Chapitre 3 (OK)

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Alors que Libby me raconte encore une de ses histoires farfelues, je jette un coup d'œil à mon téléphone. Merde, il est déjà 16h et les 5 appels manqués de ma mère n'augurent rien de bon.
Voila près de 4 heures que nous sommes là à nous apprivoiser, à parler de nos vies, à rire et je suis violemment ramenée sur Terre. Je me sentais tellement bien que je n'ai pas vu le temps passer, ni les verres défiler. J'explique à mon amie que je dois vite partir si je ne veux pas qu'elle me retrouve dans la rubrique nécrologique du journal.
Je me lève un peu trop brusquement, je n'ai jamais bu d'alcool et les effets des quelques bières se font sentir. Libby rit en se ventant de m'avoir "dépucelée". Je fais la grimace et lui tends mon billet qu'elle repousse :

- La prochaine fois c'est pour toi!

J'accepte d'un oui de la tête, attrape mon sac et la salue en me dirigeant vers la sortie du bar. Je ne regarde pas devant moi et je me cogne de plein fouet à... Zach ?! Je manque de tomber mais il agrippe mon poignet pour me retenir et je me retrouve à 3 centimètres de son torse. Je sens mes yeux s'écarquiller et fixer les siens, deux noisettes, qui se plissent comme pour me pénétrer. Je déglutis difficilement, possédée, mon pouls s'accélère et ma respiration devient un espèce de râle; son odeur, un mélange boisé et épicé vient envahir mes narines.

- Tu es très rentre-dedans comme fille toi! 

Les mots finissent par se faufiler d'entre ses lèvres comme des serpents qui sifflent et ricanent... Je reprends mes esprits et secoue ma tête dans tous les sens comme dans un vieux cartoon, mes joues me brûlent. J'aimerais lui envoyer une réflexion cinglante pour lui montrer qu'il ne m'atteint pas mais mes lèvres refusent de s'ouvrir si ce n'est pour balbutier des "euh". Il m'envoie ce fameux sourire suffisant au coin de ses lèvres, je baisse les yeux, croise les bras contre la poitrine et me dépêche de reprendre mon chemin.
Si j'avais pu m'engloutir moi-même, me cacher sous terre ou devenir invisible, je l'aurais fait. Mais qu'est ce qui me prend ? J'étais ridicule, pathétique même... On dirait que c'est la première fois que ça m'arrive ! Je suis une habituée pourtant de ce genre de situation... Mais de là à réagir comme une gamine en overdose d'hormones ! C'est n'importe quoi ! 

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En descendant du tramway, je me rends compte que mon haleine est digne d'un pilier de comptoir. Avec un peu de chance, ma mère sera sur la terrasse et ne m'entendra pas rentrer. Je pourrais monter incognito pour me brosser les dents et me changer...
Mais évidemment, avec ma mère cela ne marche pas comme ça; elle doit avoir un radar ou quelque chose comme ça, c'est une cyborg ou une invention de satan, car à peine ai je fermé (délicatement j'en suis sûre ) la porte d'entrée, sa voix aiguë se fait entendre de l'autre bout de la villa

-Elisabeth Madeleine Vallet!

Quand ma mère m'appelle par tous mes prénoms, je retombe en enfance, mais pas pour le côté Disney et barbe à papa, non, je me sens minuscule et fautive de tout et n'importe quoi.
Je baisse la tête, honteuse, alors qu'elle arrive en trombe (mais avec classe) vers moi, je sais déjà que je suis foutue.

- Oú étais-tu Elisabeth ? J'ai lu dans le mail que tu n'avais rien à la fac cet après-midi !

Je n'ai même pas le temps de relever le fait qu'elle est encore allée fouiller dans mon ordinateur qu'elle renchérit déjà

- Tu as de la chance que Michelle soit là avec Antoine, je ne vais pas hausser la voix maintenant tu...

Soudain elle s'interrompt et fronce les sourcils, le nez en avant, elle s'approche comme pour me renifler. Elle s'écarte d'un coup, le visage plein d'effroi comme si j'étais couverte de sang.

- Tu as bu? Elisabeth Madeleine? Est-ce que tu as bu? Et tu as fumé ? Mais qu'est-ce que j'ai fait au bon dieu pour avoir des filles pareilles?
- Euh, je... J'ai bu une petite bière, juste une gorgée, je...

Une remontée de gaz vient finir ma phrase, j'essaie de camoufler mon rot mais trop tard. L'odeur de la bière est juste infâme lorsqu'elle remonte de mes entrailles. Je vois ma mère devenir rouge, ses yeux virer au noir. Elle m'envoie me brosser les dents et enfiler "quelque chose de convenable qui ne pue pas le tabac froid".

