Entre 4 murs - 1

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Je suis dans une haute pièce étroite, il y a une seule fenêtre : tout en haut, impossible à atteindre. En face de moi, une porte, dépourvue de poignée, avec une minuscule fenêtre en son centre. À environ dix centimètres du sol se trouve une trappe, j'avance à quatre pattes et tente de la pousser. Évidemment elle s'ouvre de l'extérieur... À quoi je pensais, je suis coincée. Et si je me trouve bien là où je pense être alors j'y suis pour un long, très long moment...

À ma connaissance une seule personne est sortie d'ici vivante, Jake, mon grand-frère, mais certainement pas par lui-même. S'il est sorti c'est parce qu'ils l'ont mis dehors. Ils ont caché des micros et des caméras sur ses vêtements puis l'on laissé sortir pensant qu'il les mènerait tout droit à notre camp. Mais il ne l'a pas fait, comment aurait-il pu ? Il n'était plus lui. C'est un groupe de chasse qui l'a retrouvé perdu dans la forêt, les vêtements déchirés, maigre comme un clou, souillé par ses propres excréments et son corps entier couvert de plaies et de brûlures.

Au début, ceux qui arrivent ici vont très bien et, peu à peu, ils perdent l'esprit. Ils ne sont plus les même et ne le redeviennent jamais ; après cela il n'y a plus aucun espoir. Quand Jake est rentré à la maison, il était totalement... détraqué ; il hurlait n'importe quoi, débitait des phrases incompréhensibles à longueur de temps et ne reconnaissais plus personne au camp.

J'étais anéantie, totalement désorientée, je savais que je l'avais perdu à jamais et pourtant j'espérais encore et toujours qu'il nous revienne, qu'il se rappelle. On dit que l'espoir fait vivre, moi je pense qu'il nous fait juste souffrir. Les larmes me montent aux yeux.Revoir son visage terrifié, crispé par la souffrance, tandis qu'il hurlait m'emplit de douleur.

Je ne peux pas finir comme ça.  Je dois absolument sortir d'ici. Il faut que je retourne au camp, ils ont besoin de moi, mon père a besoin de moi, je suis la seule famille qui lui reste. Je me redresse et me lève, plus rien ne tremble, plus rien ne tangue, tout est clair, j'ai retrouvé mes esprits. Je me précipite contre la porte. Je frappe de toutes mes forces, j'assène de violents coups de pieds, je tambourine, je hurle. On doit m'entendre. Il faut que quelqu'un vienne, que l'on m'ouvre. Je me battrai jusqu'au bout et je les détruirais. Je ne leur appartiendrai jamais, plutôt mourir.

~~~

J'ai totalement perdu la notion du temps, j'ai l'impression d'être assise par terre dans ce coin depuis des heures, et pourtant la nuit ne tombe toujours pas... Au bout d'un moment la trappe s'ouvre, je bondis, me jette sur la porte et passe ma main au travers en essayant de saisir ce qui se trouve derrière. Je la retire vivement lorsque la trappe se referme. Au fond de la pièce une minuscule bouteille et une tranche de pain ont été projetées, je n'y touche pas, on ne sait jamais... Mais j'ai soif, tellement soif, et au moins s'ils m'empoisonnent je ne souffrirait pas. Je prends donc la bouteille et la vide d'un trait. Atroce. L'eau a un goût infect... Ce n'est pas du poison ça, mais une drogue ou des somnifères. Je sens mes paupières tomber, lentement...  et merde, c'est reparti pour un tour.

~~~

Je me réveille dans une pièce semblable à une chambre d'hôpital, je suis allongée dans un lit aux draps blanc, je me sens maintenant fatiguée, cela fait longtemps que je n'ai pas dormi, ou tout du moins de mon plein gré. Mais je ne peux pas me reposer, je n'ai pas le temps, je dois partir d'ici. A compter de cet instant tous mes faits et gestes sont motivé par cette seule idée.

La poignée s'agite, la porte s'ouvre. Je ferme les yeux et tourne la tête de l'autre coté, je prends un air endormi.

- Inutile de feindre l'assoupissement mademoiselle Irwans. Plusieurs caméras sont installées dans cette salle, nous attendions votre réveil depuis un certain temps.

