J'avais peut-être passé une poignée de seconde à l'observer, elle m'ignorait, comme si elle ne sentait pas mon regard sur son dos. Un rictus se dévoilait au coin de ma bouche.
«Rizzeta ? De quelle couleur sont tes yeux ? »
Je sautai avec agilité sur le comptoir et sortai deux cigarettes, je les allumai toutes les deux, tendant l'une d'elle à la petite, ne lui laissant guère d'autre choix que de fumer avec moi. Elle l'attrapa et la porta à sa bouche.
« Enza. Je m'appelle Enza. Mes yeux sont verts. Il devrait te rappeler ceux de mon père. »
Elle me parlait d'un ton sec, concis, mais le sourire qu'elle ajouta avant de s'assoir face à moi renforça ma curiosité naissante la concernant.
« Les yeux de ton père sont cachés sous la barrière de ses sourcils, je ne vois donc aucun problème à te regarder dans les yeux. »
Elle ria doucement, la cigarette lui allait à ravir. Un silence s'installait entre nous deux pendant quelque secondes. Un instant lourd, qui m'avait paru durer une éternité. Jusqu'à ce qu'elle pose son mégot dans le cendrier de la table à côté d'elle. Je ne m'interessai pas aux femmes. La vie n'était pour moi qu'un série de rendements, des actions pour s'enrichir, des missions à accomplir. Un automate, agissant pour ce qu'il pense être le mieux pour lui même. J'étais donc face à un sentiment que je ne connaissai pas devant Enza, elle m'interessai. Je voulais comprendre son fonctionnement, sa manière de penser, ses travers, ses défauts, ses vices. Je voulais découvrir ses désirs, ses fantasmes, ses envies. Une sorte de curiosité, une curiosité qui nouait le ventre. Certainement un peu maslaine, comme une envie de la dévorer.
Elle était repartie sans un mot, sans un regard. Peu de temps après son départ ce fut au tour de Polly de pointer le bout de son nez. Et lui aussi, semblait vouloir me dévorer tout cru. Ses yeux étaient gonflés, rougis, il puait la nervosité. Je faisais encore les comptes quand il est arrivé et j'ai bien cru qu'il allait tout envoyer balader en s'assayant face à moi. Il passa peut-être trois fois les mains sur son visage avant de poser son regard sur moi. Je n'y voyais à l'intérieur qu'une sombre folie. Pour milles raisons j'aurais souhaiter être ailleurs.
« C'est la fin, la fin. Ma fin. C'est ma fin putain. Enculé de bordel de polak. »
Il haletait. Je pouvais même voir une goutte de sueur perler de son front.
« Peut-être pas. Les flics font la chasse à la dope. Tu le sais bien. Y voulait peut-être juste le coffrer histoire de nettoyer un quartier. »
«Bordel de merde G.! Tu réfléchis quand tu parles? C'est pas un hasard! Ils ont fait une descente ce soir, dans mon bar, pour la discrétion du con? Ohé! Ohio. Ohio de mes deux. Je t'emmerde toi et ton cerveau qui fonctionne une fois de temps en temps. C'est de la provocation! Ils coffrent le polak pour qu'il lache des infos. Tout le monde sait que ça marche comme ça! Tout le monde! Sauf toi et ta tête de con »
« Polly attends, ils peuvent rien pour l'instant te prends pas la tête. Si tu veux on ferme le bar quelques temps histoire de se mettre au vert pour quelques semaines. Le temps de trouver une solution ou de voir comment ce merdier tourne ! »
« Tu veux attendre quoi ? Attendre qu'on m'foute des anneaux aux bras, attendre de retrouver mon cadavre dans le coin d'une rue pourri ? On ferme le bar ouais, moi j'me tire chez un cousin dans l'sud. Toi t'arranges l'affaire quand je reviens j'veux pouvoir traverser une rue sans avoir peur de m'prendre une putain de balle dans l'crâne. Et tente pas les négociations du con c'est de ta faute tout ça. C'est toi qui a embauché une équipe de bras cassé dans c'bar qui devait être mon ascension. »
Bien sur qu'il fallait que l'affaire tourne contre moi. Et il n'avait pas fallut plus de deux heurs à Polly pour se trouver une porte de sorti, me laissant dans un merdier sans nom au passage. Chacun pour soi, j'avais plutôt compris que nous étions une grande famille pourtant. Tu parles, j'en venais presque à regretter mes études pourris. Le truc c'est que comme Polly partait, c'était ma tête qui était mise à prix. Puis l'avait pas tord sur le fait que c'était moi qui avait engagé Vlad. Mais en ce moment il était pas le seul à se mettre à la poudreuse. Ça rapportait à max et rapport temps/argent c'était super interessant.
La décision de fermer le bar avait donc été prise, les portes closes de ce dernier avaient permis à Enza de prendre quelques vacances et moi, je pouvais revenir à d'autres affaires. Polly avait du partir le soir même puisque je n'eu pas de nouvelle à compter de ce soir là. Je commençais cependant à craindre que le commerce se fasse oublier si nous ne le relancions pas rapidement. Or, ce bar, c'était ma réussite. Polly n'en était que le propriétaire, moi je le faisais tourner. Je l'avais façonné et je me voyais très bien passer derrière le comptoir pour ne pas avoir à embaucher quelqu'un d'autre. De plus, l'idée de proximité avec la jolie Enzita ne me dérangeait pas du tout. AU contraire, je me voyais déjà lui glisser des mots doux entre deux pintes de bières. Il fallait juste régorganiser la chose. Une personne derrière le comptoir et l'autre en salle. Ca serait dur, mais ça pouvait marcher. Notre jeunesse serait un atout, puis j'aurais aussi l'occasion de tout contrôler. Plus de mauvaise surprise. Les choses semblaient clairs pour moi, il fallait donc rouvrir dans la semaine, mais comme Polly était parti, je devais avoir l'autorisation d'un autre capo. J'allais en référer à Rizzo, puisque c'était avec lui que j'avais bosser cette semaine là. Et ça le concernait un peu, vu que j'allais encore lui ôter sa fille.

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G. Rossi
Mystery / Thriller"La nuit avait été rude, la veille, Polly parlait sans cesse de cette histoire de camion plein à craquer de fric, il affirmait que ça serait le plus gros coup de l'année. Un peu comme à chaque fois qu'il avait un plan en fait. Ce gars possédait la f...