Je redescends 10 minutes plus tard, un peu plus fraîche et vêtu d'un chemisier vert à manches courtes et d'une jupe droite noire. J'ai même enfiler ma paire de ballerines pour essayer de faire baisser la tension de ma mère.
Quand j'arrive sur la terrasse, je reconnais très rapidement Michelle avec son horrible brushing choucroute, vêtue de son Chanel vert d'eau. Assis à côté, un jeune homme d'à peu près mon âge discute avec ma mère. Antoine? Il n'est vraiment plus le gros lapin à lunettes que j'ai connu il y a une dizaine d'années, je dirais même qu'il s'est transformé en lièvre appétissant. Je rougis de mes propres pensées.

- Eliiiiiiiisabeth! Que tu es radieuse! Hurle la choucroute de sa voix de crécelle.

J'ai mal à la tête et la seule chose que je désire est un verre d'eau d'au moins deux litres. Mais elle ne peut s'empêcher de me serrer dans ses bras me faisant sentir son horrible parfum qui me donne la nausée.

- Béatriiiiice, tu m'avais caché que ta fille était devenue si belle! Arnaud et toi devaient être vraiment fiers !

Ma mere lui adresse un sourire poli en guise de réponse ; je sais que ma petite virée m'a fait perdre au moins 50 points de côte.

- Viens ma chérie, tu te souviens d'Antoine? 

Michelle me fait m'assoir à côté de son fils qui relève la tête vers moi pour me lancer un sourire timide. Il a de beaux yeux marrons qui pétillent, je ne l'avais jamais remarqué derrière ses grosses lunettes, et son sourire doit sûrement être la cause du réchauffement climatique. Il a le teint hâlé et ses cheveux courts bruns donnent envie d'y plonger sa main.
Sa mère me sort de mon exploration visuelle, elle m'explique qu'Antoine a fait sa scolarité dans une École Militaire ; je me mords la lèvre inférieure, je savais bien que ses muscles n'étaient pas là il y a 10 ans. Il vient d'entrer à L'Ecole de l'air pour pouvoir devenir officier. Je perds le fil du détail de son curriculum vitae quand mes yeux découvrent ses biceps un peu trop à l'étroit dans sa chemise blanche, qui en passant est juste parfaite sur sa peau bronzée... Je pousse un soupir, j'ai chaud, il m'arrive quoi? Je me sens étrangement légère... Je ne boirais plus...

- Et toi alors, le droit?

Mes yeux remontent vers son visage, je regarde autour de nous, je n'avais même pas remarqué que nos mères nous avaient laissés seuls. Je bafouille en tentant de lui dire que je ne commence vraiment que demain, je me sens intimidée. Je ne suis pas très douée dans mes relations avec les autres et surement encore moins avec les garçons.

- Je suis sûr que tu vas très bien t'en sortir. Tu as toujours été douée pour les études. Et plus c'était compliqué plus tu aimais ça...!
- Tu es en école d'ingénieur et c'est toi qui me dit ça!

J'ai l'impression que nous sommes dans une battle de compliments, mais à force d'entendre ceux qu'il me fait, mes joues deviennent cramoisies et me brûlent à cause de mon sourire béat.
Je me sens observée. Je regarde derrière moi et aperçois les deux entremetteuses qui complotent dans la cuisine. Je veux bien qu'elles arrangent ce qu'elle veulent si le fiancé est la reproduction vivante d'un dieu grec.

Au bout de 10 minutes, elles reviennent vers nous

- Et bien on ne vous arrête plus tous les deux , ricane Michelle. Antoine, et si tu invitais Elisabeth à sortir? Pourquoi pas vendredi soir? Qu'en dis-tu Elisabeth ?

Je me demande comment fait elle pour aligner autant de mots sans reprendre sa respiration. La vision de cette sortie avec un Apollon me semble très agréable jusqu'à ce que la soirée de ma soeur me revienne en mémoire.

- Vendredi soir je suis chez Elena ...

Ma mère fronce les sourcils une demie seconde puis reprend son faux sourire de circonstance.

- Elisabeth, tu peux sortir avec Antoine et rejoindre ta soeur après!

Je regarde ma mère d'un air étonné, il semblerait que mon potentiel prétendant me fasse remonter dans les sondages. Je me tourne vers Antoine qui m'envoie son plus beau sourire. Vraiment, ma mère a bien fait les choses cette fois.

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