J'esquisse un sourire moqueur. J'aurais du m'en douter, des caméras. Ils sont tellement doués pour en poser absolument partout. Je me redresse et regarde l'homme qui se tient devant moi, avec un air de défi dans les yeux.

-Des caméras... Je ne m'y attendais vraiment pas, j'ironise. Un certain temps, combien exactement ?

- Une minute environ, il fait mine de réfléchir, ou peut-être une heure, un jour ? Oh comment savoir ?

Il affiche un sourire mesquin et satisfait.

-Je veux savoir. Depuis combien de temps je suis là ?

-Vous posez trop de question mademoiselle Irwans. Trop de questions, sans importance qui plus est...

-Elles ont une importance considérable pour moi. Pourquoi suis-je ici?

-Vous le savez je pense.

-Arrêtez avec vos réponses idiotes et tordues ! Dites-le moi !

Il se retourne et se dirige vers la sortie, je me lève pour le rattraper mais à peine mes pieds ont-ils touché le sol que mes jambes se dérobent. Je m'écroule par terre.

- Pathétique.

Il esquisse une sorte de rictus et referme la porte derrière lui. Les sanglots se font sentir, je les ravale aussitôt, je vais m'en sortir. Je m'adosse contre le mur, les jambes repliées et la tête dans les genoux. J'essaie de les en empêcher mais les larmes coulent le long de mes joues et viennent s'écraser sur le sol.

Je reste ainsi jusqu'à ce que la porte s'ouvre de nouveau. Cette fois c'est une femme qui pénètre dans la pièce. Elle est grande et mince, elle a de longs cheveux blond platine tirés en arrière. Elle contourne le lit, s'accroupit en face de moi et me regarde longuement ; elle m'examine attentivement, scrute les moindres recoins de mon visage. Elle m'effraie : son regard perçant, ses yeux bleus et glacés me font froid dans le dos.

-Bonjour Katherine. C'est fou ce que tu ressembles à Jake...

-Qui êtes-vous ? je demande, tout en ayant une petite idée.

-Tu n'as pas à avoir peur, je suis ton amie.

À ces mots je reconnais immédiatement la propriétaire de cette voix faussement douce.

-Lydia Kale, la directrice de la "prison de la folie", mon amie... quelle heureuse nouvelle.

-Bien, nous n'allons pas nous mentir puisque tu es bien renseignée. C'est donc ainsi que vous appelez cet établissement " prison de la folie"... Charmant. Désormais tu l'appelleras comme tous les autres le Centre de Réhabilitation pour Individus Psychologiquement Perturbées, autrement dit le CRIPP.

- C'est vous qui êtes psychologiquement perturbée... Ce nom ne veut rien dire.   "Prison de la folie" sonne beaucoup mieux, et entendons-nous, correspond beaucoup mieux à ce qui s'y passe.

Je lui sors mon plus beau sourire. Le sien s'efface aussitôt, ses yeux s'agrandissent et sa main s'abat violemment sur mon visage.Je relève la tête et la regarde droit dans les yeux. Je ne me laisserai pas faire. Je garderai ma fierté quoiqu'il arrive.

-Tu es beaucoup trop insolente Katherine Irwans, fais bien attention à toi. Tu risquerais de finir comme ton frère...

-Comment osez-vous... Il est mort par votre faute !

Elle s'esclaffe et me regarde de la manière dont on regarde une pauvre créature insignifiante dont on a pitié.

-Evidemment puisque c'est moi qui ai logé la balle dans son crâne. Sache que je suis toujours sur le terrain quand il s'agit de mes patients et que c'est moi et moi seule qui m'occupe d'eux.

Je baisse la tête pour ne pas qu'elle voit les larmes perler, elle m'a enlevé la personne à laquelle je tenais le plus... Je bondis en avant et lui saute dessus.

-Allez brûler en enfer, espèce de sale garce !

Elle me repousse en arrière et mon dos heurte fortement le sol, me coupant la respiration. D'une main ferme elle serre mon cou pour me maintenir allongée. Elle s'approche de moi, son visage est à quelques centimètres du mien,elle se rapproche encore, sa bouche juste à coté de mon oreille, je sens son souffle, glacial, glisser le long de mon cou.

-Attention, Katherine, nous te surveillons.

LibérationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant