Ils sont revenus me chercher pour un nouveau test. Je suis morte de peur, cette fois je risque de parler, je pourrais faire tuer tout le Camp... Je ne veux même pas imaginer les conséquences dramatiques de quelques mots de travers. Mais d'un autre coté je suis contente parce que ça fait un moment que je ne suis pas sortie, je n'ose pas retourner dans les salles communes. Je ne sais pas combien de temps je suis restée dans ma cellule. Je crois y être depuis une semaine, j'ai fais une vingtaine de « repas » (si on peut appeler ça comme ça)environ. Mais d'un autre coté j'ai l'impression que les repas ne sont pas à heures fixes, qu'ils sont totalement décalés. Tout comme la première fois je suis conduite dans la « salle blanche » (c'est comme ça que je l'appelle), les trois hommes sont de nouveau là et lorsque la brute me pique l'aiguille atterrie encore une fois à coté de la veine, il est décidément très mauvais. Mais cette fois, en injectant le produit l'homme me regarde droit dans les yeux, c'est plutôt bizarre, son regard était dénué d'intention, d'expression. Il ne sourit pas, n'a pas l'air énervé. Il semble juste sans émotion. Impossible de savoir ce que voulait dire ce regard, c'était juste un regard très appuyé et dérangeant.
La plupart des questions sont portées sur ce que je sais à propos du système de surveillance. Je ne dis rien de plus que ce qu'ils savent. C'est assez périlleux car je ne suis pas vraiment sûre de ce dont ils sont au courant et je n'ai pas droit à l'erreur mais tout semble bien se passer, Berkins a l'air satisfait alors tout va bien pour l'instant.
Une fois l'interrogatoire terminé, on me reconduit dans la salle numéro six, je proteste, demande à rentrer, je ne veux pas y retourner. Encore une fois, malgré toutes mes supplications, je me retrouve dans la salle numero six, toute seule au milieu d'étrangers, totalement vulnérable. Je prends mon courage à demain et décide de m'aventurer au milieu de la foule. Peut-être vais-je reconnaître quelqu'un ou trouver un personne encore saine d'esprit... C'est peine perdue, il n'y a rien à tirer de ces gens, ils sont complètement cuits. Je m'assois à une table à côté d'une femme qui se caresse la main et la tête en murmurant :
- Ça va aller Jonah, ça va aller, elle se tourne vers moi pour ajouter, il est courageux mon Jonah mais il aime quand sa maman le rassure, puis à elle-même, hein mon grand ?
Je lui adresse un sourire gêné tandis qu'elle continue de se caresser les cheveux et embrasse sa main avec douceur comme s'il s'agissait de celle de son enfant. Je me retourne et fixe la table, la tête dans les mains pour ne plus la voire. Je tente de me concentrer sur comment sortir d'ici quand soudain on me prend le bras.
- Viens, ordonne une voix basse.
- Quoi ? Hey, lâche-moi ! je crie.
Je le repousse d'un violent coup de coude. Il souffle :
- La ferme ! Tu veux vivre ? Alors écoute-moi et surtout attire pas l'attention compris ?
- Ok... je réponds en baissant le ton.
- Tu vas voir c'est facile de se fondre dans la masse : regard perdu, tête qui balance, on sourit bêtement puis on fait les gros yeux, ensuite on se parle à soi-même, on crie un coup et on pleure.
J'esquisse un sourire, il parlait tout en mimant, c'était presque drôle.
- Et ça on ne fait pas. C'est beaucoup trop lucide.
J'éprouve un soulagement immédiat en l'écoutant. Il est comme moi. C'est le premier prisonnier que je vois qui est toujours sain d'esprit. Il sera peut-être mon seul allié jusqu'à la fin alors je dois lui faire confiance même si je ne le connais pas. Pour ma promre survie. Au pire il me trahiras et alors ? Au moins j'aurais essayé, c'est mieux que rien.
Nous traversons la salle en longueur, tous vont et viennent, sans réel but. Certains déambulent la tête en l'air, d'autres marchent en regardant leurs pieds. Certains sont assis l'air hagard. Et le pire ce sont ceux qui hurlent ou qui viennent nous dire des choses incompréhensibles mais d'où ressortent des appels au secours.Ceux qui se rendent encore un peu compte de ce qui leur arrive mais qui sont impuissants face à ça.
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Libération
Science FictionPourquoi le monde a changé ? Pourquoi avons-nous laissé faire ça ? Pourquoi avons-nous fermé les yeux ? Pourquoi ? La question demeure. En quelques décennies le monde a changé du tout au tout. Surveillance, arrestations, emprisonnement, sanctions...