Skiron, la pierre du destin.

Chapitre 49

Marie faisait les cents pas dans sa chambre, incapable de se résigner à descendre. L'angoisse la rongeait. Elle n'avait jamais assisté à un couronnement mais elle savait que chez les sorciers, ce dernier rimait avec magie Or, Lewis avait été dépossédé des siens et elle ne savait comment le mettre en garde. De plus, cette cérémonie serait précédée par son mariage avec Lewis, de sorte à ce qu'elle puisse siéger à ses côtés. La jeune fille se pencha à la fenêtre et remarqua que les convives arrivaient en vagues interminables. Les trompettes se firent entendre et des coups réguliers furent frappés à la porte de ses appartements. Lorsqu'elle se retourna, elle se retrouva face à deux chevaliers de la garde royale.

- Nous sommes venus vous escorter jusqu'à la salle du trône, sur ordre de notre futur roi, déclarèrent ces derniers.

Marie ne pouvait plus se défiler à présent et se dirigea vers les deux hommes, une boule dans la gorge et l'estomac noué. Ainsi protégée, elle traversa le palais entier jusqu'à se retrouver devant une énorme porte close. Elle entendit que l'on prononçait son nom et les battants s'ouvrir dans un silence solennel. La foule la fixait de ses grands yeux scrutateurs et elle n'eut d'autre choix que de s'avancer au milieu de l'allée, la traine de sa robe frôlant le tapis rouge et son cœur battant à cent à l'heure. Ses pensées étaient embrouillées et ses mains tremblaient. Elle s'attendait à ce que le peuple la dénigre puisqu'elle était la descendante de Darkus Défortuna, la cause de tous leurs malheurs, mais il en fut tout autrement. Des murmures naissaient sur son passage et certaines mains s'accrochaient à son vêtement dans l'unique but de vénérer cette princesse à l'allure altière. Lorsqu'elle releva son visage, ses yeux croisèrent ceux de Lewis qui lui souriaient. Quelque peu rassurée, la demoiselle continua son parcours jusqu'à pouvoir poser la paume de sa main dans celle de Lewis et s'élever à son niveau sur l'estrade destinée au couple royal. La jeune sorcière se retrouva face au portrait des précédents souverains et le regard figé de la reine Théodora posé sur elle la mit encore plus mal à l'aise. La demoiselle sentit les doigts de Lewis enserrer les siens avec plus de ferveur, comme pour la réconforter. Sentant une présence dérangeante dans son dos, la princesse se retourna pour apercevoir les membres du conseil des sorciers qui la contemplait avec une haine non dissimulée et une envie malsaine. Son compagnon se retourna à son tour et voulut stopper cet échange malveillant d'un simple regard mais rien ne se produisit, à son grand étonnement. Marie sut qu'il était sur le point de comprendre qu'il avait perdu ses pouvoirs mais ce n'était pas le moment de lui confirmer ses doutes devant une salle pleine et une couronne en attente d'un roi.

- Nous sommes ici en ce jour pour unir Lewis Alexander Herilion avec la très douce Marie Madeleine Marguerite Anaëlle Défortuna. Puisse leur amour perdurer par delà l'éternité, annonça le mage responsable de leur union avec un sourire aux lèvres.

Lewis tourna son regard enchanté vers sa bien-aimée et s'apprêta à glisser à son doigt l'anneau appartenant à sa famille quand toutes les fenêtres de la salle explosèrent de concert, obligeant les convives et le couple royal à se jeter au sol pour éviter les débris de verre. Les cris se mirent à résonner parmi l'assemblée et des citoyens essayèrent de forcer la porte pour s'enfuir de ce cauchemar qui recommençait, encore une fois. Soudain, une voix claire et précise s'éleva parmi le vacarme, ramenant le silence.

- Tout ceci n'est qu'une immense plaisanterie. Vous voulez marier ce renégat avec la princesse de la plus prestigieuse famille royale ? Avez-vous tous perdu la tête ? Je suis ici pour rétablir la vérité. Cette jeune fille ici présente n'a pas sa place à Vasirion mais bien à Manovir. A la mort de son père, elle est devenue l'unique héritière de son royaume et ce doit de ne pas faillir à son rang. Je suis ici en mémoire de Darkus Défortuna afin de ramener sa fille sur le droit chemin.

Marie serra les dents en reconnaissant le sorcier qui avait tenu tête à son père pour l'envoyer combattre les monstres de Vasirion le plus vite possible. Sa haine pour ce dernier resurgit mais alors qu'elle allait répliquer, ce dernier lui coupa la parole afin d'annoncer ce qu'elle redoutait tant.

- Par la missive ici présente, je me dois d'escorter la princesse Marie Madeleine Marguerite Anaëlle Défortuna sur son trône légitime. Il est hors de question qu'elle donne sa main à un humain ayant pour seul but de dérober le trône au fils légitime de la famille Herilion que voici...

D'un geste de la main, il invita un jeune garçon à la chevelure aussi blonde que le soleil à s'avançer sur l'estrade à ses côtés. Marie crut recevoir un coup de poing en pleine poitrine en croisant le regard de ce dernier et serrait tombée si la main secourable d'un garde ne l'aurait pas rattrapée.

- Qu'est-ce que c'est que ce cirque ? s'écria Lewis.

D'un regard autoritaire, le vieux sorcier l'obligea à se taire et à s'agenouiller. Ensuite, il fit signe à des hommes armés de l'attacher avant de l'emmener dans les prisons du palais. Les citoyens ne comprenaient pas pourquoi leur futur roi ne se servait pas de sa magie pour se débarrasser des ses tortionnaires et le doute quant à sa légitimité se fraya un chemin dans les esprits des convives. Marie regarda Lewis se débattre avec ferveur, incapable de lever le petit doigt pour l'aider. La jeune fille était complètement dépassée par le déroulement des évènements. La situation lui échappait complètement et ce visage revenu du passé venait de lui faire perdre tous ses moyens. Même les gardes semblaient avoir changé de camp et elle se retrouvait seule contre tous. Lewis cria le nom de sa bien-aimée avant de disparaitre de sa vue, son corps enchainé trainé par les chevaliers de la cour royale. Marie le regarda partir, complètement démunie.

- Bien, maintenant que les choses sont remises dans l'ordre, je vous présente, peuple de Vasirion, votre véritable roi... Alexis Marie Hyppolite Thomas de la Rodonita, autrefois surnommé Alexis Marie Hyppolite Thomas Herilion. Ce dernier avait fui son pays pour vivre parmi les humains en attendant de pouvoir monter sur le trône. Ce jour est enfin arrivé, annonça le membre du conseil, un sourire carnassier aux lèvres.