On s'était réunies dans la salle de math juste après le cours de sport. On n'avait même pas pris le temps de nous changer. Alors on avait couru dans les couloirs en priant pour que personne ne nous croise. Nous étions quatre petites tornades de jogging rayés et nos rires s'écrasaient contre les murs comme des bulles de champagnes. C'était Mathilde qui s'en sortait le mieux : ses bottes de caoutchouc jaune juraient un peu moins que nos ballerines vernies. Mais une fois dans la salle de classe, on ne se préoccupait plus tant que ça de nos chaussures. L'heure était grave.
Mathilde et Valérie s'étaient assises sur une table. Aude et moi-même restions debout. Pas question de se croire en cours !
« Bon, fit Aude, montrez-moi ce que vous avez. »
Elle n'était pas grande, mais elle avait une manière de s'exprimer, de bouger, et même de vous regarder qui inspirait un certains respect. Elle pouvait avoir beaucoup d'humour, mais quand elle donnait des ordres, on s'exécutait sans rechigner.
On a donc sorti les cahiers de nos cartables. Je regardais celui de Mathilde avec envie. C'était un cahier Oxford. J'avais écrit sur une de ses pages un jour et l'expérience avait été inoubliable. Le toucher de ce papier, plus épais, plus lisse et plus blanc avait était si doux. Mon stylo plume y avait glissé sans accroche, slalomant entre les lignes, créant des courbes, des pleins et des déliés. Cela n'avait rien à voir avec mon cahier bas de gamme dont le grain désagréable retenait ma plume, entraînant taches et punitions.
« Sarah, tu nous montres ou quoi ? » C'était Aude qui me rappelait à l'ordre. Vivement, je feuilletai les pages de mon cahier à la recherche du message.
« Je commence, le temps que tu trouves, dit Mathilde. Alors... Il m'a écrit 't'es trop mignonne avec tes couettes. Bisous, Paul.'
— Sérieux ? s'écria Aude. Il a vraiment du culot !
— Attends, c'est rien, la coupa Valérie. Moi, il m'a écrit 'J'adore ta robe. On se retrouve au parc après les cours ? Gros bisous, Paul.' » Elle avait insisté sur le 'gros' de 'gros bisous' et Aude n'avait pu retenir une grimace de dégout.
Les trois filles se tournèrent vers moi. C'était mon tour de lire le message que Paul m'avait laissé. Mais ma gorge était sèche. Je jetai un regard à la salle de classe vide. La prof n'y était pas, pourtant l'angoisse de sa chaise libre était bien présente.
« Allez, m'encouragea Mathilde. »
Je baissai les yeux sur ma feuille et lu :
« Je... J'ai... »
Mais je ne pouvais continuer. Je fis demi-tour et sortis en courant de la salle sans prévenir. Je ne m'aperçus que j'avais une larme au coin de l'œil qu'une fois à l'extérieur.
Libres à elles de se venger de Paul qui laissait des mots doux à toutes les filles alors qu'il sortait avec Aude. Mais vraiment, qu'elles ne me demandent pas de leur dire qu'il avait 'aimé mon doux parfum de rose'.
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Abécédaire
ContoRecueil de nouvelles et textes très divers ayant pour point de départ un mot inspiré par une lettre. Au sommaire : *A : Un ami pour la vie* Une fille un peu superficielle et allergique aux animaux doit se rendre à la SPA. #chicklit #plage *E : les é...