Flashback #3

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Jusque là, j'aimais bien Paul. Vivre ma vie avec lui ne m'aurait pas vraiment dérangée. Après tout, j'avais des sentiments pour lui. Certes très différents des siens mais il m'auraient aidé à surmonter cette fatalité de la Prophétie.
À présent je détestais cette prophétie. Car vivre avec quelqu'un qui est capable de vous menacer si jamais vous ne lui obéissiez pas était juste insurmontable pour moi.
Je maudissais cette fatalité que m'avait assigné le destin... sauver le monde était bien suffisant, pourquoi s'encombrer d'un boulet bipolaire qui piquait des crises dès qu'on faisait quelque chose qui ne lui plaisait pas ? Pour m'aider ? La belle affaire !
Sa mère l'avait beaucoup trop chouchouté durant son enfance et même aujourd'hui.
Si en rentrant il lui racontait ce qu'il m'avait dit et fait, elle lui aurait répondu avec un grand sourire
"Super mon coeur ! Un ou deux sucres dans ton thé ?"
J'aurai très bien ou rejeter la faute sur sa mère, comme à mon habitude, mais ce n'était plus un gamin. Il devait assumer ses actes.
Malheureusement pour moi, je crois qu'il le faisait depuis belle lurette...
Et s'il continuait sur la voie qu'il avait empruntée, je risquais de très mal le vivre. Paul avait toujours voulu posséder. Me posséder par dessus tout. Mais j'avais toujours refusé de satisfaire ses désirs les plus brûlants.
Sauf aujourd'hui. Aujourd'hui j'avais abandonné la lutte trop tôt. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Une chose est sûre, je ne recommencerai pas.
La sonnerie me sortir de mes pensées et je me rhabilla en vitesse. Même si les toilettes du bâtiment administratif ne risquaient pas d'être prises d'assaut, je décida de sortir rapidement.
M'étant faite assez remarquée de la journée, il n'était pas indispensable qu'on me retrouve à moitié nue dans une cabine...
La matinée étant terminée, je choisis de rentrer chez moi plutôt que de manger seule ou avec Paul à la cantine.
Le plus discrètement possible, je sortis par le portail principal et pris la route de chez moi.

Deux jours plus tard

"Mais arrête de m'éviter comme ça ! Je t'ai même pas touchée ! J'aurais pu et j'ai respecté ton choix ! Je savais que tu voulais pas le faire et je t'ai pas forcée. C'est pas suffisant pour toi ?"

Appuyée contre le mur de l'ancienne salle de musique, je le regardais dans le blanc des yeux.
Cette salle, c'était notre lieu de rendez vous. Personne ne viendrait nous déranger ici. Nous pouvions donc être tranquilles pour discuter.
L'année dernière, on avait même installé des matelats pour se reposer lorsqu'on séchait les cours ensemble.
Je ne pensais pas qu'ils serviraient autant.

Paul était assis sur une table et me regardait aussi. Au bout d'un moment il se leva et partis s'allonger sur un des deux matelats et ferma les yeux. Ses cheveux châtains tombaient sur son front.
Au bout de quelques minutes je vins le rejoindre et me blottis contre lui.
Il ouvrit les yeux et me sourit doucement en caressant mes cheveux.
J'adorais lorsqu'il faisait ça. Il le savait. Au fond, il faisait beaucoup de choses pour moi. Il délaissait des amis dès que je me pointait malgré leurs reproches.
Il m'offrait quelque chose dès que sa mère laissait traîner quelques centimes.
Il faisait attention à moi. Il m'aimait.
Et moi rien. Moi je lui reprochait la moindre conduite fautive et je refusais de lui offrir ce qu'il voulait par dessous tout. Mon amour.
Alors doucement, je le renversa sur le dos et m'assis sur son bassin, face à lui.
Je lui caressa la joue et me pencha pour l'embrasser et enleva mon t-shirt. Au moment où je voulus déboutonner sa chemise, il me repoussa doucement et me chuchota
"Si t'as pas envie de le faire, ne te force pas."
Je restai sans voix. Il... il me proposait de s'arrêter là ? Après toutes ces fois où il me suppliait ?
Pour la première fois, c'était lui qui me repoussait.
Pourquoi ?
La réponse vint d'elle même. Paul voulait me montrer à quel point cela faisait mal que l'on vous repousse, que l'on vous rejette alors que vous ne cherchez qu'à vous faire plaisir et à faire plaisir à l'autre. Il voulait me montrer mon égoïsme. Le montrer combien il souffrait à chaque fois que je le regardait, dégoûtée par son désir affluent.
Je devais m'aquitter d'une dette.
Alors je me pencha doucement sur lui et lui chuchota
"Je veux qu'on le fasse. J'en ai envie"
Ce n'était qu'à moitié vrai. Oui, Paul me faisait envie, mais à l'idée de le faire...
La sonnerie retentit et nous nous rhabillâmes en vitesse.
Il me lança un rapide
"jeudi de 3 à 4 pendant la perm ?" secrètement je savais que cela n'arriverai jamais. il n'y aurait pas de perm jeudi. Il n'y aurait plus jamais perm à présent.
Car demain j'avais 15ans.
Et plus rien ne serait jamais comme avant.

Le lendemain

"Tu es prête ?" Me demanda une dernière fois ma mère, une larme à l'oeil.
Si tu veux tu peux toujours changer d'avis ma puce il n'est pas trop ta...
-Maman. La coupai-je fermement. J'ai fait mon choix. Ne t'en fais pas ça va aller. Papa et toi seront régulièrement informés de mes progrès à l'Institut. Et de mon état.
-Oui je... répondit elle en étouffant un sanglot. Je sais mais tu es notre fille ! Savoir que tu vas nous oublier... Que tu ne te rappellera pas de nous..."
Elle fondit en sanglots et se jeta à mon cou et mon serment de ne pas pleurer se noya dans le torrent de mes larmes.
Si je n'avais pas voulu avoir d'amis jusque là, c'était justement parce que je redoutais ce moment crucial. Mais le simple fait de quitter mes parents m'anéantissait... ils m'avaient élevés, chéris, et je les quittais sans même savoir si je les reverrai.
Chassant cette idée de mes pensées je tapota sur le dos de ma mère et elle s'écarta et essuya les larmes qui coulaient à flots sur mes joues. 
"Comme nous sommes fiers de toi ma puce. Tu es forte. N'oublie jamais ça.  C'est ce qui peut te sauver." Me dit mon père qui venait de surgir derrière moi et de m'enlacer.  Ma mère nous rejoint et cela se transforma en câlin collectif et en énorme bouquet de larmes.
Une voiture noire débarqua dans notre jardin et un officier sortit.
Il prit mon père à part et lui parla dans une langue inconnue. Cela ressemblait à du Portugais. Mon père étant Slovène, je voyais difficilement le rapport.
Au bout du compte l'officier vint vers moi, se pencha vers moi ( puisqu'il faisait 2m et moi 1m60... )
Et me demanda, en français cette fois
"C'est une lourde responsabilité. Es tu sûre de vouloir venir à  l'Institut ?
Je répondis simplement
-C'est mon destin."
Il prit ça pour un oui et me dirigea vers la voiture. Je m'assis sur la banquette arrière puisque la place passager de devant était prise par un autre officier.
Par la fenêtre j'adressa un dernier signe d'au revoir à ma famille. Au bout de quelques kilomètres l'officier qui ne conduisait pas dilua une fiole dans un verre d'eau et me la tendit en me disant que cela m'endormirait pendant quelques heures et rendrai mes souvenirs inaccessibles à mon esprit.
Remarquant mon hésitation, il m'affirma qu'il fallait que je le prenne avant que l'on arrive à l'Institut.
Il me précisa qu'il fallait boire d'une traite ou bien cela me rendrait complètement amnésique et inapte à tout apprentissage.
Je pris le verre et le bus d'une traite et regarda une dernière fois par la fenêtre avant de m'endormir.
J'étais en route vers mon destin

l'ÉlueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant