Je me réveille comateuse, j'ai l'impression que je n'avais pas dormi depuis plusieures semaines et que je viens de rattraper tout ça en une fois.
La porte de ma cellule s'ouvre brusquement et l'homme à la seringue apparaît.
-Mademoiselle Irwans veuillez me suivre, je vais vous conduire aux salles communes. Les tests d'hier ayant étés concluant vous êtes désormais autorisée à prendre l'ensemble de vos repas là-bas.
J'ouvre grand les yeux, terrifiée. Des salles communes... avec les autres, ceux qui ont perdu l'esprit, j'ai peur, je ne suis pas comme eux, je ne le serai jamais. Et s'ils étaient comme Jake, je crois que ça me tuerait.Je ne serais pas capable de revivre cette scène, pas encore.
- Non je veux rester ici.
- Je ne crois pas avoir demandé votre avis, répond-il d'un ton sec.
- J'irais pas.
Il lève les yeux au ciel visiblement exaspéré et s' approche de moi. Je recule tout au fond de ma cellule et me recroqueville dans un angle. Je refuse d'aller là-bas.
- Je vous déconseille de m'énerver détenue.
- Je suis désolée mais je peux pas aller là-bas, ma voix commence à se faire plus aiguë.
- Je m'en fous ! il crie tout en attrapant mon bras pour me traîner dehors. Tu fais ce qu'on te dit et tu fermes ta gueule ! il approche son visage du mien. Compris ?!
Je ne réponds rien, j'ai la gorge serrée aucun son ne peut en sortir. Je tente de me débattre mais il est bien plus fort que moi, il me traîne derrière lui comme une poupée de chiffon tandis que je tente de le ralentir en implorant qu'il me ramène. Mais rien n'y fait, il marche d'un pas déterminé et ni mes supplications ni mes larmes ne m'empêcheront deme retrouver dans la fosse aux lions.
Nous traversons un immense couloir large d'environ deux mètres, au plafond un néon blanc grésille et crépite. Le sol est carrelé, un petit carreau gris clair, un petit carreau gris foncé, un petit carreau gris clair, un petit carreau gris foncé... Les murs sont en béton et rien ne les recouvre, pas même de la peinture. Au bout du couloir se dresse une immense porte carrée avec au milieu une sorte de gouvernail comportant un capteur au centre. L'homme pose sa main sur le capteur, recule et la porte s'ouvre lentement. Je tremble de tout mon corps, je ne sais plus quoi faire, je suis terrorisée. Nous pénétrons dans une gigantesque pièce où se trouvent de longues tables, des bancs, des chaises, des tabourets.
-Vous voici dans la salle commune numéro six Mademoiselle Irwans.
Il sort et la porte se referme sur lui. Je me plaque contre celle-ci refusant de faire une pas de plus dans cet enfer. Il a dit Salle Commune numéro six, ce qui signifie logiquement qu'il y en a cinq autres, minimum... Il y a au moins deux cent personnes dans cette salle, il y aurait donc plus de mille personnes dans cet établissement... ? Nous avons sous-estimé les effectifs de la« prison ». Nous pensions qu'une centaine de personnes étaient enfermées ici nous nous sommes lourdement trompés. Mon père a toujours dit qu'ils étaient plus nombreux que nous ne le pensions, mais personne ne voulait y croire, après tout ce n'est pas souvent que quelqu'un se faisait attraper. Depuis que je suis au Camp j'ai assisté à la disparition de moins d'une dizaine de personnes. C'était surtout quand un camp était attaqué que des gens étaient emmenés mais dans ces cas-là il y avait plus de morts que de prisonniers... Manifestement il s'est passé des choses en ville dont personne n'a jugé bon de nous tenir informés. Maintenant je me rends compte que mon père avait raison. Encore une fois où nous aurions dû l'écouter. Plus personne ne lui fait confiance depuis sa petite erreur bien qu'il ai toujours été un des meilleurs éléments de la résistance. C'est regrettable car il a montré plus d'une fois que l'on aurait dû se fier à lui plutôt qu'a la majorité.
J'obserce toutes ces personnes qui ont lutté pour la liberté et la justice réunies dans cet horrible endroit. Ca me donne la nausée. Je reste plantée devant la porte et regarde partout autour de moi, ça grouille, ça fourmille. Je me sens oppressée, j'ai envie de vomir et mes jambes tremblent. Il y a un agent posté à chaque coin, je m'avance vers celui au plus près de moi et lui demande de me raccompagner jusqu'à ma « chambre ».
-Le numéro 7206 désire retourner à sa cellule.
- Déjà ? Elle a pas tenu longtemps la petite. Ca ira pour une première fois. Je vais venir, gardez-la sous le coude Matthew.
- Oui chef.
Génial, je n'ai même plus d'identité, je suis juste un numéro... Quelques minutes plus tard le même homme qui m'avait emmenée vient me récupérer, j'espère que ce ne sera pas toujours cette brute qui me déplacera. Je commence à avoir sérieusement peur et a me sentir vraiment faible. Si je ne fais pas quelque chose très rapidement je vais finir mes jours ici c'est certain. Une fois dans ma cellule je repense à ce que je viens de voir. Nos estimations étaient plus que fausses, ils sont largement plus que prévu et surtout leur état mental est bien plus dégradé que ce que nous croyions. Ceux du Camp doivent savoir, même si pour ça je dois rester ici plus longtemps que je ne le voudrais. Je dois rester forte et penser stratégiquement, fini les pleurnicheries. Le CRIPP m'a eue, il m'a enfermée ici, tant mieux. Grâce à eux je rentrerai au Camp avec tellement d'informations que nous allons les écraser. Mais qu'allons nous faire des autres, de tous ceux enfermés ici ? On ne peut pas les garder avec nous, les trois-quarts sont fous à liés. Mais on ne peut pas non plus les laisser comme ça à errer... Ces gens ne sont plus rien, on ne sas même plus si on doit encore les traiter comme des personnes. Je suis tellement en colère...
-C'est votre faute ! Tout est votre faute ! Vous avez détruit nos vies ! Je vous déteste ! Allez tous crever !
Je hurle à m'en déchirer les poumons. Je frappe contre la porte, essaie de défoncer la trappe pour sortir ma main, tente de briser la petite vitre en haut de la porte mais je ne reussis qu'à me retourner un ongle et à me mettre les mains en sang. Je prend de l'élan et me jette contre la porte, le coup m'assomme un peu, je titube, vacille et tombe. Je me retrouve au milieu de la pièce, assise en tailleur, les bras ballants. Je pousse un cri de rage, long et rauque. Puis je sens un liquide chaud couler sur mon visage, dans mon cou, sur les courbes de ma poitrine. Mon t-shirt se tâche de rouge. Je sens mon coeur battre au niveau de l'arcade, j'ai du me couper en tapant le rebord de la petite fenêtre de la porte. Je passe mes doigts sur mon visage et les porte à ma bouche, le liquide à un goût métallique. J'observe mes mains ensanglantées et éclate de rire. Un rire rauque et nerveux.
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Libération
Science FictionPourquoi le monde a changé ? Pourquoi avons-nous laissé faire ça ? Pourquoi avons-nous fermé les yeux ? Pourquoi ? La question demeure. En quelques décennies le monde a changé du tout au tout. Surveillance, arrestations, emprisonnement, sanctions...