Chapitre 52

2 1 0
                                    

Le silence demeurait entre les deux femmes alors que leur carrosse traçait vivement sa route, les emmenant sans détour à Manovir. Les heures se succédèrent sans qu'aucune d'entre elles ne se résignent à la briser. Alors que le soir touchait à sa fin, le véhicule s'arrêta devant le château qui avait vu naitre Marie. La princesse soupira et refoula ses larmes en poussant à tout ce qu'elle allait devoir accomplir pour laver la mémoire de sa famille, salie par son père. Malgré les vilénies de ce dernier, la jeune fille n'arrivait pas à lui en vouloir et son absence à ses côtés la rendait nostalgique. Elle n'avait jamais pris part aux discussions politiques et se demandait à présent comment elle pourrait diriger un pays tout entier. La princesse sentit la main rassurante de sa nouvelle amie sur son bras et se força à lui sourire pour ne pas l'effrayer. Se résignant à affronter ses responsabilités, Marie ouvrit la porte du carrosse et posa un pied à terre, suivie par Viviane qui ne la quittait plus d'une semelle. L'héritière de la monarchie Défortuna s'approcha des chevaux et caressa leurs naseaux trempés de sueur pour les remercier de l'avoir ramenée à bon port. Ensuite, elle se retourna pour faire face au palais et entreprit de gravir les marches pour se soustraire à la vue des badauds qui sortaient de chez eux pour apercevoir la princesse victorieuse. Alors que Viviane précédait la jeune fille pour lui ouvrir la porte, cette dernière s'entrebâilla pour laisser passer la reine de Manovir, la veuve du défunt roi. En voyant Marie, cette dernière accourut vers elle pour la prendre dans ses bras mais sa progéniture ne lui rendit pas son étreinte. En réalité, elle ne connaissait pas sa mère. La reine avait délégué ses responsabilités à différentes nourrices afin de pouvoir se prélasser dans les bras du roi et prendre du bon temps sans devoir se soucier d'un être autre qu'elle-même. Marie lui en voulait terriblement de ne pas lui avoir accordé d'importance et repoussa la vieille femme, qui n'avait plus le droit de régner depuis la mort de son mari, afin de pouvoir rentrer dans l'enceinte du château. La princesse traversa plusieurs pièces jusqu'à se retrouver dans la salle du trône. Elle put ainsi voir que le siège de son père avait été recouvert d'un voile noirâtre qui ne pourrait être enlevé que lorsque Marie serait couronnée. Nostalgique, la demoiselle enjoignit à Viviane de la suivre jusque dans ses appartements, sans accorder son attention à sa génitrice qui pénétrait dans la pièce pour s'entretenir avec elle.

La princesse logeait dans une des tours du palais et s'est avoir un immense soulagement qu'elle referma la porte de sa chambre derrière elle pour pouvoir s'allonger dans son lit après autant de temps passé loin de son petit nid douillet. Confuse de déranger sa quiétude, la bonne n'osait poser les yeux sur la princesse et se triturait les doigts dans un coin de la pièce sans rien dire.

- Aurais-tu l'amabilité de te détendre ? lui demanda Marie.

La femme de chambre posa son imposant derrière sur un sofa de cuir rouge et observa la poitrine de la princesse se mouvoir au rythme de sa respiration. Cette dernière était calme et régulière.

- Je ne sais pas quoi faire pour me sortir de ce pétrin, maugréa la princesse, les paupières closes.

- Si je peux faire quelque chose pour t'aider... s'enquit sa compagne.

La princesse soupira et ne répondit rien. Elle se redressa et s'étira, pensant à son amour enfermé quelque part. Elle devait prendre les choses en main pour le sauver. Déterminée, elle se dirigea vers son bureau et entreprit de rédiger plusieurs missives à l'adresse des différents membres du conseil des sorciers. Sa plume glissait sur le papier avec une incroyable rapidité, témoignant de la volonté de la demoiselle à vaincre le temps. Désireuse de lui venir en aide, Viviane prit place à ses côtés pour glisser les lettres sous enveloppe et imposer le sceau royal sur la fermeture. Une fois que tous les courriers furent écrits, la princesse les empila et prononça une incantation qui les fit disparaitre sous les yeux médusés de la femme de chambre.

- Les missives ont rejoint leurs destinataires, déclara Marie tout sourire. C'est maintenant que mon plan commence.

Intéressée par la tournure que prenait la situation, la dame rondouillette se positionna sur le bord de son siège pour être au plus près de la princesse.

- J'ai convoqué tous les membres du conseil ce soir même afin de parler de mon futur couronnement et de ma volonté de les rejoindre. Au cours du repas, je simulerai un malaise et tu ordonneras à un garde de me porter ma chambre. Je suis sûre qu'Alexis se portera garant pour cette tache...

- Et s'il ne se dévoue pas ? se demanda Viviane.

- Il le fera. Sinon, je l'y obligerais par la force de ma volonté... la rassura la princesse avant de reprendre là où elle s'était arrêtée. Une fois que l'usurpateur aura quitté la pièce, tu feras ton possible pour écouter la conversation menée par les convives et s'il elle ne s'avère pas intéressante, essaye de leur soutirer quelques informations sans qu'ils ne puissent voir clair dans ton jeu. Te sens-tu capable de faire ça ?

La femme de chambre s'empressa de donner une réponse positive à son amie, même si au fond d'elle-même elle mourait de peur. Rassurée de se sentir ainsi épaulée, Marie rejoignit une nouvelle fois son lit et s'y assoupit pendant que Viviane faisait les cents pas dans la chambre, se répétant inlassablement le plan à suivre pour ne pas échouer.

Skiron, la pierre du destin.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant