Ne me juges pas !

59 5 0
                                    

Je restai choquée, bouche bée devant ce qui se passait devant moi.  Aléx et cet homme se battaient, sauvagement, et aucun d’eux ne retenait ses coups. Je détestais les bagarres, même si je faisais part de beaucoup d’entre elles dans le passé…  Je ne pouvais pas les laisser se battre comme ça, au milieu de la cuisine, en face de la mère de l’un d’eux, je le savais mais je restais  marbrée.

 Aléx était clairement moins fort que le tas de muscles qui était maintenant au-dessus de lui, lui lançant des coups de poings, pendant que le sang giclait sur le carrelage blanc et propre de la cuisine. La femme derrière moi échappait des sanglots, je devais agir !

Je me postai derrière l’homme et le retint de donner un autre coup au visage, déjà assez défiguré comme ça, d’Aléx. Il retourna sa tête pour me dévisager.

Son visage était rouge de colère. Mais à l’instant où ses yeux se perdirent dans les miens, son expression faciale changea pour détendre les rides qui s’y étaient formées. On dirait qu’il m’avait reconnue ?

-          «  Sarah ? » Lâcha-t-il finalement avant de se lever et de laisser le pauvre Aléx respirer paisiblement.

Je le fixai les yeux gros. Son visage me disait quelque chose quand j’y pense maintenant, mais je ne pouvais pas mettre le doigt sur une identité.

-          «  On se connaît ? » Demandais-je toujours aussi confuse.

-          «  Oui, On s’était rencontré à Marseille, tu te rappelles ? » Me répondit-il en parlant français avec son accent toujours aussi fort.

Marseille ? J’avais fait un petit saut par cette ville l’année dernière pour rendre visite à  l’une de mes amies, et on peut dire que j’y ai rencontré pas mal de personnes…  Mais cette tête me dit quelque chose.

-          «  Ulrick, c’est ça ? » Essayai-je me rappelant d’un jeune allemand que mon amie m’avait présenté.

Il hocha la tête comme réponse. Je me rappelle maintenant qu’on avait discuté dans le salon de l’appartement marseillais de mon amie. Il s’était avéré être un étudiant de langues en Italie, et j’étais vraiment impressionnée par ses études.  

-          «  Tu sais quoi, allons boire un café et discuter un peu » Lui proposais-je en jetant un regard aux alentours vraiment catastrophiques. «  Disons demain matin ? »

Il lança un dernier regard à Emma, Aléx, puis me dévisagea longuement. Il prit le chemin vers la porte et me dit qu’il m’appellera.

Je tournai la tête quand j’entendis la porte se fermer. La mère d’Aléx avait emmené ce dernier au salon et commençait à le soigner. Emma restait assise au sol, pleurant.

Je la rejoignis et la pris dans mes bras. Elle enroula rapidement ses bras autour de moi et sanglota bruyamment. Je ne la comprenais pas mais je voulais la réconforter. Ne me demandez pas pourquoi, mais je déteste voir les filles pleurer. Et non, même si elles sont des vipères qui jouent avec les cœurs de deux de mes amis ! Enfin de mes connaissances, ce ne sont pas vraiment des amis. A moins que discuter dans un salon avec l’un, et tomber dans les pommes dans les bras de l’autre et faire amie-amie avec sa mère,  fait de nous des amis, ce que j’en doute fortement…  Ce n’est pas que ça me dérange de discuter cette question existentielle avec vous, mais je pense que j’ai mieux à régler en ce moment, en l’occurrence une jeune blonde pleurant dans mes bras. Cool, mon pull est tout mouillé maintenant ! Génial !

-          «  Déballe. » Lui dis-je simplement avec un ton un tout petit peu amer, mais au moment où elle a ouvert la bouche, je savais qu’elle en avait grandement besoin.

-          «  Je ne le voulais pas vraiment… Ulrich était mon vrai « petit-ami »  et je l’aime beaucoup mais… Et Aléx était tout simplement ce dont toute  fille rêve… Et je les voulais…Tous les deux... Je voulais qu’ils prennent soin de moi… Mais chacun avait sa façon, et j’aimais les deux… Je pouvais être capricieuse, ils auraient tout fait pour me satisfaire… Je ne pouvais pas arrêter… »

-          «  De quoi as-tu réellement besoin Emma ? »

-          «  D’un garçon. C’est tout ce que je demande. Je ne veux plus qu’il soit aussi parfait que l’un des deux, mais j’en veux un. Je suis complètement seule sans… »

-          «  Besoin d’un garçon ! Besoin d’un garçon ! Ô dieu ! Tu t’écoutes quand tu parles ? Emma, tu n’as besoin de personne, et surtout pas de n’importe quel garçon ! Tu as besoin de prendre confiance en toi, de raillonner par toi-même ! Je suis sûre qu’il y a bien plus en toi que tu n’en fais paraître, alors ne te rabaisse pas à « avoir besoin » d’un garçon ! Tu es une personne à part entière, et jamais je ne veux t’entendre dire ça encore une fois ! Qu’est-ce qui te manques ? Que veux-tu réellement cette fois ? » M’indignai-je. Je lui criais littéralement dessus, tant sa réponse m’avait prise au dépourvu. LE genre de truc à dire pour me rendre folle. Je détestais voir les filles soumises, alors en plus de plein gré ! Le jackpot quoi ! 

Elle pleurait de plus en plus fort. J’avais touché un point sensible, et j’en étais plutôt contente, je ne voulais pas qu’elle ait une carapace impénétrable, je voulais l’aider !

-          «  C’est compliqué et… » Face au regard que je lui offrais, elle ne put que commencer, finalement, son histoire. «  Je m’appelle Emma Podolski, je suis Russe d’origine Polonaise. J’ai toujours vécu en Russie, jusqu’au divorce de mes parents. Je ne pouvais pas vivre en faisant un choix avec lequel j’allais prendre le dîner ce soir ou avec lequel j’allais passer le weekend. Ils souffraient tous les deux, et j’en souffrais aussi. Je voulais vivre heureuse et épanouie, je voulais vivre mon rêve, être libre ! Mais non.  J’avais deux parents anéantis, et c’était un grand Hic pour mon «  rêve ». J’ai donc fugué. J’ai rencontré des gens de partout, j’ai brisé un tas de règles quand on y pense maintenant » Elle rit nerveusement.  «  J’ai parcouru l’Europe, jusqu’à me retrouver ici, à Manchester. Je voulais recommencer de zéro, j’avais mon bac avec mention très bien, j’avais des sous plein la poche, je parlais Anglais, et personne ne sait que je suis ici, et personne ne me connait ici non plus. J’ai essayé, je te le promets, mais c’était dur ! J’avais besoin de quelqu’un à qui parler, de quelqu’un qui me réconforte et me dise que tout ira bien… »

-          «  Mais tu n’as pas cherché à trouver une vraie amie. Tu as agi comme une idiote et tu es tombée très bas. C’est ça ? » Dis-je froidement.

-          «  Tu vois ? Maintenant toi aussi tu es dégoutée, mais tu ne peux pas imaginer par quoi je suis passée. Jeune et seule à travers l’Europe, tu n’as pas idée du mal que j’ai eu, de la quantité de drogue que j’ai inhalé, que j’ai vendu, des garçons qui m’ont lâchés alors que je ne les avais même pas vu venir, des coups que j’ai reçu, des nombreuses fois où j’ai essayé de me suicider, le nombre de tatouages que je me suis faite et qui parlent pour ce que je ne peux pas dire, le nombre de fois où mes larmes ont coulé sans pouvoir s’arrêter, le nombre de paysages que j’ai vu alors que je voulais pour une fois me réveiller deux fois au même endroit. J’étais comme une bohème Sarah ! Aujourd’hui j’étais avec ces gens là dans ce pays là, et demain j’étais dépaysé, tout à fait ailleurs ! Et le comble c’est que je ne parlais que le russe et l’anglais ! » Elle avait cessé de pleurer, elle était en colère.

Je l’avais mal jugé, même en voulant l’aider. Je sais que je n’ai pas dû la juger trop vite… J’en ai toujours souffert de ce jugement rapide, mais j’ai refait la même faute, je suis pathétique !

S’il y a quelque chose que je garderai en considération la prochaine fois, c’est de ne jamais juger avant de savoir. JAMAIS ! 

Ne laisse pas mon souvenir te hanter.Where stories live. Discover now