la couleur des flammes et ne tarda pas à la revêtir. Avec coquetterie, elle sortit de derrière le paravent et rejoignit le démon qui l'attendait, assis sur le bord du matelas, comme s'il avait peur de s'enfoncer dans les méandres des draps et de ne plus en ressortir. En voyant la belle ainsi parée, un sourire carnassier étira ses lèvres. Le tissu soyeux épousait parfaitement les courbes de la demoiselle et des paillettes agrémentaient joliment la taille. Le bas de la robe était très volumineux et caressait le sol à chacune des foulées de Marie. Les cheveux de cette dernière descendaient en cascade dans son dos nu et l'ensemble faisait pétiller le cœur du démon, comme un cocktail aphrodisiaque. La créature des enfers invita la belle à le rejoindre sur le lit mais cette dernière déclina son offre et s'éloigna de lui pour se rendre sur le balcon et contempler le monde qui s'offrait à elle. A la vue de la ville dévastée, le cœur de la princesse manqua un battement et ses sourcils se froncèrent.

- Quelque chose te tourmente ? lui demanda Zakron qui s'était approché d'elle et posait ses mains sur ses épaules.

La princesse frissonna au contact de sa peau froide sur sa chair dénudée et repoussa son étreinte.

- Depuis combien de temps le royaume est-il dans cet état ?

- Mais depuis toujours mon amour, toi et moi nous adorons le mal, ne te souviens-tu pas ?

Marie reposa ses yeux océans sur le paysage en contrebas, tentant de capter un recoin qui attirerait son attention, en vain. Le démon, conscient de son trouble, trouva préférable de s'éclipser pour la laisser méditer et assimiler toutes ces informations. Il n'avait aucun doute sur le fait qu'elle finirait par accepter cette existence monstrueuse à ses côtés.

Quand il eut quitté la pièce, la princesse se laissa glisser sur le sol et laissa sa peine se déverser en torrent de larmes sur ses joues. Ce monde hostile lui paraissait étranger et le contact de Zakron lui procurait plus de répulsion que de plaisir. En avait-il toujours été ainsi ? Que c'était-il passé pour que sa mémoire se retrouve ainsi altérée du jour au lendemain ? Qui était-elle vraiment ?

La princesse, toujours aussi perdue, se ressaisit quelques minutes plus tard et rentra dans la sa chambre pour chasser le froid provenant de l'extérieur qui brûlait sa peau comme des braises ardentes. Elle aurait tellement voulue être heureuse et laisser de côté son mal-être superficiel mais elle ne pouvait s'y résoudre. Marie devait absolument découvrir la vérité avant qu'il ne soit trop tard. Le temps semblait l'oppresser de toute part et l'enjoindre de se mettre à l'œuvre tout de suite. Elle était loin de se douter que dans les ruines en contrebas, un petit animal à la fourrure aussi douce que de la soie venait de faire son apparition pour tenter de la sauver.


Skiron, la pierre du destin.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant